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94 – Un ego gonflé à l’hélium

Des origines humbles et terriennes. David Gosselin était né à Saint-Laurent, Île d’Orléans, le 22 novembre 1846, fils de Joseph Gosselin, forgeron, et de Soulanges Lapierre. Il avait six frères et trois sœurs, dont il restera très près. Deux de ses frères deviendront arpenteurs. Les trois autres, dont François-Régis, futur papa de ma grand-mère Mathilde, choisiront le droit et deviendront avocats.

David Gosselin fut inscrit au Petit Séminaire de Québec à partir de 1861, où il fit de brillantes études. Mais il était assez démuni au plan financier si bien que le Petit Séminaire lui octroya une bourse de quarante dollars ($) afin de lui permettre de terminer sa première année « à condition qu’il soit bien entendu qu’il n’a qu’une demi-pension » (Plumitif du Petit Séminaire de Québec, le 23 mars 1862). Il fut ordonné prêtre le 26 mai 1872. Successivement vicaire à Montmagny, Sainte-Anne de Beaupré, aux Éboulements, à Saint-Roch de Québec. Puis curé de Saint-Honoré de Shenly, de Cap-Santé, de 1887 à 1899, et finalement curé de Charlesbourg, à partir de 1899 et ce, jusqu’à 1920.

9400aUne personnalité forte et cassante. Il démontre rapidement une personnalité forte, un don évident pour l’écriture, une formidable énergie, un goût tout aussi évident pour l’affirmation des idées qui lui sont chères. Des idées de droite. Bref, quelqu’un de très volontaire, charismatique et extrêmement dominant. Il peut être très cassant et peu amène. Les nombreux résumés de correspondance (environ une centaine) le concernant qui sont conservés dans le fichier de référence du Musée de l’Amérique française, qui est constitué pour une bonne part des Archives du Petit Séminaire, illustrent la personnalité intransigeante de David Gosselin et son goût prononcé tout au long de sa vie active pour les affrontements, les interpellations, les admonestations.

David Gosselin déteste perdre et n’accepte pas les semonces, même quand elles lui sont servies par ses supérieurs. Il fait flèche de tout bois. Attaquant l’un pour avoir supposément mal rapporté sa pensée, pourfendant l’autre, une institution d’enseignement en l’occurrence, dont l’enseignement religieux ne lui semble pas suffisamment appuyé.

Un être tourmenté qui se contraint lui-même. Personnalité également saturnienne et tourmentée. Ceux qui l’ont côtoyé le décriront en corollaire comme également rêveur et solitaire. On devine quels démons intérieurs durent le torturer tout au long de son existence! J’imagine sa soutane non pas comme un vêtement mais comme une armure, pour attaquer et déstabiliser les autres, mais également pour se contraindre lui-même. Qui plus est, comme une camisole de contention! Sans doute résolut-il de se faire violence et de juguler ses passions! On est loin de la simplicité débonnaire de mes oncles Conrad et Lorenzo Côté, les deux frères de mon grand-père maternel (voir Chapitre7, Un peu de religion)!    

Propriétaire et éditeur de la Semaine religieuse. On a dressé au chapitre 92 la nomenclature somme toute impressionnante des œuvres à teneur religieuse que mon grand-oncle publia au cours de sa carrière. Mais ce n’est pas tout. En 1888, juste après avoir été nommé curé de Cap-Santé, il rachète d’un certain abbé Provancher La Semaine religieuse, un périodique qui paraît chaque semaine et qui est destiné aux curés des paroisses ainsi qu’aux personnes « pieuses » en général. Il est distribué auprès de mille personnes dans le diocèse de Québec et ailleurs. David Gosselin, qui acquiert ainsi une visibilité certaine, en est non seulement le propriétaire mais également le directeur, responsable des contenus. Il le demeurera pendant treize ans! Mon grand-oncle rédigeait la plupart des articles de la revue, qui comportaient entre huit et seize pages à chaque numéro. On estime à 10 000 le nombre de pages de textes qu’il produisit avec cet hebdomadaire, sans compter ses autres œuvres littéraires et religieuses : Un travail de titan!

Comme il se tenait lui-même en haute estime, on peut imaginer que la popularité de ce périodique ajouta au lustre dont de toute façon il se serait lui-même honoré!

La défense des droits des francophones du Manitoba : sa croisade! Prêtre, curé, écrivain mais aussi polémiste. Car les idées que David Gosselin défendait allaient dépasser le strict cadre de la piété et de l’information religieuse. C’est ainsi qu’il s’investit bec et ongles et très publiquement dans la cause des droits des francophones du Manitoba et joindra les rangs de l’ultramontanisme. Une cause qui allait mobiliser la fraction la plus radicale et ultrareligieuse des catholiques du Canada français. Laquelle condamnait toute ingérence de l’État dans les affaires de l’Église catholique et démonisait carrément les protestants et les francs-maçons.

Ce combat de titan, mené à partir de Québec par un humble curé de paroisse, pas si humble en fait, impressionne néanmoins! D’autant que mon grand-oncle, de santé assez fragile, ne voyageait jamais. C’est par la plume qu’il attaquait! Et sa prose le menait très loin!

9402La création de la Caisse populaire de Charlesbourg : David Gosselin cautionne le projet. On aura compris que quand cet homme décidait de s’investir dans un projet, il y mettait toute sa fougue et sa détermination. Il fut ainsi instrumental dans la création de la première Caisse populaire de Charlesbourg, en 1911. Le fondateur des Caisses populaires, Alphonse Desjardins, appuyait toute paroisse qui décidait de se constituer en coopérative d’épargne et de crédit. Mais il posait une condition : que la volonté populaire d’une communauté soit endossée par les autorités religieuses de la paroisse, en particulier son curé. Ce qui fut le cas à Charlesbourg. David Gosselin note dans son feuillet paroissial que la décision de fonder une caisse a été prise par le conseil de la Ligue du Sacré-Cœur, le 2 avril 1911. Deux mois plus tard Alphonse Desjardins exauce le vœu des paroissiens et participe, le 25 mai 1911, à la cérémonie de mise en place de la Caisse populaire. Celle-ci compte deux patrons honoraires : Mgr Paul-Eugène Roy, bras droit de l’archevêque de Québec, et David Gosselin!

Une affaire de famille. J’ai précédemment mentionné que deux des frères de mon grand-père compteront parmi les membres élus du premier conseil d’administration : Elzéar, mais surtout Cléophas qui en sera le premier gérant à titre bénévole. Non seulement ne touchera-t-il aucun salaire mais il mettra bénévolement sa maison du 140, 80e rue est à Charlesbourg, à la disposition de la Caisse (voir Chapitre 66, Cléophas Bédard)! Ainsi, les Bédard et David Gosselin auront été instrumentaux dans la création de la Caisse populaire. Sans oublier Ferdinand Verret, marié à une Bédard, et qui consignera fidèlement et au quotidien dans son Journal chacune des étapes de sa mise sur pied.

Le sauvetage de la Caisse populaire : David Gosselin remet les pendules à l’heure. David Gosselin interviendra très fermement quelques années plus tard alors que la zizanie et le laisser-aller se sont installés au sein du conseil d’administration. Le gérant en est alors Joseph-Albert Delage et il a à toutes fins pratiques perdu le contrôle de la situation, noyauté par les commissaires de crédit et les membres du conseil de surveillance. On court à la faillite. La légende urbaine veut que ce soit le curé Gosselin qui soit intervenu. Après la destitution manu militari du gérant, le premier avril 1919, les activités de la Caisse sont temporairement suspendues. Le curé Gosselin fait alors entrer son vicaire, Ulric Couture, au conseil d’administration « pour mieux assurer la survie et la prospérité de notre Caisse. » Ces faits et le rôle de mon grand-oncle sont rapportés dans la brochure commémorative des cents ans de la Caisse, publiée par le mouvement Desjardins en 2011.

L’objectivité n’est pas toujours au rendez-vous. La notoriété de David Gosselin ne cessera de croître, avec les années. Mais il ne fait pas l’unanimité et son objectivité n’est pas toujours au rendez-vous! Dans une section de leur ouvrage sur la vie littéraire au Québec, Maurice Lemire et Denis Saint-Jacques notent que certains auteurs entreprennent de mettre l’histoire religieuse à la portée de tous, donc de la vulgariser. Ils le font souvent, sans trop de rigueur et sans mentionner leurs sources. Les auteurs citent comme exemple David Gosselin :

« Il en va de même pour l’Histoire populaire de l’Église du Canada ( 1887) de l’abbé David Gosselin (…)  Ces historiens, plus soucieux du message à diffuser que de la vérité à établir, s’autorisent du fait que leurs destinataires n’ont cure des sources tandis que les savants savent où les trouver » ( Maurice Lemire et Denis Saint-Jacques, La Vie Littéraire au Québec, tome IV, 1870-1894,Ste-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1999, 669 pages, p. 246).

David Gosselin n’aurait pas renié ce commentaire, bien au contraire! La vérité morale exigeait parfois que la vérité objective perde quelques plumes…

Mais encore? David Gosselin n’était pas que pamphlétaire. Il s’investira également dans la recherche généalogique et historique. Un grand-oncle généalogiste : peut-on rêver mieux? À suivre…
95 - David Gosselin remonte le cours de la rivière

 

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