EdithBedard.ca Mon arbre

EdithBedard.ca

95 – David Gosselin remonte le cours de la rivière

Une passion pour la généalogie… On a amplement décrit dans les chapitres précédents le caractère combatif de David Gosselin et son penchant pour la polémique. On a également constaté qu’il faisait rarement les choses à moitié et qu’il était en matière d’écriture particulièrement prolifique! Il démontrera la même fougue dans l’exploration d’un domaine qui lui tenait particulièrement à cœur : la généalogie.

Il se plongera dans l’étude des origines de sa famille mais également dans celle des familles des paroisses de Cap-Santé et de Charlesbourg avec une ferveur et une minutie dont lui seul était capable. Nul doute qu’il se faisait plaisir à lui-même! Mais il saura également en faire profiter ses paroissiens et ses concitoyens en leur offrant le fruit de son labeur. Il publiera ainsi en 1899, en collaboration avec l’abbé Félix Gatien dont il poursuivra les travaux : L’Histoire du Cap-Santé en1899 (288 pages). Puis il publiera , seul :

La généalogie de la famille Gosselin en 1901 (90 pages);
Pages d’histoire ancienne et contemporaine de Saint-Laurent en 1904 (104 pages);
Dictionnaire généalogique des familles de Charlesbourg en 1906 (592 pages);
Figures d’hier et d’aujourd’hui à travers Saint-Laurent, Île d’Orléans en 1919 (tome I : 320 pages, tome II : 324 pages, tome III 368 pages).

… qui force l’admiration. Ces ouvrages, je les ai parcourus attentivement, voire lus. Ils sont disponibles, mais pour consultation seulement, aux Archives nationales du Québec. Au début, je me suis astreinte à les parcourir, guidée par un sentiment d’ obligation, étant donnée la démarche que je menais. Je me suis rapidement laissée prendre par sa plume précise mais enlevante, par sa vivacité d’esprit et par sa fougue.

9500On imagine l’énergie qu’il fallut déployer pour réussir à consigner cette masse d’informations à une époque où internet n’existait pas, non plus que les photocopieuses ou les télécopieurs! Je l’imagine dans son bureau du presbytère de Cap-Santé ou de celui de Charlesbourg, ordonnançant des masses de documents d’état civil et de registres paroissiaux, recueillant, souvent par correspondance, des renseignements épars dont il essayait de retrouver le fil conducteur. Puis compilant le tout et en produisant une version publiable.

La généalogie des Gosselin : une démarche exemplaire. Sa quête en vue de dresser la généalogie des Gosselin, et dont il fera une publication, est exemplaire! Sa rigueur méthodologique également. J’ai retrouvé au Musée du Petit Séminaire de Québec copie de la correspondance qu’il échangera avec l’abbé Amédée Gosselin en janvier et en mars 1891. Amédée Gosselin était un cousin éloigné, puisque tous les Gosselin étaient issus du même ancêtre.   Les deux hommes partageront un intérêt non dissimulé pour les archives et demeureront en contact toute leur vie. David Gosselin y décline la nomenclature qu’il a à ce jour dressée des ancêtres. Il en est rendu à la septième génération. En janvier 1891, il écrit ceci  à son correspondant : « Si je comprends bien, nous en sommes maintenant au 5e degré. Pas de dispense. Ce qui n’empêche pas d’être parents, ce dont je me félicite. Si mon manuscrit peut vous rendre service, je puis vous le prêter dans un mois ou deux. Amitiés. D.Gosselin » (Archives du Petit Séminaire).

En mars de la même année, il semble tellement sûr de ses travaux qu’il écrit à son interlocuteur : « L’arbre généalogique de l’ancien Curé de Saint-Jean est conforme au Dictionnaire de Mgr Tanguay, mais je le pense incorrect. (…) Tous les Gosselin du Canada sont certainement parents » (Id).

Puis, demande un petit service : «  Avez –vous la lignée de Charles Gosselin, auteur d’une petite grammaire que vous connaissez? Il doit venir de St. Charles. Amitiés. D. Gosselin. » (Id.)

Les Gosselin : bien issus d’un creuset français et catholique? Ouf! Que cherchait-il au juste? Le relevé le plus fidèle possible des origines de la famille. Mais en plus, dans son cas, il semble évident que David Gosselin souhaitait vérifier a priori dans quelle mesure l’arbre dont il était issu était purement français et catholique, avec tout ce que cela pouvait impliquer. Il dut pousser un soupir de soulagement lorsque confirmation lui fut donnée que tel était bien le cas. Il n’aima jamais les greffes ou les fausses branches!

9503aLiens épistolaires avec un cousin de Combray. Mon grand-oncle entretenait également une correspondance avec un très lointain cousin, un dénommé Albert Gosselin, qui résidait encore dans le village de Combray, en Normandie, d’où le premier Gosselin à émigrer en Nouvelle-France était parti. Ce cousin procéda aux recherches dans les registres d’état civil et transmit à mon grand-oncle le fruit de ses travaux, qui sont reproduit dans son ouvrage sur la Généalogie de la famille Gosselin (Québec, Imprimerie Marie-Antoine, 1901, 90 pages). Il put ainsi confirmer que Gabriel Gosselin, fils de Nicolas et de Marguerite Dubréal, avait vu le jour à Combray en 1621. Et qu’il avait bel et bien émigré en Nouvelle-France. David Gosselin, de son côté, confirma à son interlocuteur que Gabriel Gosselin s’était marié deux fois, avait eu douze enfants dont la plupart s’étaient établis à l’Île d’Orléans.

Le cousin Albert poussa même la délicatesse jusqu’à aller interroger des cousins éloignés qui se rappelaient encore ce que leur avaient dit leurs propres grands-parents au sujet de ce Gabriel : «Ils ont la souvenance que ceux-ci leur ont dit qu’ils avaient un grand oncle qui était parti pour les Colonies; c’est tout ce qu’ils savent: Le souvenir vague d’une tradition de famille. » (Correspondance reçue d’Albert Gosselin et citée par David Gosselin dans Généalogie de la famille Gosselin, p. 6).

Et il ajoute également, pour le plaisir de son cousin David Gosselin, qui dut s’en délecter, ceci : « Je suis heureux d’avoir trouvé les papiers nécessaires pour établir ce fait et constater notre parenté.

Ici, en Normandie, la famille Gosselin est bien notée, pieuse, honnête et travailleuse. Ceci dit entre parenthèse, à titre de renseignement et sans orgueil…

 Tous mes petits descendants vous envoient au Canada leurs meilleurs vœux; ils sont heureux d’avoir comme cousin un homme de Dieu dans cette immense colonie et ils vous prient instamment de leur envoyer votre bénédiction dans la vieille patrie de vos ancêtres. » (Op. cit. p.6)

Un noble dans la famille Gosselin! David Gosselin ne voyageait à peu près jamais, parce qu’il était de santé fragile. Il effectuera néanmoins un séjour en France, du 13 mai au 10 août 1910, mais dont il ne révélera jamais les buts non plus que l’itinéraire, se limitant en en mentionner laconiquement les dates de départ et de retour dans le Bulletin paroissial. S’était-il rendu à Combray?

Peut-être en ramena-t-il ce vieux document, fort jauni par le temps, mais dactylographié, que j’ai retrouvé dans une boîte de souvenirs de famille. Il s’agit d’un inventaire généalogique des lointains ancêtres Gosselin d’avant la Nouvelle-France. On y lit qu’en 1519 un dénommé Jean de Gosselin, Seigneur du Mesnil-Germain, écuyer de la fourriérie du roi et valet ordinaire de celui-ci, fut anobli. Il est également question d’un Jean Gosselin, seigneur de la Vacherie, maître ordinaire de la Chambre des Comptes de Rouen qui fut lui aussi anobli par Lettres patentes en septembre 1585 par Henri roi de France et de Pologne. On décline la lignée sur plusieurs générations en soulignant presque à chaque degré les marques de reconnaissance obtenues. Ainsi le fils de ce Jean, nommé lui aussi Jean, gendarme de Gaston duc d’Orléans, se retrouva à ses côtés aux sièges de Lanoy, de Courtray, de Bergues et de Mardik, références qui ne signifient rien pour moi mais dont je suis convaincue que mon oncle procéda à une vérification poussée de leur véracité! Ces renseignements ne furent cependant pas inclus dans la publication qu’il fit sur les Gosselin.

Surtout ne pas oublier. La référence, chez Albert Gosselin, au « départ aux Colonies » m’a fait réaliser combien la fracture devait être brusque pour un individu ou une famille qui quittaient leur village natal pour s’exiler. Surtout au-delà de l’Atlantique, qu’il faudrait franchir dans des conditions difficiles. On partait en sachant qu’on ne reviendrait sans doute jamais. Qu’on demeurerait sans nouvelles de ceux qu’on avait laissés derrière. Que nos parents mourraient sans jamais nous revoir. Et que ceux-ci, en corollaire, ne sauraient peut-être jamais ce qu’il était advenu de nous! On allait reprendre racine dans un ailleurs difficile à imaginer, hostile, éloigné, muet et impossible à décrire puisqu’on ne le connaissait pas! À l’époque s’exiler dans des terres lointaines c’était rompre les amarres et partir vers l’inconnu.

Dans plusieurs communautés africaines, une des fonctions des conteurs est de décliner l’ascendance des familles, en remontant le plus loin possible. Voilà sans doute la leçon que David Gosselin voulait donner, par sa démarche, celle du devoir de mémoire.

Il existe une Association québécoise des familles Gosselin, qui est très active. Elle compte un musée, qui est situé à Saint-Laurent Île d’Orléans. Elle a baptisé son musée-bibliothèque : le musée David Gosselin, reflétant ainsi l’appréciation que l’on ressent encore dans son village d’origine à son égard.
96 - David Gosselin écrit l’histoire des familles de Charlesbourg

 

Recherche
Merci de faire connaître ce site