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93 – David Gosselin, un CURÉ craint et peu aimé

9300Le Bulletin Paroissial publié par David Gosselin : haut en couleur!
David Gosselin rédigera et publiera le Bulletin Paroissial de la paroisse de Charlesbourg pendant vingt ans. Ses écrits recèlent tant d’anecdotes que la Société d’histoire de Charlesbourg l’a édité. David Gosselin y reproduira année après année le calendrier des événements du culte ainsi que celui des baptêmes, mariages et sépultures, comme il était de tradition de le faire dans chaque paroisse du Canada français. Mais ce qu’on y trouve, en prime, c’est la démonstration frappante de son parti pris pour certaines idées et son don pour les formules lapidaires et les narrations courtes et bien ramassées. Tout l’intéressait et il ne se gênait pas pour en discourir. Le tout avec un sens de l’humour et de l’ironie certain. Qu’on en juge : « 6 janvier 1919. J.B. Renaud, cultivateur, monté sur le fenil de sa grange, est précipité dans le vide par une fausse manœuvre. Bénéfice net : une côte et une jambe fracturées. Pour descendre comme pour monter l’échelle gardera toujours son actualité. » 

«  21 août 1916. Sans aucune autorisation, un groupe de castors endiguent le cours d’eau qui alimente l’aqueduc de Charlesbourg. Ces ingénieurs non diplômés travaillent si bien que trois hommes ont eu peine à démolir, en dix heures, le barrage construit en une seule nuit. »

L’art d’humilier ses victimes. Et gare à qui a osé défier le curé Gosselin! Les lettres d’excuses que les fautifs adressent au curé, et qu’il retranscrit minutieusement, consacrent l’humiliation des fauteurs de trouble, et le triomphe de Gosselin :

« Charlesbourg, 30 mai 1918. Monsieur le Chanoine Gosselin, Protecteur du Cercle Gosselin

Monsieur le Chanoine,

Bien que la « Société des Artisans » ait exprimé, à qui de droit, le regret d’avoir été mêlée au conflit avec le Cercle Gosselin, je comprends que son président, cause première et principale du conflit, a un devoir à remplir. Il reconnaît qu’il a été prévenu par le Chanoine Gosselin et que le conflit eût été évité s’il avait suivi sa direction. C’est pourquoi il regrette son attitude passée et prie Monsieur le Chanoine Gosselin de vouloir bien ne plus lui en tenir compte. Votre très respectueux serviteur, A.P. Robitaille, Président des Artisans de Charlesbourg » (texte consigné par David Gosselin dans le Bulletin Paroissial de Charlesbourg, pour l’année 1918, p. 337).

Un cercle de l’Association catholique de la jeunesse qui porte son nom.
En 1917, alors qu’il n’est plus dans la fleur de l’âge, il fonde un cercle de l’Association catholique de la jeunesse canadienne auquel il accepte qu’on donne son nom. Ce cercle, composé de citoyens de Charlesbourg, exclusivement des hommes, est un lieu de discussions sur des sujets qui lui tiennent à cœur, et qui sont rarement neutres! Il est par exemple vivement opposé à la participation du Canada à la guerre de 1914 et se sert de toutes les tribunes pour faire valoir son point de vue. On trouve dans Le Bulletin Paroissial de Charlesbourg la recension qu’il dresse, lui-même, des activités de son cercle. En fin d’année il fait le bilan, date par date, des activités tenues! De plus, comme il publie les photos des membres du cercle, ceux qui n’en font pas partie ressentent fort probablement une petite gêne!

9303Le «  peuple » de Charlesbourg selon David Gosselin. David Gosselin finira par développer une affection bien sentie pour ses paroissiens, tout en maintenant une certaine distance. Voici en quels termes il les décrit : « Son peuple, qui ne dépasse guère 2 000 âmes, peut être ainsi portraituré : écorce un peu rude, mais bon cœur; cerveau solide, mais trop volontaire; généreux pour autrui plus que pour lui-même; robuste, viril et moral; réfractaire à tout modernisme; foncièrement religieux, mentalité qui rachète amplement ses déficits. » (Bulletin Paroissial de Charlesbourg pour l’année 1917, Survol de la paroisse, p. 306).

Juste retour d’ascenseur. Il essuiera pourtant quelques rebuffades au cours des années de la part de ce « peuple ». Mon père me raconta ainsi cette anecdote, dont il avait été témoin enfant, à Charlesbourg, alors qu’en compagnie d’Arthur et de Mathilde, ses parents, il assistait à la messe dominicale. Le curé de la paroisse était, on l’aura compris, son oncle David Gosselin. Certains paroissiens ne l’aimaient pas et pouvaient lui tenir tête. Ainsi un dimanche alors qu’il livrait son prône du haut de la chaire, il indisposa semble-t-il un de ceux-ci, lequel se mit à marmonner de façon assez bruyante. Interrompant son prône, le curé Gosselin lui intima l’ordre de se taire. La réplique fusa, tout aussi raide : « T’as menti, maudit fromage! », répliqua le paroissien en expulsant de sa bouche un bonbon dur à la menthe qu’il propulsa jusqu’à la base de la chaire! La référence au fromage tenait au fait que David Gosselin était né à l’Île d’Orléans, reconnue pour ses fromages.

Ferdinand Verret en rajoute! L’animosité de Ferdinand Verret à l’égard du curé Gosselin sera palpable au cours des années. Ces deux-là ne s’aimeront jamais. Ferdinand exprimera sa frustration dans son Journal, mais n’osera jamais le faire publiquement. Personne ne tenait tête au curé Gosselin!

« Comme la reconnaissance n’est pas son fort et qu’il traite tous ceux qui lui sont utiles comme un enfant jette le zeste d’une orange quand il en a sucé le jus, sans s’occuper d’eux ni les remercier autrement qu’en les maltraitant… Depuis vingt ans qu’il traite la population du haut de sa grandeur, se tenant seul à l’écart et voulant tout conduire, tant bien que mal et dans toutes les sphères de l’activité dans la paroisse, il ne se voit pas beaucoup aimé. Et il l’a richement mérité » (Ferdinand Verret, Journal, 5 octobre 1919, p. 19).

Son départ : un véritable coup de théâtre. Avec les années, ses relations avec ses paroissiens ne s’amélioreront pas, même si ceux-ci reconnaissent sa contribution remarquable à l’histoire de la paroisse. Il est, à bien des égards, invivable. Et n’est pas plus proche de sa famille immédiate que de ses paroissiens. Les uns et les autres sentent en même temps que le curé est fatigué, las et usé. On cherche des indices pouvant laisser à penser qu’il quittera bientôt. Il vient de vendre sa vache. Sa vieille ménagère, Fridoline Frenette, n’a pas fait de confitures cette année. Le tout rapporté par Ferdinand Verret qui suit la situation de près! Il raconte que le 19 septembre 1920 sa nièce, Mathilde, va faire un tour au presbytère. Elle n’a droit à aucune confidence. Pourtant le 21, à midi, le curé Gosselin annonce à Fridoline son départ. Le soir même le curé de la paroisse Notre-Dame-des-Laurentides, l’abbé Godbout, est nommé curé de Charlesbourg. La nouvelle se répand comme une traînée de poudre dans le village. On réalise que les confrères du curé Gosselin, à Québec, étaient depuis des semaines au courant de sa démission prochaine! Ni ses ouailles ni sa famille immédiate n’auront eu droit à l’exclusivité de l’annonce de son départ!

Il y a beaucoup plus à révéler sur David Gosselin que ce portrait somme toute peu flatteur. Nous consacrerons quelques chapitres au pamphlétaire et moraliste, mais également au généalogiste chevronné qu’il était et au mémorialiste très attaché, paradoxalement, à sa famille. À suivre!
94 - Un ego gonflé à l'hélium

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