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59 – Joseph-Urbain et Olivette Bédard, mes arrières-grands-parents paternels

Joseph-Urbain : une vie longue et de labeur. J’ai sous les yeux une photo de Joseph-Urbain, le grand-père de mon père, donc mon arrière grand-père, né et baptisé à Charlesbourg le 25 mai 1817. Sur son acte de baptême on indique que la profession de son père est « laboureur ». Ni son père ni sa mère ne savent signer leur nom.  Joseph-Urbain aura une longue vie puisqu’il décède le 18 avril 1899, à  un âge plus que vénérable pour l’époque (82 ans).  Il semble qu’il ait gardé la forme jusqu’au jour de son décès. Selon un chroniqueur de l’époque, il fumait encore une pipe deux heures avant de décéder! À une époque où on n’allait pas chez le médecin, où les concepts de cholestérol et d’hypertension étaient inconnus, force est de reconnaître qu’il avait hérité de bons gênes! Les mêmes, je suppose, que ceux dont héritera tante Élizabeth, sa petite-fille, qui décédera à l’âge de 92 ans.

5901aDernière photo? J’ignore à quelle date cette photo a été prise, mais il semble s’agir d’une photo officielle, qui fut utilisée lorsqu’il occupa les fonctions de maire de Charlesbourg, et que j’ai retrouvée dans un ouvrage consacré à l’histoire de la paroisse, qui est conservé à la Société historique  de Charlesbourg. J’en avais également découvert un exemplaire dans des documents de famille.

Il n’est plus dans sa prime jeunesse. Plutôt à l’aube de l’âge d’or, cette formule en apparence polie mais tellement ironique que nous avons inventée au Québec pour décrire cette période de notre existence où tout nous lâche! Il pose dehors, à Charlesbourg, vraisemblablement dans son jardin, assis sur une chaise, très droit, fort bien vêtu d’une jaquette sombre, avec col de chemise empesé et cravate. Peut-être le même costume qu’il portait le jour de son mariage! Il porte une barbichette, blanche, qui le fait ressembler à un Quaker. Son nez est busqué, ses yeux sombres et très enfoncés. Il est très maigre. Mais ce qui frappe surtout ce sont ses mains. Longues, noueuses. Les doigts effilés, et qui semblent déformés par l’arthrite. Elles sont posées sur ses jambes, elles aussi décharnées. Les mains de mon père et de mon frère. Savait-il que cette photo, sans doute une des rares qui aient jamais été prises de lui, était également fort probablement sa dernière?

On sait d’où l’on vient… Fils de Jean-Baptiste Bédard et de Marie-Angélique Jobin, mariés à Charlesbourg le 24 mai 1814, il était le deuxième d’une fratrie qui comptera douze enfants. De ce nombre trois garçons ( Pierre I, Pierre II et Victor) décéderont en bas âge. Deux autres (Charles et Marie-Angélique), ne se marieront jamais. Un des fils de Jean-Baptiste et de Marie-Angélique,  François-Xavier, épousera dans la paroisse de St-Roch le 22 juin 1852 Marie-Élise-Élizabeth Lebasque dit Debigaré, dont il aura neuf enfants. J’ai retrouvé dans un des nombreux cahiers de musique de la maison ancestrale de Charlesbourg un livre ayant appartenu à une demoiselle Eugénie Debigaré, imprimé à Boston en 1879, chez Ginn & Heath, et qui s’intitule : The Abridged Fourth Music Reader, a complete system of solfeggios and triads for practice. C’est un ouvrage sérieux, qui fait 333 pages. Il n’est pas destiné à des néophytes ou à des débutants. C’est du sérieux! La demoiselle y a inscrit une note manuscrite dans la page de garde, qui ne porte pas sur la musique et qui a de quoi intriguer. Rédigée en anglais, on y lit ceci : « Beware of the owner of this book because he carries a big jack knife. ED. »

Je ne pensais jamais pouvoir retracer les descendants de cette jeune fille. Or un de ses arrière-petits-fils m’a contactée, pour m’exprimer l’émotion qu’il avait ressentie  à retrouver un objet lui ayant appartenu. Je lui ai remis le livre en question.

De Joseph-Urbain jusqu’à Isaac. Si on remonte la chaîne des ascendants, vers l’ancêtre ultime, Isaac : Jean-Baptiste était lui-même né le 13 février 1789 à Loretteville, du mariage de Joseph Bédard et de Marie-Françoise Pageot, célébré le 31 janvier 1785. De cette union naquirent sept enfants, dont deux garçons. Joseph, le seul autre garçon et frère de Jean-Baptiste, allait être le premier maire de Charlesbourg.

Joseph, le père de Jean-Baptiste, était quant à lui le fils de François-Michel Bédard et de Marie-Jeanne Savard, qui s’étaient mariés à Charlesbourg le 22 novembre 1734 et qui eurent seize enfants, dont dix arrivèrent à l’âge adulte. On pense que Joseph était né en 1760, année de la Conquête, mais comme les registres de cette année ont disparu, il s’agit d’une hypothèse.

Le père de François-Michel, François Bédard, était né le 3 décembre 1671 à Charlesbourg. Il se maria deux fois, une première fois avec Marie-Madelaine Auclair, le 12 novembre 1696, dont il eut 9 enfants. Une deuxième fois, avec Marguerite Cœur, le 5 avril 1712, elle-même veuve de Michel Chrétien, de qui il aura deux enfants, dont François-Michel, dont nous sommes issus.

Enfin, François Bédard (père de François-Michel, donc) marié deux fois, était issu du mariage de Jacques Bédard et d’Élizabeth Doucinet, tous deux nés à La Rochelle et mariés à Québec en 1666 selon le rite catholique.  De cette union naîtront 18 enfants! Huit garçons, notamment, dont  cinq fonderont des familles. Voilà ce qui boucle la déclinaison des ascendants.

On se marie entre Bédard. Si on revient à Joseph-Urbain, il épouse, le 13 février 1844, Marie-Olivette Bédard, une cousine, fille de Jean-Baptiste Bédard et de Marguerite Cloutier, de Charlesbourg.

Les futurs époux doivent obtenir une dispense pour pouvoir convoler car ils sont parents au 4e degré de consanguinité. Lorsque l’on consulte dans le registre paroissial le document attestant de leur mariage, on ne relève pas moins de trois Jean-Baptiste Bédard parmi les signataires! La chose illustre la difficulté de démêler les écheveaux de cette toile d’araignée familiale qui, sans remonter dans la nuit des temps, s’avère néanmoins confondante puisque non seulement on se reproduisit abondamment, et en vase clos, mais en reprenant inlassablement les mêmes prénoms. On se les transmet d’une génération à l’autre, parfois même on donne à un enfant le prénom de son frère disparu en bas âge. Une façon de maintenir la main fermement appuyée sur le cordage de la lignée, comme pour se dire : N’oubliez pas d’où vous venez…

Un cocktail génétique explosif? Le caractère persévérant d’une telle attitude me touche. Si nous nous sommes maintenus, dans notre intégrité linguistique et religieuse, c’est beaucoup grâce à cette « retenue » à l’égard de la dispersion. L’enfermement qui en résulte, par ailleurs, me laisse confondue. Cela donne un concentré génétique explosif. Comme on élaguait les branches défectueuses des arbres généalogiques et qu’on ne se gênait pas pour gommer l’existence des cas non conformes, il est à peu près impossible aujourd’hui de mesurer l’ampleur du problème qui en résulta. Mais on devine qu’il fut bien réel. On verra plus loin ce que j’ai découvert dans ma propre famille.

L’Église n’accordait pas toujours les dispenses qui donnaient le droit de se marier, quand on jugeait les liens de consanguinité trop évidents. Un chroniqueur de l’époque, mon arrière grand-oncle Jacques Ferdinand Verret, cite dans son Journal deux cas d’annulation de mariage : Dans un cas, le 13 décembre 1881, le mariage d’un dénommé Pierre Légaré et de sa femme Louise, née Trudel, est annulé après cinq ans de mariage pour cause de consanguinité. Dans un autre cas, encore cité par le même chroniqueur, ce sont les projets de mariage entre Thomas Bédard et Délima Auclair qui sont annulés début janvier 1883, la veille même de la cérémonie, parce que la dispense demandée avait été refusée!  Tout était prêt pour la noce, on n’avait plus qu’à festoyer! On imagine le chaud-froid que cela dut provoquer!

Une naissance illégitime chez les Bédard. J’ai cru pendant un moment que mon arrière grand-mère était peut-être illégitime. En effet, le 19 décembre 1820 était née à Charlesbourg une enfant de sexe féminin, que l’on prénomma Marguerite. Le registre des baptêmes nous indique qu’elle est « illégitime » et « née de parents inconnus ». Le parrain est Jean-Baptiste Bédard, futur père de Marie-Olivette et beau-père de Joseph-Urbain.  La marraine est Françoise Pageot, mère de ce dernier. Une affaire de famille, à n’en pas douter! Les quelques ratures que comporte l’acte de baptême, et dont j’ai pu vérifier l’authenticité en consultant le manuscrit original, conservé aux Archives nationales, indiquent qu’on hésita un moment sur le lieu de sa naissance  (Québec ou Charlesbourg) au registre.

Ainsi, Jean-Baptiste Bédard, en plus d’être le père de Marie-Olivette, qui naîtra en 1823, aura porté sur les fonds baptismaux, trois ans plus tôt, une autre fille. En était-il le père? Se pourrait-il également que sa future épouse et mère d’Olivette, Marguerite, en ait été la mère biologique, puisque que l’enfant est prénommée Marguerite? Les deux fillettes étaient-elles la même personne? Une chose est sûre : elles étaient toutes deux partie prenante du clan Bédard.

Joseph-Urbain et Olivette sont accueillis par la mère de cette dernière. Joseph-Urbain et Olivette furent choyés par le destin. En effet la mère d’Olivette, née Marguerite Cloutier le 13 octobre 1798, devint veuve de son mari, Jean-Baptiste Bédard, qu’elle avait épousé en avril 1822 et dont elle avait eu sept filles et deux garçons. Elle se retrouvait pourvue d’un large patrimoine, qu’elle géra avec rigueur et dont ses descendants parlaient encore, cent ans plus tard. Elle possédait trois terres, dont deux à Gros Pin et une dans la petite Auvergne. Ayant convenablement doté ses filles, elle avait planifié installer son fils Baptiste chez elle, à qui elle comptait bien léguer  ses terres à son décès. Mais celui-ci mourut inopinément.

5903bL’origine de la maison ancestrale des Bédard. C’est alors qu’elle offrit à sa fille aînée Olivette et au mari de celle-ci de venir s’installer avec elle dans une nouvelle demeure qu’elle venait de faire construire dans la petite Auvergne, sur la terre même qui avait été assignée à Isaac Bédard, le premier de la lignée, lors de son arrivée à Charlesbourg. La maison était de qualité : Marguerite, qui était réputée pour sa minutie et son sens des affaires, en avait confié la construction à deux charpentiers renommés, tous deux fils d’un certain « major » Jos Bédard. La date de construction en serait, selon Ferdinand Verret, environ 1845 ( Journal, 22 novembre 1942).

Il s’agit de la maison ancestrale des Bédard. Sans Marguerite, née Cloutier, elle n’aurait pas vu le jour!

On passe la main… Marguerite décédera le 6 mai 1874, à l’âge de 77 ans. Olivette et Joseph-Urbain hériteront de ce large patrimoine. Joseph-Urbain décédera le 21 avril 1899. Olivette, elle, était décédée quinze ans plus tôt, le 31 août 1884.

Quand j’étais jeune, mon père m’emmenait en ballade automobile, soit vers Notre-Dame-des-Laurentides, au Nord, soit vers Québec, au Sud. Il aimait me montrer l’étendue des terres de notre aïeule.

« Regarde, ma petite Édith, me disait-il, nos terres venaient jusqu’ici! »

60 - Joseph-Urbain et Olivette : industrieux et économes

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