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92 – David Gosselin, un ONCLE craint et peu aimé

Le jeune Urbain, mon père, a grandi sous l’aile protectrice et dominatrice de sa mère, Mathilde. On a vu dans les chapitres précédents combien il a pu également bénéficier tout au long de son enfance et de son adolescence de l’aide financière et de l’affection soutenues de Ferdinand Verret, son oncle paternel. Une autre figure allait jouer un rôle tout aussi déterminant et tutélaire dans l’éducation du petit Urbain, mais pour des motifs autres. Il s’agissait de l’abbé David Gosselin, frère de François-Régis Gosselin, père de Mathilde. Donc l’oncle de cette dernière et le grand-oncle d’Urbain.

Un écrivain prolifique. On doit à David Gosselin de nombreux écrits à teneur religieuse, qui ont été largement diffusés à l’époque dans les milieux religieux du Canada français :

Manuel du pèlerin à la bonne Sainte-Anne de Beaupré (1879);
Abrégé complet de l’histoire sainte à l’usage des écoles (1887);
Tablettes chronologiques et alphabétiques des principaux événements de l’histoire du Canada (1887);
Histoire populaire de l’église du Canada (1887);
Catéchisme populaire de l’encyclique de Léon XIII sur la condition des ouvriers (1891);
Code catholique ou commentaire du catéchisme des provinces ecclésiastiques de Québec (1896);
Neuvaine au Saint-Esprit (1909);
Refonte du Manuel des parents chrétiens (1909).

Il n’arrêtait pas de produire, d’écrire, d’éditer! Cela faisait beaucoup pour un seul homme, considérant le fait qu’il continua d’exercer son ministère sans ralentir la cadence! Et il ne s’agissait pas de minces plaquettes : Son Code catholique ou commentaire du catéchisme des provinces ecclésiastique de Québec faisait 709 pages!

9201bJe n’ai lu aucun de ces ouvrages. Mais j’en ai parcouru plusieurs, qui sont conservés aux Archives nationales. On ne peut qu’être frappé par la détermination de cet homme qui n’hésitait pas à affirmer haut et fort ses convictions et, du même coup, ses préjugés!

Un modèle pour ses neveux? David Gosselin publiera, en 1908, Les Étapes d’une classe au Petit Séminaire de Québec, un ouvrage dans lequel il relate les années où il y était pensionnaire, soit de 1858 à 1868. Son ouvrage, très fouillé, fourmille de détails sur le corps enseignant, sur ses compagnons d’études et sur les événements, grands et petits, qui émaillèrent l’existence de la « classe » (entendons « cohorte) dont il faisait partie. Tout y est : les matières étudiées, les épidémies, les incendies, les vacances scolaires, les visites des dignitaires, les décès. Il était doué d’une mémoire phénoménale. Nous apprenons ainsi que sur les 33 finissants de 1868, douze « prendront la soutane ». Gosselin décrira dans la deuxième partie de son ouvrage ce qu’il advint de chacun de ses compagnons, en s’attardant bien évidemment sur leur accomplissement professionnel (et moral)!

L’ouvrage, tel que publié, est accessible sur le Web (Les Étapes d’une classe au Petit Séminaire de Québec). L’original, lui, dont nous n’avons pu obtenir l’autorisation de le reproduire mais que nous avons pu parcourir, est conservé au Musée de l’Amérique française (Archives du Petit Séminaire). Rédigé de la main de David Gosselin, d’une écriture fine et serrée, sur un papier vélin translucide, il fait des centaines de pages. 

Oncle David investit dans l’avenir de ses neveux… Le message qui se dégage de l’ouvrage pourrait être le suivant : Nous sommes tributaires de l’éducation que nous avons reçue. Nous devons nous montrer à la hauteur de cet héritage. Ouf! La barre était haute pour ses neveux… D’autant qu’il mettra sur pied, avec l’autorisation des autorités de son alma mater, les Fondations de Charlesbourg dont la finalité est de financer les études des garçons du village provenant de familles peu fortunées. S’agissait-il des études des trois fils de Mathilde, dont mon père?

Un être profondément antipathique… David Gosselin sera décrit par tous ceux qui l’auront côtoyé comme un être perfectionniste, érudit et autoritaire, mais craint et peu aimé de ses proches tout comme de ses paroissiens, partout où il exercera son ministère. Il démontrera une attitude hautaine et immuable contre ceux qui ne sont pas de la même race, religion, langue ou trempe, et n’en démordra pas. Il affichera la même intransigeance à l’égard de la famille, n’hésitant pas à en exclure carrément certains membres quand il le jugera nécessaire.

Après avoir été curé de Cap-Santé de 1887 à 1899, il deviendra curé de Charlesbourg en 1899 et y exercera son ministère jusqu’en 1920. Tout un bail! Il contrôlera la famille et la paroisse de main de maître. Mon père, né en 1904, aura donc eu l’occasion de le fréquenter et de goûter à la médecine de cet homme par ailleurs non conformiste et qui tenait la connaissance et les études en haute estime.

9200a… mais qui se révèle fascinant. À mes yeux, quand j’ai commencé à m’intéresser à David Gosselin, il n’avait rien d’un héros. Il m’agaçait. Mais plus j’avançais dans ma quête, plus mon intérêt pour lui croissait, tant il s’est révélé prolifique et déterminé dans les causes qu’il défendra. C’est devenu de la fascination.

Quand je regarde les quelques photos de lui que j’ai retrouvées dans des livres qu’il a signés ou des biographies consacrées au clergé de l’époque, je vois un visage assez rond, un front bombé assez peu esthétique, des cheveux blonds clairsemés. Les traits ne sont pas anguleux, plutôt ronds. La bouche est pulpeuse, elle. La peau semble très claire. 

Il avait souffert de diphtérie dans son enfance et ne s’en était jamais remis. Tante Élizabeth confiera à un chercheur, qui rédigeait une thèse sur son oncle et qui l’avait longuement interviewée quelques années avant qu’elle ne décède, qu’il « avait la main molle comme une lavette de vaisselle » (Source :Web, Michel C. Boucher, thèse de maîtrise intitulée : « De l’ultramontanisme au nationalisme : l’abbé David Gosselin et les écoles du Manitoba (1895-1890) », Université d’Ottawa, 1988, note 1 de bas de page, p.4). Tante Élizabeth soulignera en corollaire son caractère colérique et prime, ce que confirmera un neveu, Roger LeMoine, qui résumera ainsi l’opinion que l’on avait du personnage, dans les familles, toute apparentées, des Gosselin, Savard, Bédard et de Saint-Georges : « Il était (…) d’un caractère si entier et détestable que (dans ces familles) l’expression « le vrai oncle David » constituait l’injure suprême » (Michel C. Boucher, op.cit. note 12 de bas de page, p.4).
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