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73 – Ferdinand Verret, un gentilhomme rural

7301aFidèle à la mémoire de ses parents. Jacques-Ferdinand Verret était né à Charlesbourg, le 21 avril 1860. Il y vivra toute sa vie, jusqu’à son décès, le 5 juillet 1946, en plein cœur du village.  Il était le mari de ma grande tante, Lucie Bédard (voir chapitre 72).

Il restera attaché toute sa vie à sa famille et vouera une affection indéfectible à ses parents : Jacques Verret, originaire de Loretteville,  et Sophie Sanfaçon, du Bourg-Royal,  dont il vantera inlassablement la bonté et le dévouement. Le 21 avril de chaque année, date de l’anniversaire de naissance de sa mère, sera l’occasion de se remémorer sa chère maman : « Le 21 avril 1860, ma bonne mère avait à son côté son premier enfant. C’était moi. Elle n’avait pas vingt ans (…) Quelle bonne maman » . Source : Journal, 21 avril 1929

7302Marchand général et grainetier. Très tôt Ferdinand s’initiera au négoce et au commerce, puisque son père, qui s’était installé à Charlesbourg en 1856, était à la fois boulanger, marchand général et maître de poste. A la mort de son père, Ferdinand rachètera le magasin, alors en faillite technique. Grâce à sa détermination et à son sens des affaires il relèvera l’entreprise familiale et la fera évoluer. Voici ce qu’il se remémore de la séquence des événements qui allait le conduire à s’impliquer dans l’entreprise familiale : «  En 1874, ma mère me demanda de lui (sic) aider au magasin, à une condition : celle de continuer mes études : j’acceptai. Dieu m’avait doté d’une excellente mémoire et je me mis à la besogne. En 1880, j’étais fort en français et je connaissais l’anglais pour le parler et pour correspondre aux États-Unis et en Europe. En 1886, je commençai le commerce des graines de semence. En 1892, je commençai l’élevage des abeilles ». Source : Biographie de Jacques-Ferdinand Verret, dans Un siècle d’histoire de la Société Saint-Jean-Baptiste de Charlesbourg (1858-1958) par Stanislas Vachon, 1958, 116 pages, p. 65. Exemplaire disponible à la Société d’histoire de Charlesbourg.

Ferdinand abandonnera dans les années 1930 le commerce général pour se consacrer entièrement à celui de la grainerie. Il commandait ses graines en Ontario, en Colombie-Britannique, en Europe. Puis éditait un catalogue de ses produits qu’il adressait à des milliers de clients. Ce qui n’était pas une mince tâche mais illustre combien il avait le sens des affaires. Il avait cédé un terrain à son frère Moïse pour qu’il y installe sa boulangerie.

Un gentilhomme rural. C’était un commerçant prospère et avisé, qui suivait ses dossiers de près et qui faisait le tour de ses clients disséminés dans la grande région de Québec à l’automne, une fois les récoltes terminées, pour réclamer son dû. Il aimait son métier, appréciait les contacts humains et était apprécié de ses clients et de ses concitoyens. Il ne chômait certainement pas!

7306bQui étaient ses employés? Essentiellement des membres de la famille Verret, à laquelle s’ajouteront des représentants de la famille Bédard après son mariage avec Lucie, en particulier des neveux et nièces. J’ai ainsi découvert que mon père, Urbain (prénommé ainsi en mémoire de son grand-père, Joseph-Urbain!) et son frère, Lucien, auront travaillé pour l’oncle Verret, l’été, pendant leur adolescence. Élizabeth, la sœur de mon père, et nièce par alliance de Ferdinand, entrera à son service en 1919 alors qu’elle a à peine seize ans (voir chapitre 44, Tante Élizabeth). Même mon grand-père, Joseph-Arthur, deviendra l’employé de Ferdinand, après quelques revers de fortune et quelques querelles mémorables entre beaux-frères. On abordera le sujet plus loin dans le blogue.  

Ferdinand ne conduisait pas mais retenait les services d’un chauffeur pour ses déplacements, d’abord en « voiture à cheval » puis en voiture automobile,  dans la grande agglomération de Québec, et même à l’extérieur. Lucie l’accompagnait. Il conviait les membres des familles Verret et surtout Bédard à se joindre au couple pour des voyages dont la vocation n’était pas toujours exclusivement commerciale et qui les mèneront à Chicoutimi, en Gaspésie ou simplement à Cap-Santé, toutes dépenses payées par Ferdinand qui se montrait invariablement grand seigneur. Sa générosité était  légendaire.

Toujours élégamment vêtu, Ferdinand démontrait en toutes occasions  une politesse et une déférence à l’égard des autres exemplaires, sauf quand il s’agissait des quelques individus, dont le maire de Charlesbourg, Frank Byrne, qu’il ne se cachait pas de mépriser souverainement! On peut aisément imaginer que l’existence de Lucie, aux côtés de cet homme généreux et attentionné, ait été plus qu’agréable.

Horticulteur chevronné. Ferdinand Ferret énumère avec force détails les différentes variétés de fleurs, plants de légumes, arbres fruitiers qu’il commande et qu’il offre à sa clientèle.  La description qu’il fait du parterre de fleurs devant son magasin, qui est en même temps son domicile, force l’admiration : «  Nous avons au sud du magasin une pelouse et une terrasse de dix pieds de hauteur. Cette année on y a planté deux massifs ronds de 6 pieds avec des glaïeuls de luxe  et bordure de bégonias tubéreux.

Au nord, un parterre de 35 pieds X 50 pieds en fleur : On y a planté quelques 600 glaïeuls de luxe, 200 bégonias des saliva, des giroflées en fleur , immortelles, pétunias, phlox et autres. Nous avons un carré de 6X6 pieds en œillet grenadin où il y a des centaines de fleurs aujourd’hui. Une pelouse avec deux massifs de balisiens (?) bordés de bégonias complète le terrain de 35 x 100. C’est le plus grand, le plus riche parterre du village. Il fait l’admiration des passants. C’est une bonne annonce pour un marchand de graines, plantes et bulbes, mais cela demande beaucoup de soins et d’attention. » ( 20 juillet 1939).

7303On imagine facilement que le coup d’œil sur le parterre de fleurs de Ferdinand et de Lucie, une vitrine promotionnelle de ce qu’il pouvait offrir à sa clientèle,  devait être impressionnant.

Les Bédard de ma « branche » seront tous jardiniers ou horticulteurs dans l’âme, à commencer par tante Thérèse ou ma sœur Andrée. Était-ce l’influence de Ferdinand?  J’ai dans mon jardin un vieux cultivar d’iris géants qui produit, vers la fin juin, de superbes fleurs de couleur saumonée, dont je n’ai jamais vu d’équivalent dans les centres d’horticulture. Il me fut donné par ma soeur qui me disait l’avoir récupéré du jardin de la maison ancestrale, ajoutant que cela remontait aux Verret. J’ose imaginer qu’il provient du jardin de Ferdinand!

7300Apiculteur passionné et reconnu. Mais c’est sa passion pour l’apiculture qui, de son vivant, fera surtout connaître Ferdinand Verret. En 1896 il se lance et achète des ruches, sans vraiment connaître le domaine! Autodidacte, il se passionnera pour le sujet et possédera jusqu’à 250 ruches au Trait-Carré. Son rucher, le Milliflora, produit un miel de qualité supérieure, ce qui lui vaudra des médailles d’or aux expositions internationales d’apiculture de Paris, Chicago et Glasgow, en Écosse. Les apiculteurs d’ici et de l’étranger  en quête de conseils se déplacent à Charlesbourg afin de profiter de ses conseils, le genre de reconnaissance qu’il ne dédaigne pas!

En 1910 il fonde l’Association (québécoise, dirait-on aujourd’hui mais ce qualificatif n’existait pas à l’époque) des apiculteurs, dont il sera président pendant 15 ans pour en devenir ensuite le président honoraire. En 1924 il préside le congrès universel d’apiculture, qui se tient à Québec. Il sera décoré de l’ordre du Mérite Agricole des mains mêmes du premier ministre Maurice Duplessis, le 5 septembre 1945, quelques mois avant son décès. Cet ultime honneur combla sûrement son cœur de « bleu » convaincu!

7305Ferdinand ne faisait jamais les choses à moitié. Qu’on en juge : il ira jusqu’à produite 17 000 livres de miel dans une année! Une tâche titanesque et qui requérait de la constance et du travail. Il explique à plusieurs reprises dans son Journal combien parfois il peut être difficile de contrôler la migration des ruches. Lorsqu’une colonie décider de se déplacer et d’aller s’installer, disons sur la terre d’un voisin, il faut savoir user de diplomatie pour calmer les craintes des personnes à l’égard de ces insectes potentiellement menaçants ou à tout le moins incommodants! Sa légendaire diplomatie fait des miracles.

Il est réellement très attaché à ses chères abeilles et veille sur elles avec un soin continu. Et ne lésine pas à solliciter l’aide des membres de la famille au besoin : « Il fait si froid que les abeilles ne peuvent sortir » (10 juillet 1929) « Les abeilles attendent l’éclosion des boutons de pruniers, qui ne tardera guère » ( 14 mai 1922) « Pendant la procession dans le village, un essaim d’abeilles vint nous déranger. Je trouvai Urbain et Hector qui s’en occuperont » (24 juin 1925). Qui était Hector? Son neveu, côté Verret. Et Urbain? Mon père et neveu, côté Bédard!

Bio et écologiste avant l’heure. On peut admirer aux Archives nationales, qui sont dépositaires des écrits de Ferdinand, des spécimens des étiquettes que celui-ci utilisait pour identifier les produits qu’il mettait en vente. Imprimées et multicolores, ce sont de petits bijoux d’élégance. Sur l’une d’elles, particulièrement colorée, on trouve les commentaires suivants, élégamment disposés : RUCHER MILLAFLORA / Mon travail profite aux autres / Pur miel d’abeilles / Ce miel est vendu tel qu’il est récolté par les abeilles, sans mélange ou addition d’aucune matière étrangère / Jacques Verret /  Apiculteur / CHARLESBOURG, QUE.

74 - Le Journal de Ferdinand Verret : un legs formidable

 

 

 

 

 

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