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91 – Papa rafle tous les prix

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Urbain, mon père, ainsi que ses deux frères, Lucien et David, excellaient dans leurs études. Surtout mon père, qui accumulait les premiers prix, et reçut ainsi le Prix du Gouverneur général à la fin de son cours classique. Une enfance sévère consacrée à l’étude, à la maîtrise du grec et du latin. C’est dans cette dernière langue, m’expliquait-il, que l’on écrivait les dissertations de fin d’études. J’eus toujours à l’égard de ses performances intellectuelles une grande admiration, sans jamais vraiment pouvoir déterminer si ce qui m’impressionnait c’étaient les souffrances endurées pour y parvenir, ou le résultat comme tel. Mon père m’expliquait toujours que le talent est quelque chose d’inné. Mais que sans la détermination et l’ardeur au travail il ne mène nulle part. Et de me raconter, pour la nième fois, l’histoire d’un ancien compagnon de collège tellement doué qu’il terminait aisément une dissertation en langue latine en moitié moins de temps que le reste de sa classe. Mais qui finit éleveur de lapins au fonds d’un bois.

Mon père n’exerça jamais de pression indue sur moi pour que je performe à l’école. Mais il sut me donner le goût d’apprendre et me communiquer la curiosité de découvrir, et ensuite de consigner ce que j’avais découvert. Mon goût pour la lecture et l’écriture vient directement de lui.

Premier de classe, ou presque! J’ai retrouvé également dans ses papiers une feuille dactylographiée, imprimée à l’alcool, sur laquelle sont consignés les résultats scolaires des soixante-quatre étudiants du Petit Séminaire, au terme de l’année 1922. Mon père se classe deuxième avec un résultat total de 77 %. On ne peut que constater la sévérité des notations, car la courbe de la moyenne oscille entre 55 % et 65 %. On sent que la complaisance n’est pas au rendez-vous! Papa dépasse tout le monde et de beaucoup avec un 26 sur 30 en composition! Le seul condisciple qu’il ne réussit pas à battre est un dénommé Matte, qui décroche un 17.4 en version latine, un 18.0 en version grecque et même un 9.8 en anglais! S’agirait-il du futur éleveur de lapins?

9102Inscrit en médecine, papa continue sur sa lancée et décroche le Prix Morrin! Mon père fut admis en médecine à Laval à l’automne 1924. Là encore il excella. C’est ainsi qu’au terme de sa troisième, puis de sa quatrième année de médecine, il décrocha le Prix Morrin. Une récompense prestigieuse, assortie d’une bourse, à la suite d’une épreuve écrite réservée aux étudiants en médecine. Le prix et la médaille lui furent remis par le Lieutenant-Gouverneur de la Province de l’époque, l’Honorable Narcisse Pérodeau. L’origine du prix et les règles le régissant étaient ainsi décrites dans l’Annuaire 1927-1928 : «  Le docteur Joseph Morrin a légué à l’Université une somme de $ 2 000 dont la rente doit être employée en prix pour les élèves en médecine (…). Un premier et un second prix sont offerts chaque année au concours de tous les élèves et étudiants en médecine de l’Université de chacune des quatre premières années. Le concours se fait par écrit : la séance ne doit pas dépasser six heures. Les concurrents signent leurs ouvrages d’un pseudonyme dans une enveloppe cachetée, qui n’est ouverte qu’après la correction. Les prix sont donnés en argent et au mérite absolu. » Source : Annuaire de la faculté de médecine, Université Laval, 1927-1928

L’honneur échut à Joseph-Urbain, mon père, pour les années 1927-1928 et 1928-1929.

9104aPuis il se mérite le Prix Caouette. Pour ces deux années, papa décroche également le Prix Caouette, une autre distinction fort prisée. Il pose alors avec ses compagnons d’études pour une photo officielle de groupe, vraisemblablement au terme de leurs études de médecine, à en juger par l’âge qu’ils semblent avoir. Papa figure au premier rang, mais pas au milieu où, en général, se retrouvent les leaders du groupe, aimés de tous et appréciés des autorités. Non, il est plus à droite sur la photo, assis mais posant comme de côté, un air sérieux et presque de défiance dans sa posture, l’air de dire : Je suis ici, partie intégrante du groupe… Mais en partie seulement… Le reste, je le garde pour moi… !Un solitaire avant tout.

Mathilde avait gagné son pari. Mon papa commença ensuite à pratiquer la médecine, à Amqui. Je suppose qu’il était jeune, ambitieux et encore désireux de se montrer à la hauteur des attentes de ses parents. Ses débuts s’annonçaient prometteurs. Il se mariera bientôt, aura des enfants, essayera de donner le meilleur de lui-même. On imagine sans peine la fierté de sa mère. Encore une fois c’est Ferdinand Verret qui nous permettra de mesurer la satisfaction que Lizzie tirait des succès académiques de ses fils, en particulier ceux de mon père qui, il faut le reconnaître, était le plus performant des trois :  «  Et le soir Lucie et moi avons accepté l’invitation de dîner chez Mde Arthur Bédard. Cette bonne dame a le plaisir de voir à sa table des fils distingués : Urbain, docteur avec sa femme et sa fillette, Lucien le notaire, David, l’avocat. Son mari à 70 ans est encore vigoureux. Et ses fils font sa joie » ( Journal, premier janvier 1936).
92 – David Gosselin, un ONCLE craint et peu aimé

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