EdithBedard.ca Mon arbre

EdithBedard.ca

60 – Joseph-Urbain et Olivette : industrieux et économes

Un Bédard plus vrai que nature. D’après la tradition transmise oralement dans la famille, mon arrière grand-père Joseph-Urbain semble avoir été à lui seul la synthèse de ce qu’auront été les Bédard depuis leur implantation à Charlesbourg, si on exclut l’exercice du métier de charpentier qui se perdit peu à peu, du moins dans la « branche » dont je suis issue.

Agriculteurs, terriens, besogneux, industrieux, trimeux. Économes et parcimonieux. Grégaires, fiers de leur attachement à l’église et à la patrie, précautionneux, parfois belliqueux, passionnés par la politique et résolument « rouges » au plan politique quand le concept deviendra opératoire. Mon père héritera d’ailleurs de cette « couleur » politique!  Isolationnistes, pourfendeurs et méfiants de tout ce qui n’est pas d’origine (française et catholique, s’entend) et farouches protecteurs de leur indépendance. À la fois réservés et fougueux, et capables d’élans de générosité spontanés. Mais pas toujours souples et « arrondis »!

6001aL’attachement au village, à l’église et aux traditions. Étroitement associés à la vie de leur village, ils seront à la fois fêtards et dévots, aimeront les soirées, les quadrilles, les mardis gras et leurs mascarades, mais tout autant le culte catholique et ses rites, avec ses grandes fêtes qui ponctuent le passage des saisons, les vêpres, les processions, les baptêmes et les mariages, les retraites, les funérailles. Ils seront toute leur vie confrontés aux cycles de la nature, qui mène les êtres de la naissance jusqu’à la mort. L’école de l’acceptation, mais dans la sérénité.

Ils se sentiront pleinement intégrés au sein de leur paroisse, rassemblés autour de leur pasteur, comme les moutons autour du berger, symbole fréquemment repris dans la symbolique terrienne et catholique d’ici. Ils participeront activement à la vie de la municipalité, feront partie de la milice, tant sous le régime anglais que sous le régime français, participeront aux représentations théâtrales  et musicales qu’organise le village ainsi qu’aux défilés de la fanfare, à partir de la création de celle-ci  en 1863. Ils afficheront leur fierté d’habiter le village de Charlesbourg, si près de la grande ville de Québec et en même temps si éloigné d’elle.

Olivette : une maîtresse femme. On  disait dans la famille que bien que Joseph-Urbain ait été industrieux, c’est Olivette, sa femme, qui remportait la palme de la parcimonie et de la détermination. Ce fut, semble-t-il, une maîtresse femme. Elle eut à cœur de faire prospérer le patrimoine dont elle avait hérité. Le couple était donc très à l’aise financièrement. Et très économe. Tante Thérèse, sœur de mon père, se rappelait les anecdotes dans la famille au sujet des plumes que grand-mère Olivette récupérait méticuleusement après avoir tué sa volaille et dont elle confectionnait les oreillers.

Rien ne se perd… Olivette ne gaspillait pas et ne jetait rien! Comme toute Canadienne qui se respecte, elle conservait le moindre bout de tissus pour confectionner les catalognes, ces couvertures lourdes et raides qui faisaient office de doudounes, et qui gardaient malheureusement peu au chaud pendant la saison froide. Mais il fallait bien faire avec les moyens du bord!

6003cMême les vieux boutons! Quand nous avons vidé la vieille maison ancestrale, j’ai récupéré un bocal qui était plein de vieux boutons désassortis. Il y en avait de toutes les formes, certains en verre transparent, d’autres en métal, certains recouverts d’un tissu qui s’était élimé avec le temps.  Remontaient-ils au temps de l’aïeule? J’aime à le croire. Si ces objets ne viennent pas d’elle, le souci d’économiser et de réutiliser porte, quant à lui, son empreinte. Je le conserve précieusement.

6003dUne large progéniture. Joseph-Urbain et Olivette auront quinze enfants, dont cinq mourront à la naissance ou en bas âge. Un de ceux qui survivra sera mon grand-père, Joseph-Arthur, né en 1866 et dont je parlerai plus loin.

J’ignore quelles études Joseph-Urbain avait faites, peut-être n’avait-il fréquenté que l’école primaire à Charlesbourg. Mais contrairement à ses parents, il savait lire et écrire puisque sa signature apparaît sur les actes de baptême de ses enfants. Comme il occupa les fonctions de sixième maire de Charlesbourg, de 1872 à 1874, je pose l’hypothèse qu’il fallait qu’il eût un minimum d’instruction. Si on exclut les filles, dont on ne considérait pas utiles qu’elles aient de l’éducation, le couple produira cinq garçons.

Un début d’ascension sociale. Deux de ces garçons seront très portés sur la religion, puisque l’un sera sacristain toute sa vie et l’autre zouave pontifical. Trois tenteront leur chance aux États-Unis pendant un temps, mais reviendront au bercail et se comporteront, avant leur exil et après leur retour au pays, en bons Canadiens attachés à leur patrie et à leur langue. Le phénomène illustre bien le paradoxe auquel était confronté un francophone d’Amérique à l’époque : La peur, si on s’exile d’être assimilé par les autres, c’est-à-dire les anglophones… En même temps l’attrait de l’aventure, des grands espaces, du rêve « américain ». Avec en filigrane cette certitude pleinement acceptée mais pas toujours avouée que là, hors du nid, dans cet ailleurs anglophone et non catholique, l’assimilation ne sera  qu’une question de temps. Du moins pour la deuxième génération.

6003fDeux des fils deviendront médecins. Il y en avait eu deux autres précédemment dans le clan Bédard, avant la « cuvée » de Joseph-Urbain et d’Olivette : Azarie Bédard et Joseph Bédard, tous deux fils d’Azarie Bédard père et de Philomène Jobin, dans les années 1890. L’élan était donné.

Enfin un dernier garçon, Joseph-Arthur, mon grand-père, fera l’École normale et travaillera comme inspecteur au ministère des Terres et Forêts, avant d’œuvrer comme représentant en graines et semences pour le compte de Ferdinand Verret, son beau-frère. Tout en faisant vivre convenablement sa famille, il demeurera sa vie durant un chanteur d’opéra manqué!

6003aUne avancée au plan social. Bref, Joseph-Urbain et Olivette réussiront une avancée significative au plan social. Une avancée qui n’a rien d’exceptionnel et qui est caractéristique de ce qui se passait un peu partout au Québec, du moins dans une partie de la société civile : On accédait progressivement à l’éducation, puis aux professions libérales. Du moins pour les enfants de sexe masculin!

61 - Tante Floristine, l'aînée de la famille

Recherche
Merci de faire connaître ce site