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68 – Éphraïm Bédard, ou la transition vers les professions libérales

Les fils cadets accèdent aux études supérieures. Joseph-Albert-Éphraïm était né à Charlesbourg et avait été baptisé le 30 janvier 1861. Médecin, il décédera le 31 mai 1930, à l’hôpital Saint-Sacrement.

Éphraïm constitue d’une certaine façon la charnière entre ceux de la fratrie dont on peut affirmer qu’ils n’avaient pas poursuivi d’études et étaient des dévots convaincus, soient : Alphonse, Cléophas et Elzéar. Et les autres, nés plus tard,  qui poursuivront des études, soient Éphraïm, François-Joseph et mon grand-père, Joseph-Arthur : Les deux premiers deviendront médecins et mon grand-père Joseph-Arthur, inspecteur forestier. Un inspecteur forestier qui restera toujours un artiste manqué! 

6802aIl y eut, d’une certaine manière, deux « portées » dans cette famille : ceux qui ne purent faire d’études et qui demeurèrent attachés à la terre, et ceux qui poussèrent la meule un tour plus loin. On ne parle ici que des enfants de sexe mâle, les filles à l’époque n’accédant pas aux études supérieures. 

Études au Petit Séminaire puis à l’Université Laval en médecine. Éphraïm était ainsi de la seconde cohorte. Il compléta ce qui s’appelait déjà le « cours classique » au Petit Séminaire de Québec. Les registres de l’institution, conservés au Musée de l’Amérique française, nous indiquent qu’il y entra à l’automne 1877, comme externe. Et y suivit le cursus qui menait de la septième année vers le diplôme de rhétorique, puis vers le baccalauréat, qui lui fut décerné en 1885. 

C’était un bon élève, à en juger par ses résultats scolaires, consignés dans ses bulletins dont j’ai également retrouvé la trace dans les archives de l’institution. Sans être un premier de classe ni figurer parmi les élèves les plus méritants que l’on honorait lors des remises de diplômes, il s’en tirait honorablement. Il semble avoir « sauté » le niveau 5, puisqu’il passe directement du niveau 6, en 1878-1879, au niveau 4, l’année suivante.

Éphraïm entreprendra ensuite des études de médecine, à l’université Laval, dont les locaux étaient situés dans le Vieux-Québec, près de ceux du Petit Séminaire. Il fut reçu médecin en 1889 et figure parmi la liste des finissants de l’année 1889-1889 dans l’Annuaire de l’université.

Le goût pour la musique. Comme plusieurs membres de la famille, il semble avoir été porté vers la musique, comme en fait foi la notice nécrologique rédigée lors du décès d’une de ses filles, sœur Marie-Jeanne, morte le 25 mars 68041873: « L’atmosphère familiale est pleine de gaieté, de plaisanteries, de taquineries, de rires et de chanson. Et le soir venu, à moins d’appel aux malades, le Dr veut du piano qu’il accompagne souvent de violon ou de cornet » (Notice nécrologique citée dans Biographies et histoire des gens de Charlesbourg, tome I, Op. cit., p. 413).

6801aMariage et pratique de la médecine dans la paroisse de Saint-Malo. Le 23 décembre 1896, il épousait Marie-Louise Azilda Pageau. Le père de cette dernière était un humble menuisier, de Charlesbourg, mais sa fille avait étudié et même obtenu un diplôme du Couvent des religieuses du Bon-Pasteur, de Charlesbourg. C’est d’ailleurs dans la chapelle conventuelle de l’institution, et non en l’église du village, que fut célébré leur mariage (Bulletin de la Société d’histoire de Charlesbourg, hiver 2013, p.3). Éphraïm pratiqua d’abord à l’Ancienne-Lorette, mais déménagea dans la paroisse de St-Malo, à Québec, où il exerça jusqu’à la fin de ses jours. J’ai pu consulter une photo du couple, qui fut prise en août 1913. On ne les voit que du buste, mais on retrouve chez lui les mêmes traits que son frère Alphonse : le front dégagé,  le nez fin, les pommettes hautes, presque slaves, les yeux assez enfoncés. Quelque chose de Turc, ou d’Europe de l’Est. Vraiment un bel homme. Difficile de décrire son épouse, elle, car la photo n’est pas claire. Très brune. Des traits assez rustres, lèvres minces, cheveux plats attachés sommairement. Sans apprêt. Rien de particulier.

Un extrait de la notice nécrologique de sœur Cécile, une autre enfant du couple décédée en 1938 et religieuse elle aussi,  nous fournit sur Marie-Louise-Azilda des informations qui laissent à penser qu’elle n’avait  pas été effectivement très choyée par la nature au plan physique et qu’elle se consacra totalement à la maternité et à l’éducation de ses nombreux enfants : « Madame Bédard, que la nature avait douée de qualités supérieures, joignait à une belle éducation une parfaite culture intellectuelle. Ses attraits de jeune fille sacrifiés aux volontés maternelles devinrent, dans la vie conjugale, la semence qui germa six vocations religieuses. » ( Op. cit., p. 428).

6805cQuatorze enfants dont dix filles parmi lesquelles cinq prendront le voile! Le couple aura quatorze enfants en tout, dont dix filles et quatre garçons. On disait dans la famille qu’Éphraïm et sa femme étaient dépassés par les événements : Que de filles, et si peu de garçons! Trois des filles et un garçon décédèrent en bas âge. Fait à noter : Cinq des filles entreront en religion : Bernadette, Marie-Jeanne, Marie-Olive, Marie-Marthe et Cécile! Un exploit, même pour l’époque! Marie-Jeanne sera plusieurs fois supérieure et supérieure provinciale, d’août 1955 à 1972. Bernadette, elle, sera supérieure à plusieurs reprises. Et un des fils deviendra frère des Écoles Chrétiennes. La religion était encore, on le voit, une valeur prédominante au sein du clan!

Après le décès de sa femme, en décembre 1913, Éphraïm se remaria avec Ludivine Fortier, de Charlesbourg, elle-même veuve Picard, ce qui permit aux filles qui étaient demeurées à la maison pour prendre soin de l’ordinaire et de leur père, de réaliser leur souhait, qui était d’entrer en religion.

6806bChangement de moeurs : on meurt à l’hôpital. Éphraïm décédera le 31 mai 1930, vraisemblablement de problèmes cardiaques, à l’hôpital du Saint-Sacrement de Québec, où toute la famille élargie, y compris ses frères et sœurs, s’était réunie pour lui témoigner une dernière fois son affection. La notice nécrologique de sa fille Cécile, mentionnée plus haut,  nous apprend que le soir précédant son décès, il demandera à écouter l’Ave Maria de Gounod. Il était très aimé dans la famille. Il avait soixante-neuf ans.

Notons qu’il devient à cette époque progressivement dans les mœurs de se faire soigner à l’hôpital, et d’y mourir. Puis, de là, le corps de la personne décédée est dirigé vers une entreprise de pompes funéraires. Les générations précédentes organisaient encore les veillées funèbres dans les maisons. Ferdinand Verret décrit le protocole qui entourait les veillées funéraires avec force détails dans son Journal. C’est à des changements comme ceux-là que l’on détecte les mutations qui, imperceptiblement, affectent la société et la font passer d’un modus operandi à un autre. Et la façon dont on honore les morts n’a rien de fortuit. Elle obéit à des codes stricts et en général suivis à la lettre.

Euchariste, un prénom confondant pour la petite Édith. Un des fils d’Éphraïm, Henri, était médecin comme mon père. Comme ils étaient à peu près du même âge, bien qu’Henri ait été un peu plus jeune, mes parents le fréquentaient. Je me souviens vaguement être allée en visite chez le docteur Henri. Comme son père avant lui, il pratiquait à St-Malo et y habitait. Une des deux filles d’Éphraïm à ne pas être entrée en religion, Françoise, avait épousé un médecin, le docteur Euchariste Samson, qui était chirurgien à l’Hôtel-Dieu de Québec. Une autre personne que mes parents connaissaient et tenaient en haute estime.

Le prénom « Euchariste » me mystifiait au plus haut point. Je me demandais s’il existait un lien entre la personnalité d’Euchariste, quelqu’un de charmant et d’un commerce agréable, et la sainte eucharistie. Était-il consacré par Dieu? Doué d’un pouvoir spécial? Allait-il devenir un saint après sa mort? Bref, le prénom de ce cher Euchariste me retournait les sangs!
69 - Soeur Jérôme, un miroir réfléchissant des Bédard

 

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