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81 – Le bonheur de Joseph-Arthur et de Mathilde

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Il semble que ma grand-mère, Mathilde Gosselin, décrite par Ferdinand Verret comme douce, éduquée et travailleuse, ait été très amoureuse de Joseph-Arthur Bédard, son mari et fils de Joseph-Urbain et d’Olivette Bédard. Le jeune couple s’était marié à Charlesbourg, le 8 octobre 1901. Elle semble avoir conservé ce sentiment à son égard jusqu’à son décès à lui, et même au-delà. Et ne se remettra véritablement jamais de sa disparition (voir Chapitre 47, Titanic affectif).

Quarante-et-un ans ensemble. Le nouvel époux de Mathilde était un beau parti. Son père, Joseph-Urbain,  venait de mourir et en plus d’avoir hérité d’un part des propriétés familiales, il se retrouvait propriétaire de la maison ancestrale. Cette maison  que Marguerite Cloutier, sa grand-mère maternelle, avait fait construire et que les gens, dans le village, appelaient « le manoir » et dans laquelle Ferdinand Verret avait passé sa nuit de noces. Ferdinand se remémorait également, en 1942, l’élégance de la maison : « La maison de quelque 50 pieds par 30 pieds est très bien divisée. Au rez-de-chaussée, la Cave et la moitié finie en cuisine d’été. Au ler étage, 3 grandes salles au sud, 4 grandes chambres à coucher. Au grenier, chambres à coucher.

8101Joseph-Arthur et Mathilde s’y installèrent et y vécurent pendant quarante et un an ensemble, jusqu’à la mort de Joseph-Arthur qui allait mourir d’un cancer de la gorge le 27 octobre 1941.

La maison ancestrale : solide mais austère. Cette maison, je l’ai dépeinte précédemment telle que comme enfant je me la représentais, imposante avec sa longue avenue ( Voir Chapitre 46, Attirée et effrayée en même temps). Austère et intimidante.  Les spécialistes du patrimoine, dont l’œil est nécessairement plus objectif,  la décrivent comme une assez grosse demeure rectangulaire, bien implantée, de deux étages et reposant sur un solage surélevé. Trois des murs sont recouverts de pierre. Le mur de façade, lui, comporte des moellons apparents. Une véranda fait tout le côté sud le long de la façade. Elle compte trois escaliers. Il ne s’agit pas d’une maison bourgeoise, loin de là, mais plutôt de la demeure d’agriculteurs aisés, solide et conçue pour durer.

8102Comme un chat qui détournerait la tête. À l’époque on accédait à la maison par un chemin privé bordé de hauts conifères et situé assez loin de la Première Avenue, du moins pour mes petites jambes d’enfant.  Ce qui était particulier, c’était sa position face à cette avenue : au lieu d’y faire face, elle était érigée complètement de profil à celle-ci.  Telle un chat qui, faisant la sieste dans une posture mi-assise, mi-couchée, garderait sa tête tournée en sens inverse de ses épaules, en regardant ailleurs, comme un chat sait si bien le faire. C’était à tous points de vue une maison en retrait.

Une maison chargée d’histoire.  Comme la maison avait été érigée sur le lopin de terre qu’avait occupé le premier de la lignée Bédard, Isaac, elle fut reconnue monument d’intérêt patrimonial historique par le ministère des Affaires culturelles dans les années 1975, ce qui causa de nombreuses frictions dans la famille. Un monument à la mémoire des Bédard, conçu par Gérard Morisset  et sis à quelques centaines de mètres de la propriété, fut érigé en 1946. Ce petit bout de terre a de l’histoire dans le corps!

Un environnement lui aussi chargé d’histoire. Dans la famille, cette maison était investie d’une valeur affective importante. Elle rappelait à ses membres qui ils étaient et d’où ils venaient. Elle avait son existence propre. Malheureusement, avec la vente du vaste terrain qui l’entourait et le lotissement de celui-ci en maisons de villes  qui l’enserrent de toutes parts, la maison ancestrale a perdu son âme. De plus, on ne peut plus y accéder par la Première Avenue. Seuls ceux qui ont pu l’admirer dans son décor d’origine peuvent comprendre ce qu’elle représentait. Le présent a considérablement gommé le passé. Ferdinand Verret, Marguerite Cloutier, Olivette, Mathilde et mon grand-père, Joseph-Urbain, en ressentiraient sans doute une grande tristesse.

Floristine fait partie des meubles. Je déduis des informations consignées dans le Dictionnaire généalogique des familles de Charlesbourg, depuis la fondation de la paroisse jusqu’à nos jours, publié par mon arrière grand-oncle, David Gosselin (Québec, pas d’éditeur mentionné, 1906, 591 pages),  et qui contiennent des repères chronologiques que, lorsque Mathilde s’installa avec Joseph-Arthur dans la maison,  Mélanie était sans doute déjà partie s’installer à Montréal chez son frère François-Joseph. Joséphine, elle, était entrée en religion et Lucie, mariée à Ferdinand Verret, habitait chez celui-ci.

Mais Floristine (voir Chapitre 61 Floristine l’aînée de la famille), elle, faisait partie des meubles. Mathilde se serait bien passée de cette sœur aînée de son mari, presque une tante ou une belle-mère, voilà du moins ce qu’on disait dans la famille de cette cohabitation forcée! Mais il n’était pas rare qu’à l’époque il en soit ainsi! Floristine décédera en 1919. Tout un bail!

8104Naissance d’Élizabeth, d’Urbain, de Lucien et des autres… Mon grand-père possédait des terres, des propriétés, mais il avait dû signer des reconnaissances de dette,  vraisemblablement pour défrayer une partie des études de ses frères en médecine,  et doter ses sœurs. Il s’en acquitta probablement honorablement puisque les trois frères se fréquenteront de façon suivie au cours des années. Les charges financières devaient être importantes. D’autant que les enfants arrivèrent rapidement, les uns à la suite des autres. D’abord, Marie-Élizabeth-Floristine, qu’on appellera toujours Lizette ou Lillibeth, née le 3 novembre 1902 et baptisée le même jour. Le parrain est le père de Mathilde, François-Régis Gosselin. Et la marraine, la tante Floristine. Puis mon père, né le 20 janvier 1904, Lucien, le 9 avril 1905, Thérèse, le 25 avril 1906, Jean-Paul et David, nés le 27 octobre 1907 mais dont seul David survécut. Et finalement Cléophas-Robert, né le 12 juin 1909 et qui ne survécut que six jours.

De beaux enfants bien vêtus. J’ai retrouvé des photos de mon père ainsi que de ses frères et sœurs prises lorsqu’ils étaient encore très jeunes. De beaux enfants. Ils sont vêtus d’ensembles de coton avec  très larges cols Richelieu brodés main. Leur tenue est recherchée. Ce ne sont pas des paysans. Les photos ont été prises devant la maison ancestrale de Charlesbourg, pendant l’été. Elles sont datées de 1908.

Sur l’une d’entre elles, mon père, âgé ainsi de quatre ans,  apparaît seul, assis dans un large fauteuil d’un style vaguement Louis Xlll et que l’on a vraisemblablement sorti de la maison pour l’occasion. Il hoche la tête et appuie celle-ci sur son bras gauche qui est replié. Sa main est potelée. Il regarde l’objectif sans sourire, avec cet air rêveur mais surtout boudeur qui l’accompagnera toute sa vie. Sa pose me rappelle la façon dont, enfant, je penchais également la tête et qui faisait dire à ma mère que j’étais le portrait tout craché de mon père, de l’intérieur comme de l’extérieur.

Une autre photo de groupe des enfants, datée de 1914, les montre devant la rangée d’ormes qui courent le long de l’allée centrale menant à la maison ancestrale. Ces arbres, que j’ai connus hauts et imposants, sont à peine plus hauts que les enfants! Cette fois-ci les garçons portent les cheveux courts et sont habillés en petits marins. Les filles, elles, sont vêtues de robes de coton avec bordures de dentelle et larges boucles de coton blanc dans les cheveux.

8105Mon père tient un semblant de bâton de baseball alors que son frère Lucien, une balle à la main qu’il a levée en l’air semble,  indiquer qu’il s’apprête à la lancer à son frère aîné. Élizabeth, l’aînée, est assise, un livre de posé sur ses genoux. Elle est très grande pour son âge. Elle est très Gosselin, pas Bédard pour deux sous, contrairement à Thérèse, également sur la photo et qui est le portrait en peinture de sa tante Lucie, la femme de Ferdinand. La photo semble vraiment figée et manque totalement de naturel. La technique photographique de l’époque qui requérait des temps d’exposition plus long qu’aujourd’hui, serait-elle en cause?

Les enfants grandissent, entourés de tante Floristine et de leurs parents. Que leur réserve l’avenir?
82 - D’amour et de musique

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