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77 – Joseph-Arthur Bédard, itinéraire d’un enfant gâté (2)

Fils d’agriculteur mais artiste dans l’âme. On a vu au chapitre 76 que les ambitions artistiques de mon grand-père Joseph-Arthur furent vraisemblablement contrariées. Alors, à quoi occupa-t-il ses années de jeunesse?  Nul  n’en sait trop rien. Il n’était sans doute pas tenu de travailler et habitait chez ses parents. Sa mère était morte en 1884 mais son père devait décéder des années plus tard, en 1899. Ce qu’on disait de lui dans ma famille c’est qu’il était fou d’opéra et suivait les troupes européennes et américaines mais également montréalaises qui s’arrêtaient à Québec. L’histoire ne dit pas s’il s’intéressait également aux chanteuses d’opérettes…

7707aFerdinand Verret, la source la plus fiable à laquelle on puisse se référer sur ce chapitre, mentionne à plusieurs reprises dans son Journal que Joseph-Arthur a une voix superbe. Nous décrivant avec force détails une soirée, le 21 novembre 1887, où les jeunes filles et les jeunes hommes de bonne extraction de Charlesbourg assistent à une soirée dramatique suivie d’un concert puis de danse, Ferdinand mentionne la présence de Joséphine et de Lucie Bédard (que Ferdinand épousera quelques années plus tard), filles de Joseph-Urbain, ainsi que de leurs deux frères, Éphraïm et Arthur. De ce dernier il écrit : « Arthur Bédard chanta cinq ou six fois, il chanta très bien comme d’habitude »

Mon grand-père a quand même dû s’amuser un peu! Ce qui ne l’empêche pas de s’exécuter chaque jour de semaine lors de la messe du matin, en l’église Saint-Charles Borromée de Charlesbourg  de sa belle voix de ténor. Il le fera d’ailleurs fidèlement  pendant trente-cinq ans, comme en fait foi l’éloge funèbre qui parut dans le Journal Paroissial de novembre 1941, à l’occasion de son décès.

Mariage avec Mathilde Éliza Gosselin. C’est en ce lieu que Mathilde Gosselin, dite Lizzie, nièce du curé David Gosselin, l’entendit pour la première fois. Le père de Mathilde, François-Régis Gosselin,  avait connu de sérieux revers de fortune par suite de son alcoolisme et de sa propension à la mélancolie. La famille était depuis quelques années hébergée par le curé Gosselin, frère de l’autre,  et n’avait d’autre choix que de l’accompagner dans ses assignations.  La famille venait ainsi de quitter Cap-Santé et avait suivi le curé Gosselin, qui venait d’y être nommé curé de la paroisse de  Charlesbourg. Le curé Gosselin avait vraisemblablement trouvé un poste d’enseignante ou de surveillante à sa nièce chez les religieuses du Bon-Pasteur, dont le couvent était voisin immédiat du presbytère. Une photo datant de cette époque nous la montre au milieu d’un groupe de jeunes élèves, toutes de noir vêtue. Mathilde porte, elle,  un chemisier blanc qui tranche avec le reste du groupe. Une jeune fille en fleurs…  

Séduite par la voix hors du commun de Joseph-Arthur qu’elle avait entendue jaillir du jubé de l’église où il s’exécutait,  elle décida sur le champ qu’il deviendrait son mari. C’est du moins ainsi que dans la famille on narrait le récit de leur première rencontre.

Arthur et Mathilde se marièrent le 8 octobre 1901, en l’église de CharlesbourgElle avait 26 ans, lui 35.

Ascendance de ma grand-mère paternelle, Mathilde Gosselin. Mathilde, ma grand-mère paternelle,  était née à Chicoutimi le 23 juillet 1875. Son père, François-Régis Gosselin, était originaire de l’Île d’Orléans, né le 20 juin 1839, du mariage de Joseph Gosselin, forgeron, et de Soulanges Lapierre.

Après des études classiques au Petit  Séminaire de Québec, de 1852 à 1858, François-Régis est admis en droit à l’Université Laval en 1859, dans la première promotion des finissants de cette faculté, et reçu avocat en 1862. Puis sera nommé 7709protonotaire de Chicoutimi le premier décembre 1870 et le demeurera jusqu’à sa démission, le 5 mars 1886. On comptera quelques avocats dans la famille Gosselin. Ainsi, deux des frères  de François-Régis deviendront également avocats : François-Xavier, admis au barreau le 30 juillet 1879, qui exercera lui aussi à Chicoutimi. Et Jean, admis au barreau le 11 janvier 1878, qui exercera sa profession à Québec. Ainsi qu’un neveu, fils de Louis Gosselin, Henri-Fanning Gosselin, admis au barreau en 1915 et qui pratiquera également à Québec.

La mère de Mathilde  s’appelait Mary-Ann O’Neill. Elle était née à Québec, le 5 février 1833, d’un père ingénieur venu d’Irlande, Hugh O’Neill, et d’une mère, Nathalie Dorion,  elle-même à moitié irlandaise par sa mère. Mary-Ann O’Neill  avait poursuivi ses études chez les Ursulines de Québec. L’anglais était sa langue maternelle puisqu’elle avait vécu aux États-Unis avec ses parents jusqu’à l’âge de treize ans. L’histoire de son enfance n’est pas banale, et m’aura menée jusqu’en Louisiane, au Mississippi. J’y reviendrai plus loin dans le blogue.

Ma grand-mère avait deux sœurs, Ida et Éva qui, toutes deux avaient fait de beaux mariages. Ida épousait à Québec le 24 mai 1892 Louis-Joseph Savard, un notable et marchand à l’aise de Chicoutimi. L’un de leurs enfants sera Félix-Antoine Savard, prêtre et écrivain. Chez les Savard on était d’allégeance conservatrice. On compta quelques défections dans la famille, au bénéfice des libéraux, ce qui créa des frictions familiales.

7701L’autre sœur de ma grand-mère, Éva, épousait le 10 octobre 1892 Henri Quetton de Saint-Georges. Lequel provenait d’une famille éduquée de Cap-Santé, reconnue pour être libérale et même anticléricale, de génération en génération. Quatre enfants naîtront de cette union, dont la cousine Vava (voir chapitre 41, Mathilde ma grand-mère paternelle une énigme) qui venait encore visiter ma grand-mère et mes tantes quand j’étais adolescente. Éva sera le témoin de ma grand-mère lors de son mariage.

Dans cette famille d’où était issue ma grand-mère, on faisait de la musique,  du chant en particulier. Comme chez les Bédard, mais un cran plus recherché.  On s’installait autour du piano et on chantait des airs d’opérette, des chansons anciennes, des extraits d’opéra. On aimait lire, de la poésie notamment. Parfois on se risquait à en écrire. On savait broder, faire de la dentelle. Et on s’intéressait à l’histoire et à la politique. Sans appartenir à la grande bourgeoisie.

Mathilde venait d’une famille éduquée et, en ce qui la concernait immédiatement, démunie au plan financier.

7710Les astres semblent alignés. La photo prise le jour de leur mariage a été préservée. Joseph-Arthur présente toujours aussi bien, impeccablement vêtu, astiqué et étincelant de propreté  mais paraît légèrement plus vieux que son âge. Ses cheveux sont clairsemés. Le regard est bleu-gris et perçant, un regard qui me rappelle celui de mon père et de mon frère.

Elle, de son côté, a l’air d’une jeune femme sérieuse. Pas du genre à fréquenter les cabarets et les théâtres lyriques. Pas belle, réellement. Sage. Et très enfantine. Les cheveux châtain clair et relevés comme il était de bon ton de les porter à l’époque, mais avec une frange sur le front très courte qu’elle conservera toute sa vie.  Mince, élégamment vêtue d’une très belle robe blanche ornée de dentelle, sans doute réalisée par une de ses sœurs ou par sa mère. Mais sans aucun bijou. Sa tenue quand même assez festive tranche nettement avec les photos de mariage des frères de Joseph-Arthur, où les femmes étaient immanquablement vêtues de noir.

Les astres semblent s’aligner pour présager le bonheur et la prospérité pour le jeune couple.

78 - Les dédales d’un patrimoine à partager

 

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