Sacristain de l’église de Charlesbourg. Joseph-Urbain Cléophas, baptisé le 31 janvier 1853, occupera les fonctions de sacristain de l’église Saint-Charles Borromée de Charlesbourg une grande partie de sa vie. Il était de ce fait très connu dans la paroisse.
L’essentiel de ce que je rapporte sur lui a été puisé dans le Journal de Ferdinand Verret, qui avait non seulement côtoyé Cléophas de près pendant des années mais le considérait de plus comme un « ami de toujours », dont la bonté et la générosité semblent avoir été la marque de commerce.
Même le tyrannique curé David Gosselin, dont on parlera plus loin, semblait apprécier Cléophas, ce qui en soit était tout un exploit! Il ne semble pas avoir fait beaucoup d’études, à l’instar de son frère Alphonse. Il épousait le 8 mai 1886 Marie-Louise Deslauriers, fille du bedeau de l’église de Charlesbourg. La nouvelle épousée, née en 1856, n’était plus dans sa prime jeunesse, non plus que son époux, et pas particulièrement choyée par la nature, d’après les commentaires formulés à son sujet par Ferdinand Verret, qui n’était pas toujours indulgent avec les femmes que la nature n’avait pas choyées! L’acte de mariage nous indique que les futurs époux durent obtenir une dispense, étant donné qu’ils étaient apparentés aux 3e et 4e degrés de consanguinité. Est-ce ce qui explique que, sur les neuf enfants que produira le couple, trois seulement survivront, soient Joseph, Maurice et Albert, les autres décédant soit à la naissance soit à un très jeune âge?
Successivement boulanger, puis menuisier. Cléophas fut d’abord l’employé de Jacques Verret, propriétaire d’un magasin général au centre du village, et père de Ferdinand. Puis il partit à Gaspé ouvrir une boulangerie et manqua se noyer dans le fleuve à cet endroit, n’eût été de la présence d’esprit d’un pêcheur qui le repêcha. De retour dans la région de Québec, il travailla un temps à Deschambault, puis à L’Islet, encore là comme boulanger. De retour à Charlesbourg, à une date inconnue des chroniqueurs de cette époque, il décida de se faire menuisier. Comme il était très habile de ses mains et ne reculait pas devant le labeur, il se mit à acheter des terrains, sur chacun desquels il bâtissait une maison. Il avait le don semble-t-il de dénicher des matériaux à bon prix. Il n’entreprenait toujours qu’un projet à la fois. Une fois la maison construite, il la revendait à bon prix. C’est ainsi qu’il fut à même de bâtir, et d’offrir, une maison à chacun de ses fils. Il en possédait également une pour son propre usage à Charlesbourg.
Puis il occupera les fonctions de sacristain de l’église de Charlesbourg, succédant ainsi à son beau-père, mais j’ignore pendant combien de temps, sans doute jusqu’en 1910. En effet, dans le Bulletin paroissial de 1910, le curé David Gosselin mentionne le nom d’un dénommé J. Cloutier, comme nouveau sacristain, qui remplace Louis Pichet, démis au bout d’un mois, et décrit ainsi la perception qu’il eut de la prestation du dénommé Pichet: « Son manque de vocation crevait les yeux » (David Gosselin, Bulletin paroissial de Charlesbourg, Recueil des numéros des années 1905 à 1920 reprographié et publié par la Société historique de Charlesbourg, Charlesbourg, avril 1989, 425 pages, p. 139.)
Serait-ce l’année où Cléophas termina son emploi et où il fallut lui trouver un successeur? Peut-être… Il serait alors déménagé à Québec et résida à partir de ce moment dans le quartier St-Malo.
Premier gérant de la Caisse populaire de Charlesbourg. Par ailleurs Cléophas avait été élu en 1902 Secrétaire-trésorier du conseil municipal de Charlesbourg, ainsi que Commissaire de la Cour Supérieure pour Charlesbourg. Il avait dû, pour accéder à ces fonctions, compter sur l’endossement de son frère Elzéar qui s’engagera devant le notaire Delâge, le 3 mai 1902, en donnant en garantie une terre de deux arpents située à Orsainville. Cléophas figure sur une photo des officiers de la Caisse populaire de Charlesbourg, datée du 25 mai 1911, puisqu’il en fut le premier gérant! Le 27 octobre 1900, il avait emprunté 300 piastres à l’épouse du notaire Cyrille Delâge, comme en fait foi l’acte passé devant le notaire Jean-Baptiste Delâge. Il donnait alors en garantie deux terres situées au Trait-Carré. Il déclarait exercer la fonction de sacristain. Cléophas était selon toute évidence un citoyen qui s’impliquait dans la vie de sa communauté.
LA VIE DE CLÉOPHAS NE FUT PAS EXEMPTE DE MALHEURS
Marie-Louise, son épouse, meurt dans l’explosion d’un poêle. Sa femme, Marie-Louise, meurt, le 7 juin 1913, lors de l’explosion d’un poêle, selon ce qu’en rapporte Ferdinand Verret dans son Journal. Les funérailles de Marie-Louise furent célébrées à Saint-Malo et son inhumation se fit à Charlesbourg, ce qui confirme que Cléophas n’exerçait vraisemblablement plus alors la fonction de sacristain à Charlesbourg. Difficile de sonner les cloches de l’église Saint-Charles-Borromée lorsqu’on habite Saint-Malo!
Maurice, son fils, meurt à la guerre. Son fils, Maurice, qui s’était engagé lors de la première guerre mondiale et passa quatre ans au front comme ambulancier, est tué le 28 août 1918, dans le département du Pas-de-Calais. Il n’a que vingt-cinq ans. Son corps n’est pas rapatrié. Maurice est enterré au cimetière militaire de Wancourt.
Un site français, créé par Fabrice Thery, rend hommage aux jeunes Québécois qui payèrent de leur vie leur participation au conflit. On y décline les noms, avec photo à l’appui, de ces jeunes héros. Une photo de la stèle dédiée à Maurice y est reproduite, dans la section intitulée : Des origines françaises tenaces.
Son autre fils, Albert, en revient avec des séquelles importantes. Son fils, Albert, marié à Bernadette Villeneuve, et qui lui aussi avait fait la guerre, en était revenu avec des séquelles importantes, mourut en laissant cinq enfants à élever. Cléophas ne se remaria pas et s’installa chez la veuve d’Albert, car il était très attaché à ses petits-enfants et voulait veiller sur leur bien-être. Cléophas clama toujours haut et fort qu’eut-il été plus jeune, lui aussi se serait engagé.
Joueur de cornet et membre fondateur de la Fanfare de Charlesbourg. Cléophas aimait jouer du cornet. On racontait que par beau temps, l’été, on pouvait entendre les notes claires du cornet de Cléophas, jouant les appels militaires, résonner dans le voisinage! J’ai retrouvé un ouvrage comportant plusieurs partitions de musique pour cornet et piano dans la maison ancestrale de Charlesbourg. Le livre, don’t l’auteur est J.P. Sousa, s’intitule: « Evening Hours, A Selection of Favorite Duets, Including The Most popular Waltzes, Marches and Polkas for the Cornet and Piano (Philadephie, Jones, Shaw et Kildare, 1879, 43 pages). On retrouve à la dernière page de l’ouvrage un dictionnaire des termes musicaux les plus couramment utilisés en italien, français, allemand et anglais.
Cléophas fut en 1863 du groupe des membres fondateurs de la fanfare de Charlesbourg qui se produisait le dimanche après-midi, l’été, devant le kiosque qui faisait face au presbytère. La fanfare devait exister jusqu’en 1960, illustrant par sa pérennité l’amour que les résidents, en particulier les Bédard, vouaient à la musique. Un des directeurs de la fanfare, de 1950 à 1952, fut un des cousins de mon père, Georges-Henri Bédard, dont j’ai précédemment parlé. Je me souviens vaguement des défilés de la fanfare à l’occasion de la Saint-Jean-Baptiste, avec ses membres défilant au pas, tous vêtus d’un élégant uniforme avec casquette.
Un dernier hommage de la part de sa famille. Cléophas décéda le premier novembre 1932, à St-Malo. Ferdinand Verret ne nous mentionne pas de quoi il mourut. Mais il semble qu’il ne fut pas malade longtemps et quitta ce monde très sereinement et sans douleur. Ses frères lui avaient tous rendu visite dans les heures précédant son décès, de même que Ferdinand Verret, puisque la femme de celui-ci, Lucie, était la propre sœur de Cléophas.
Ses funérailles furent célébrées le 4 novembre, à Charlesbourg. Cléophas étant mort sans testament, on dut tenir un conseil de famille afin de décider de la répartition des biens, évalués à plus de cinq mille dollars, qu’il laissait. Ferdinand participa au conseil de famille et mentionne dans son Journal qu’on fit en sorte de ne léser aucun des petits-enfants du défunt.
Ferdinand rédigea un hommage senti à Cléophas dans son Journal résumant en ces mots ce qu’il pensait de son ami et beau-frère : « Comme il aimait sa famille! Et ses amis pouvaient compter sur lui. Il ne transigeait pas avec l’honneur » (Journal, le 4 novembre 1832).