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152 – Joseph-Adolphe et Edwin s’exilent aux États-Unis

15200JOSEPH-ADOLPHE ET EDWIN (les enfants de Mary-Ann 3)

Aucune mention des trois fils dans les mémoires de David Gosselin. Dans son ouvrage intitulé Généalogie de la famille Gosselin (Québec 1901, Imprimerie Marie-Antoine) David Gosselin présente chacun des membres de sa fratrie. Il en profite pour indiquer le métier que chacun exerça, les études qu’il poursuivit, le nom de l’épouse. Et il présente les enfants issus de ces unions.

Or, s’agissant des enfants de François-Régis, mon arrière-grand-père, il se montre fort discret au sujet des trois fils de François-Régis et de Mary-Ann, Joseph-Adolphe, Willie et Edwin; se contentant de ne mentionner que leur date de naissance. La chose a de quoi étonner étant donné qu’il n’est pas avare de détails sur les trois filles, Ida, Éva et Mathilde; dont il n’omet pas de mentionner les dates de leurs mariages et le nom du mari de chacune.

Pourquoi en est-il ainsi? Parce que le destin d’aucun des trois fils n’eut l’heur de plaire à l’impérial curé Gosselin! Et que ceux-ci, en corollaire, en voulurent énormément à la famille Gosselin et en particulier au curé Gosselin d’avoir traité aussi cruellement leur père, François-Régis, et leur mère, Mary-Ann. La déchéance de leur père, l’obligation de quitter Chicoutimi où ils avaient grandi et étudié, le dénuement dans lequel la famille se retrouvait plongée, tout cela dut les blesser profondément. Ils choisirent l’exil.

Joseph-Adolphe et Edwin émigrent aux États-Unis. C’est tante Élizabeth qui me donna l’heure juste quant à ce qu’il advint des trois garçons. Selon elle, deux d’entre eux, Joseph-Adolphe et Edwin, quittèrent rapidement le Canada et émigrèrent aux États-Unis, d’où ils ne revinrent jamais. Pour le curé Gosselin, s’expatrier aux États-Unis chez les anglophones et les protestants constituait l’injure suprême. Tante Élizabeth se montra évasive quant à leur nouvelle vie, indiquant tout au plus qu’ils ne revinrent jamais, ou très rarement, visiter leur famille au Canada.

Mon père m’avait vaguement parlé d’un oncle installé aux États-Unis et qui parlait dorénavant le français avec un fort accent… S’agissait-il de l’un d’eux? Une chose est sûre : lors des repas du Nouvel An, chez ma grand-mère Mathilde, on ne parlait jamais de Joseph-Adolphe et d’Edwin. Pourtant, le curé Gosselin était mort depuis longtemps! Ferdinand Verret, qui se fera au cours des années un devoir de consigner dans son Journal les faits et événements de la famille, ne fit jamais référence à une hypothétique visite à Charlesbourg des frères américains de sa chère Lizzie. Ceux-ci étaient également, ne l’oublions pas, les enfants de Mary-Ann.

Joseph-Adolphe, séminariste pendant un temps, émigre au Massachusetts en 1887. Après des débuts prometteurs au Petit Séminaire de Chicoutimi (voir chapitre 147 Le bonheur de Mary-Ann), Joseph-Adolphe, l’aîné des enfants du couple Gosselin-O’Neill, était devenu « séminariste à Cap-Santé » (Annuaire du Séminaire de Chicoutimi, pour l’année 1888-1889, p. 401), précisément le village dont David Gosselin était curé. Il s’agissait sans doute d’une solution de repli puisque Joseph n’avait pas réussi à être accepté au Grand Séminaire de Québec : il avait échoué à un examen de physique de fin d’études au Séminaire de Chicoutimi et était, toujours selon le même annuaire,  « maître de salle et d’étude » à son alma mater (Ibid. p. 401). Dans une lettre adressée au recteur de l’Université Laval, le 18 avril 1887, le préfet des études du Séminaire de Chicoutimi, l’abbé Victor Huard, avait essayé d’intercéder en sa faveur (correspondance retrouvé dans les archives du Petit Séminaire de Québec), mais sans succès. De plus il fallait débourser 120$ par année en frais de scolarité et de pension pour étudier au Grand Séminaire; un montant élevé pour l’époque et que Joseph-Adolphe ne pouvait débourser, n’ayant pu obtenir de bourse.

Or en 1887, justement, un dénommé Joseph Gosselin s’expatriait aux États-Unis, plus exactement à Northampton, dans le comté de Hampshire au Massachusetts, et demandait sa naturalisation. Northampton est situé à l’ouest de Boston, au sud de la chaîne des Montagnes Vertes (Green Mountains). On mentionne dans son acte de naturalisation qu’il est né au Canada, d’un père francophone et d’une mère née en Irlande (Source : Ancestry.ca). Or, comme j’avais relevé les noms d’au moins dix Joseph Gosselin établis au Massachusetts, au New-Hampshire et au Vermont dans les registres de naturalisation, il me fallait des preuves plus tangibles de son lien avec « mes » Gosselin!

S’agit-il bien de Joseph-Adolphe? Oui! Ce lien, je l’ai trouvé. Car Joseph Gosselin se marie, le 16 février 1904 à Northampton, au Massachusetts, avec Julia Pilon. Il s’agit d’une franco-américaine comme lui, fille de Sévère Pilon et de Matilda Hudon. Le registre des mariages de l’État du Massachusetts nous indique le nom du père et de la mère du marié : François R. Gosselin et Mary A. O’Neill. Pas de doute possible : il s’agit bien de notre Joseph-Adolphe, qui se fait dorénavant appeler Joseph Gosselin!

Dans le Recensement fédéral américain de 1920, on indique que Julia et lui habitent toujours Northampton et qu’ils ont deux enfants, Edward (15 ans) et Angelina (14 ans). Le métier de Joseph? Superintendant de la poste. Il maîtrise sûrement aussi bien l’anglais que le français et a reçu une éducation soignée. Mais ce n’est quand même pas le pactole, surtout si on compare sa situation avec celle des maris de ses sœurs du Canada : Ida, Éva et Mathilde.

Edwin, son frère, le rejoint en 1891. Sur Edwin, le plus jeune des garçons du couple Gosselin-O’Neill, on sait fort peu, du moins en ce qui concerne sa jeunesse. Ses parents l’avaient inscrit au cours commercial au Petit Séminaire de Chicoutimi. Il ne s’illustra pas comme ses deux frères aînés au plan académique. Il apparaît ensuite au Recensement canadien de 1891 comme habitant chez son oncle, Pierre Gosselin, dans le quartier Saint-Roch à Québec. On le décrit comme « étudiant ». En quelle discipline et où? Mystère.

En 1891, cet Edwin Gosselin émigre lui aussi à Northampton, selon les dossiers d’immigration américains. Il n’a alors que vingt ans. Il est célibataire et exerce le métier de polisseur de métal (la traduction est de moi…). Il obtiendra rapidement sa naturalisation. J’ai pu établir qu’il restera toujours proche de son frère Joseph et de la famille de celui-ci. D’où me vient cette certitude?

Le Recensement fédéral de 1940 : une mine d’informations. Le Recensement fédéral de 1940 nous fournit plusieurs informations intéressantes au sujet des deux fils de Mary-Ann. On y indique qu’Edwin, qui a maintenant 68 ans et qui est né au Canada vers 1872, mais qui a obtenu sa naturalisation, est toujours célibataire. Il habite chez sa belle-sœur Julia au 122 King Street, à Northampton. Y vivent également les deux enfants de Joseph et de Julia : Angeline, qui a maintenant 34 ans, célibataire, ainsi qu’Edward, 35 ans. La femme de celui-ci, Alice, qui a également 35 ans, y habite de même que le fils du couple, Edward, 6 ans.

Le décès de Joseph, de Julia et d’Edwin. Il n’est pas fait mention de Joseph Gosselin dans le Recensement fédéral de 1940. Pourquoi en est-il ainsi? C’est qu’il est décédé en 1937, à l’âge de 72 ans, et était inhumé au cimetière Saint Mary de Northampton (Source : Index de Find a Grave, Ancestry.ca). Sa femme Julia décédera quant à elle en 1965. Edwin mourra en 1973, toujours selon la même source, et sera inhumé lui aussi dans le cimetière Saint Mary. Une pierre tombale portant le nom de famille Gosselin, que l’on peut voir sur le web, a été érigée à leur mémoire.

Des questions qui demeureront sans réponse. Joseph et Edwin coupèrent-ils les liens avec la famille et surtout avec leur mère, Mary-Ann, comme semblait l’indiquer tante Élizabeth? Cela semble avoir été le cas. On peut à tout le moins espérer qu’ils écrivaient régulièrement, ou à l’occasion, à la famille d’ici pour donner de leurs nouvelles et s’enquérir de ce qu’il advenait de leurs parents. Leur nom ne figure pas dans l’acte d’inhumation de Mary-Ann (décédée en 1909) pas plus que dans celui-ci de leur père, François-Régis (décédé en 1912). Se pourrait-il que Mary-Ann ne revit plus jamais ses deux fils? Quelle tristesse pour cette femme qui avait traversé tant d’épreuves…

Et malgré moi, je ne peux oublier le fait qu’à partir de 1952 nous nous rendions régulièrement, mes parents et moi, à la mer, à Hampton Beach, à quelques centaines de kilomètres de Northampton. Nous explorions le coin en automobile car ma mère avait de la famille établie à Amesbury (voir chapitre 15 Hampton Beach avec le clan Côté). Nous piquions des pointes jusqu’à Peabody, Lovell, Salem. Si près et si loin… Mon père savait-t-il qu’Edwin, son oncle maternel, était encore vivant et habitait la région? La question m’interpelle… mais je n’en connais pas la réponse.

À ce jour mes recherches en vue de retracer les descendants de Joseph et de Julia sont demeurées vaines. J’ai cependant pu communiquer avec le docteur Philip Gosselin, qui habite Amherst, au Massachusetts. Il m’a aimablement donné les noms de ses parents, grands-parents et arrière-grands-parents… qui n’ont aucun lien avec « mes » Gosselin. J’en suis venue à la conclusion qu’il faut, à un moment, respecter le choix des individus de briser le lien qui les unit à leur famille souche.

15203aDes photos de Joseph Gosselin et de Julia Pilon? La Société historique de Charlesbourg a en sa possession une boîte contenant de vieilles photos ayant appartenu à ma grand-mère, Mathilde. Comment est-on si sûr que la boîte ait appartenu à Mathilde et à personne d’autre? Parce qu’on y trouve des photos d’elle jeune fille ainsi que des photos de mon père au Petit Séminaire de Québec. Mais aussi des photos de Ferdinand Verret avec Lucie, sa femme et sœur de mon grand-père, en compagnie de Mathilde. Une photo également de Sœur Jérôme, une autre sœur de mon grand-père (voir chapitre 69 Sœur Jérôme). Bref, des personnes dont ma grand-mère était très proche. J’ai pu consulter les photos de cette boîte et aider les bénévoles à identifier la plupart des personnes qui y figurent.

Il en reste deux, cependant, qui demeurent une énigme.

Ce sont des photos professionnelles, l’œuvre d’un photographe de Newport, dans le Vermont, du nom d’Allynn Bishop. Sur l’une, un homme. Sur l’autre, une femme. Elles ont été prises au début des années 1900 si on se fie au style vestimentaire des personnes qui y figurent. Il s’agit de toute évidence d’un couple, même s’il s’agit de deux photos séparées. On dirait la photo de deux nouveaux mariés. Exactement dans le style de la photo du mariage de Mathilde et de mon grand-père célébré à Charlesbourg le 9 octobre 1901 (voir chapitre 81 Le bonheur de Joseph-Arthur et de Mathilde). S’agirait-il de Joseph Gosselin et de Julia, en voyage de noces au Vermont et qui en profitent pour se faire photographier?

Une chose est sûre : ces deux photos ont été précieusement conservées par ma grand-mère. Le mystère demeurera à jamais entier…

153 - Une autre forme d'exil pour William (Willie) : l'internement

 

 

 

 

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