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80 – De Marguerite à Édith en passant par Olivette, Mathilde et Élizabeth

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L’époux survivant conserve la jouissance des biens légués à l’exclusion des donations. On a vu aux chapitres 78 et 79 que mes arrière-grands-parents paternels, Joseph-Urbain et Olivette Bédard, avaient légué leurs biens à leurs enfants par voie de donation ou de legs testamentaires. Mais avaient en corollaire déterminé qu’à l’exception des biens cédés par voie de donation, les enfants ne pourraient toucher l’héritage qu’au décès de leurs deux parents. Les héritiers durent patienter quinze ans puisque Joseph-Urbain, qui ne se remaria jamais, survécut quinze ans à Olivette et continua d’habiter dans la maison familiale. Il y décéda le 18 avril 1899.

Joseph-Urbain refait son testament! Il est toujours loisible à un testateur, on l’a précisé précédemment, de modifier ses dernières volontés. Or six ans avant sa mort, soit le 29 avril 1893, Joseph-Urbain  refit son testament au seul bénéfice de Joseph-Arthur, tout en maintenant les mêmes consignes au sujet des filles, à savoir : les loger, les nourrir, les doter et leur verser une somme additionnelle en cas de mésentente. Il nommait également Joseph-Arthur exécuteur testamentaire.

Quatre jours avant la signature de ce deuxième testament soit le 25 avril, Elzéar, alors installé au Minnesota et représenté par Joseph-Urbain, son père, cédait le quart de la part indivise des biens que lui avait légués sa mère à son frère Joseph-Arthur, pour la somme de $ 800, moins un montant de $ 500 dû à un certain Charles Lavoie. Je passe rapidement sur deux reconnaissances de dettes de Joseph-Urbain et de Joseph-Arthur, consignées elles aussi devant le notaire Delâge, le 25 avril  et le 10 août 1893, pour un emprunt de $ 300 à une demoiselle Marie-Caroline Samson, de Québec,  et un autre, de $ 250, à Olivier Bresse, de Charlesbourg.

Le tout semble indiquer une démarche concertée entre le père et le fils pour permettre à ce dernier d’acheter une partie de la part de son frère. Comme je n’y étais pas, je ne peux que supputer. Mais cela semble logique.

Joseph-Arthur hérite de la maison et d’une bonne partie du patrimoine. L’inventaire de la succession de Joseph-Urbain, dressé par le notaire Delâge le 17 octobre 1899, suite au décès de mon arrière-grand-père,  est également instructif. Joseph-Arthur hérite de la maison ancestrale, de son contenu, de la ferme, des animaux et instruments agricoles. Il hérite également de 50 % des lots suivants : 281, 701, 697, 301, 554, 480, 560, 596 et 87. Le tout est estimé à $ 2 300. La déclinaison des éléments de passif est intéressante. Les dettes s’élèvent à $ 1 410.50, dont les emprunts impayés à Charles Lavoie, Oliver Bresse, Caroline Samson. Et incluent un emprunt de $ 137 à Ferdinand Verret. Finalement, comme la succession n’excède pas $ 3 000, il n’y a pas d’impôts à payer. 

On semble s’être considérablement éloigné, à terme, de l’esprit d’équité qui avait habité Joseph-Urbain et Olivette en 1884. J’ignore pourquoi il en fut ainsi.

8000Papiers terriers et Plan cadastral. D’où provient le numéro qui accompagne chaque lot, et que l’on trouve mentionné dans les testaments de Joseph-Urbain et d’Olivette et qui sont encore en usage aujourd’hui? Il provient du Cadastre officiel du Québec, qui fut implanté progressivement à compter de 1860, avec l’abolition du régime seigneurial,  et plus particulièrement en 1872-1873 pour Charlesbourg. Chaque lot se vit assigner un numéro.

Il s’agissait d’une nette avancée  au plan de la rigueur. Car avant la mise en place dudit Cadastre, un lot était décrit en référence aux occupants ou aux éléments naturels qui le circonscrivaient. Le procédé était certes instructif au plan du voisinage, mais plutôt approximatif au plan scientifique! Comme on se léguait les terres de père en fils, le repérage et la délimitation du périmètre ne posaient pas problème pour les citoyens et notaires de l’époque, sauf en cas de litige! Mais pour les historiens ou les férus de généalogie, s’y retrouver aujourd’hui dans les méandres des descriptions de lieux, des noms de famille et des prénoms a parfois de quoi confondre!

Au cours des années plusieurs inventaires, cartes et atlas de la seigneurie Notre-Dame-des-Anges seront dressés,  notamment :  

  • – Le Dénombrement du 15 octobre 1678
  • – L’Inventaire du 13 mars 1754 (voir chapitre 78) dressé par Ignace Plamondon
  • – Le Papier Terrier de la seigneurie Notre-Dame-des-Anges réalisé par le notaire – Lelièvre et publié le 27 septembre 1828
  • – Le Plan Officiel de la paroisse de Charlesbourg publié par le Bureau (québécois) des terres de la Couronne, le 24 décembre 1873 et mis à jour le 10 novembre 1911
  • – L’Index des censitaires de la seigneurie Notre-Dame-des-Anges de Charlesbourg, de 1883
  • – Et finalement l’Atlas de la Ville de Québec et du comté de Québec dressé par Henry Whitman Hopkins pour le compte du département fédéral des Terres de la Couronne en 1879.

8001dNombreuses transactions et changements de propriété : un vrai casse-tête! On n’a d’autre choix, si on veut reconstituer la chaîne de titres d’une propriété jusqu’à ses origines, que de  remonter à ces sources, même celles qui ont précédé la constitution du Cadastre officiel du Québec. La chose est loin d’être aisée et on doit parfois déclarer forfait!

 Les Bédard dont je suis issue ont de façon continue  procédé à la vente, cession, échange, de terres sur le territoire de la Petite Auvergne, de Bourg-Royal, du Gros-Pin et d’Orsainville et ce, depuis l’installation d’Isaac Bédard à Charlesbourg. Soit avec d’autres Bédard soit avec d’autres résidents du coin. Dans les années 1874 Joseph-Urbain et Olivette procédaient encore à des transactions immobilières, acquérant une terre importante à Bourg-Royal et une petite au Gros-Pin où ils font l’acquisition de la partie nord des terres d’un dénommé Mathurin Villeneuve. Pas facile de démêler les écheveaux de cet enchevêtrement de transactions.

De plus, les différentes familles Bédard se sont abondamment reproduites en donnant souvent les mêmes prénoms aux fils. Des Jean-Baptiste Bédard, par exemple, on en trouve en abondance! Ainsi que des Joseph, Thomas. Il en va de même pour les autres familles du coin, les Villeneuve, Magnan, Auclair, Lefebvre, Pageau,  pour ne nommer que celles-là, qui choisissaient les mêmes prénoms pour leurs enfants, et petits-enfants, souvent en mémoire des grands-parents.  Un vrai travail de détective que de démêler les uns des autres!

Un patrimoine réduit à une peau de chagrin. Après la période faste de 1733 à 1873, où les Bédard accroîtront leurs possessions au net,  ce patrimoine prudemment accumulé  sera progressivement morcelé, cédé, vendu, souvent  pour régler des dettes. Il rétrécira comme une peau de chagrin.  C’est une chose que d’hériter de terres et de propriétés. C’en est une autre que de les faire prospérer. Mon grand-père, Joseph-Arthur Bédard,  échouera à cet égard, comme on le verra plus loin dans le blogue.  Il semble avoir préféré vivre de l’air du temps plutôt que de faire prudemment croître ce qui lui avait été légué.

À son décès, le 27 octobre 1941, il laissera le peu qui en restait à sa veuve, Mathilde, ma grand-mère. Laquelle devra elle aussi se départir de certaines parcelles de terres en 1945, pour cause de difficultés avec la justice d’un membre de la famille et pour joindre les deux bouts. Quand j’étais enfant, la pauvreté et le dénuement dans lesquels ma grand-mère et ses filles vivaient m’avaient beaucoup marquée (voir chapitre 42 Misère et dénuement). Une lente dégringolade vers la misère.

Au décès de Mathilde, le 16  août 1963, les biens restants, dont la maison ancestrale, iront à tante Élizabeth et à tante Thérèse, jamais mariées et sacrifiées au profit de la famille et de leurs trois frères (voir chapitre 43 Tante Thérèse et chapitre 44 Tante Élizabeth). Ce sont deux de ses fils, Lucien (notaire)  et Urbain mon père, qui auront convaincu ma grand-mère  de rédiger son testament au seul profit d’Élizabeth et Thérèse, introduisant enfin un peu d’équité dans la famille. Il n’est pas sûr que Mathilde aurait spontanément privilégié cette option. Elle entretiendra jusqu’à sa mort un préjugé favorable à l’égard de ses fils.

Tante Thérèse décédera à l’automne 1982, léguant ce qu’elle possédait à sa sœur Élizabeth. Lors du décès de cette dernière, le 28 juillet 1995, il ne restait  de ces biens transmis sur plusieurs générations, et dont elle aurait pu être ultimement l’héritière,  que le lot 480.

 

8002aLa chaîne de titres du lot 480. Ce lot avait été légué par Jean-Baptiste Bédard à sa femme, Marguerite Cloutier, par un acte passé à Québec devant le notaire Antoine Parent, le 24 mai 1844. Laquelle Marguerite en avait fait don à sa fille Olivette Bédard, épouse de Joseph-Urbain Bédard, le 24 octobre 1872 devant le notaire Glackmeyer, à Charlesbourg. Les termes utilisés par le notaire nous permettent  d’apprécier le degré d’imprécision qui présidait encore à la délimitation d’un lot.  L’exactitude était encore, à bien des égards, relative : «  La moitié indivise d’un certain lopin de terre sis et situé en la Paroisse de Charlesbourg au lieu nommé la Côte St-Pierre d’un demi arpent de profondeur, le tout plus ou moins bordé par-devant du chemin du Roi et par derrière au bout de la dite profondeur joignant d’un côté vers le Nord à Thomas Bédard ou ses représentants et d’autre côté vers le Sud à Jean-Marie Bédard, sans bâtisse, circonstances et dépendances. »  

Notons par ailleurs que le Cadastre abrégé de la seigneurie Notre-Dame-des-Anges dressé le 16 mars 1864, donc entre 1872 et 1844,  par Henry Judah identifiait un dénommé Thomas Pichette comme propriétaire de ce lot ainsi que des lots 479 et 481 qui étaient adjacents. Ce Thomas Pichette, né à Charlesbourg le 14 janvier 1818, marié à Josephte Lévesque dit Lafrance, et décédé le 27 septembre 1897, ne semble avoir entretenu aucun lien avec la branche Bédard à laquelle j’appartiens. Un chaînon manquant à cette ligne de legs…

Une chose est sûre : en 1872 le lot avait regagné le giron Bédard, pour ne plus le quitter.

De Marguerite à Édith, en passant par Olivette, Mathilde et Élizabeth. Ce lot, je l’ai racheté de la succession de tante Élizabeth, le 4 décembre 1995. Cette terre à bois d’un demi-arpent de largeur sur vingt arpents de longueur, identifiée en 1884 dans le testament d’Olivette comme située dans la concession sud-est du Domaine de Saint-Pierre. Décrite en 1995 et encore aujourd’hui comme sise près de la côte Garneau, à Charlesbourg, sur laquelle aucun permis de construction résidentielle ne sera jamais délivré puisqu’elle est située en zone forestière. Il ne s’agit sûrement pas d’un investissement au plan financier!

Une longue bande de terre étroite qui monte et qui monte vers le Mont du Domaine. Elle n’est pas très éloignée de la Rivière Jaune où mon père m’emmenait en ballade automobile les samedis après-midi et qui atteint, en serpentant vers le nord,  le Lac Jaune.

Un engagement du cœur. J’y tiens comme à un devoir de mémoire envers mon père et envers les ancêtres de Mon Arbre, les femmes au même titre que les hommes.
81 - Le bonheur de Joseph-Arthur et de Mathilde

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