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55 – Charlesbourg : un modèle de développement

Le concept de Trait-Carré tel qu’élaboré par les Jésuites. On croit à tort que c’est Jean-Talon qui a conçu le plan d’organisation cadastrale de Charlesbourg. En fait, le mérite en revient aux Jésuites. La seigneurie Notre-Dame-des-Anges leur avait été concédée par arrêt royal, le 10 mars 1626. En 1665 ils élaborèrent un plan d’organisation du futur village de Charlesbourg, et en concédèrent  à leur tour trente lots aux habitants. Ce modèle d’installation visait à regrouper les colons autour d’un noyau communautaire. Il permettait notamment de se protéger contre les attaques des Indiens et de se rendre des services entre colons, grâce à une proximité des uns et des autres. On appelait cela le « développement de proche en proche ».

Mais Talon, qui entendait faire du village une vitrine de développement, s’était approprié le concept et avait carrément exproprié une partie de la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges. Il écrivait ainsi à Colbert en 1667  : « Pour donner l’exemple des habitations rapprochées, j’ai l’intention de former trois villages dans le voisinage de Québec qui sont déjà bien avancés » (Référence au texte de Colbert, mais sans page d’indiquée, dans Jean Lacoursière, Histoire populaire du Québec, Des origines à 1791, Sillery, Septentrion, 1995, 480 pages, p. 129).

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Le Trait-Carré, unique en Amérique. Le plan cadastral de Charlesbourg reflète parfaitement ce concept de Trait-Carré. Le cartographe et géomètre, Gédéon de Catalogne, l’a parfaitement  illustré dans sa Carte du gouvernement de Québec, dressée en 1709.

Lorsque j’étais petite, je me souviens que mon père m’ait expliqué, en me désignant le bout de terre qui montait derrière la maison de ma grand-mère, ce modèle de découpage en rayons. Et au bout complètement de cette terre trônait un orme majestueux, avec un tronc ample et solide. Comme aimait à me le répéter mon père, ce chêne avait précédé tous les colons venus en Nouvelle-France et Dieu sait ce dont il avait été témoin. Quand on avait défriché, on l’avait épargné, sans doute parce que sa beauté, son caractère solennel, avaient quelque chose de noble qui imposait le respect. Le soir venu, le soleil qui baissait à l’horizon jusqu’à tomber dans le vide brillait à travers l’abondante ramure de ce bel arbre. On aurait dit de la broderie ancienne. Mieux : un vitrail. De la cuisine de notre maison, qui donnait sur l’Ouest, on pouvait l’admirer quotidiennement, en particulier au crépuscule.

Pendant longtemps, les quatre avenues qui partaient du Trait-Carré étaient ainsi nommées :
    – En direction Nord, on parlait de la route de Saint-Pierre;
    – en direction Est, de la route du Bourg-Royal;
    – en direction Ouest, de la route de Lorette;
    – en direction Sud, de la route de Charlesbourg qui, quand on la remontait, était nommée route de Saint-Pierre.

Le litige entre Talon et les Jésuites dura des années. Puis finalement en 1698, le Bourg Royal, le Bourg la Reine et le Bourg Talon, revinrent aux Jésuites. Ceux-ci traitèrent équitablement les colons que rapidement on désigna sous le nom d’ « habitants », pour bien refléter le fait qu’ils vivaient librement sur le lot qui leur était attribué, du seul travail de leurs mains. Pendant ces années, on déboisa, ensemença, laboura ces terres immenses et fertiles.

Une tâche titanesque Reine Malouin, dans son livre intitulé Charlesbourg, 1660-1949, décrit avec une affection non dissimulée son attachement pour Charlesbourg :

« Charlesbourg fut à l’avant-garde de cette œuvre rurale conquise pied à pied, sillon par sillon, si l’on songe que les premières semences se firent entre les souches, que la terre fut remuée avec la pioche et les mains. On a peine, aujourd’hui, à concevoir la somme de courage et d’endurance que durent posséder ces merveilleux habitants et l’on ne peut qu’être émerveillés en regardant l’incroyable prospérité de Charlesbourg, sa beauté royale et la croissante grandeur de cette terre de chez nous ».(Reine Malouin, Charlesbourg, 1660-1949, Québec, Éditions La Liberté, 1972, 223 pages, p.33)

… dans une véritable enclave protégée. Isaac aura la chance de se fixer sur un bout de territoire, Charlesbourg, qui aura été dès ses débuts protégé par les autorités, car sa situation est remarquable et son sol riche. Plus de cent ans de relative sérénité s’écouleront sous le régime français. Les aléas de la conquête de 1760 ne le toucheront pas trop. On lira, autour des années 1815, le récit des guerres napoléoniennes dans La Gazette de Québec ou dans The Chronicle de Québec. Et surtout celui de la défaite de l’empereur des Français et de son exil à Sainte-Hélène. Contexte assez spécial pour le Canada, ancienne possession française dorénavant sous administration britannique. Il faut parcourir les articles de journaux de l’époque pour saisir le caractère délicat de la chose. Selon qu’on ait été francophone ou anglophone, le vainqueur ou le vaincu n’était pas le même! Mais il fallait gérer les paradoxes avec diplomatie. Cela, les Canadiens l’avaient très vite compris!

La ville de Québec, et ses environs, est vraiment le berceau du Canada. Selon l’historien Marcel Trudel, le nombre d’habitants (entendons colons et seigneurs) du pays en 1663 n’est que de 3 035 personnes! De ce nombre, 65.1% de la population totale du pays habite cette localité selon l’information fournie par Jean Hamelin dans son livre intitulé l’Histoire du Québec (avec la collaboration de Serge André Crête et al.,Toulouse et Saint-Hyacinthe, éditions Privat et Edisen, 538 pages,p. 123). On assiste vraiment aux premiers balbutiements d’une idée, qui commence à germer, de développement de ces possessions royales en terre d’Amérique. On y envoie des hommes, souvent des soldats. On veut faire de la traite de fourrures avec les Indiens. Les préoccupations de culture de la terre passent au second plan. La colonie doit devenir un investissement rentable.

Le village de Black-Lake, celui du clan Côté, avait vu le jour par accident, à la faveur du développement des mines. Il en alla tout autrement de Charlesbourg, le village du clan Bédard.

5501Les Bédard de Charlesbourg, une lignée d’ancêtres attachés à leur terreLes Bédard dont je suis issue sont demeurés en général sédentaires, se sont attachés à leur sol, qu’ils ont laborieusement labouré et qui en retour s’est montré généreux. On n’a eu qu’à passer la main d’une génération à l’autre, et à force de labeur le tour était joué. Mais ce fut tout un labeur! Mes ancêtres Bédard seront d’abord et avant tout des gens de la terre. Dans les registres des mariages et des décès, on les décrit en général comme « cultivateurs ».Mais, la proximité de Québec aidant, ils sauront peu à peu acquérir une éducation, accéder progressivement aux professions libérales lorsque se produira la montée des classes moyennes un peu partout au Québec. Les jeunes hommes Bédard, du moins ceux dont j’ai suivi plus attentivement le cheminement, fréquenteront le Petit Séminaire de Québec. Quand leurs familles seront trop pauvres pour défrayer le coût de leur pension, l’institution compensera, ce qui laisse à penser qu’ils furent de brillants élèves. Puis l’université, en droit ou en médecine. Certains revêtiront la soutane. Plusieurs femmes prendront le voile. Certains se montreront particulièrement dévots, devenant zouaves ou sacristains. Ils aimeront le chant, la musique en général. Ils ne s’illustreront pas comme hommes d’affaires ni grands voyageurs. Chez les Bédard, pas de grands héros nationaux. Sauf peut-être Pierre Bédard, né à Charlesbourg le 13 novembre 1762. Avocat, il deviendra connu suite aux opinions très affirmées qu’il avancera dans le journal Le Canadien relativement à la situation constitutionnelle du Québec. Cela lui vaudra d’être emprisonné par le gouverneur Craig. Mais une fois celui-ci retourné en Angleterre, le nouveau gouverneur, Sir George Prévost, le nommera juge à la cour supérieure de Trois-Rivières ce qui, il faut le reconnaître, constitue un revirement de situation assez intéressant!

Pas de mariages exogames avec des protestants ou avec des anglophones, britanniques ou irlandais par exemple. On se marie beaucoup entre résidents de Charlesbourg ou des environs, la Jeune Lorette par exemple, comme en témoignent les unions contractées avec les Villeneuve, Renaud, Verret, Sansfaçon, Audy, Trudel, Pageot et avec d’autres Bédard aussi! Le sang ne se dilue pas. Beaucoup de consanguinité, comme en font foi les multiples dispenses obtenues lors de mariages entre cousins. La pureté de la race et l’intégrité du patrimoine sont sans doute préservées. Mais cela ne va pas sans problèmes.

Dans un ouvrage publié en 2005 à compte d’auteur sur ses ancêtres et intitulé Alain Bédard et ses ancêtres (Charlesbourg, 2005, 51 p.), disponible à la Société de généalogie de Québec, l’auteur, Alain Bédard, jette un éclairage sur le phénomène. Il note ainsi qu’en 1700, sur les 29 familles qui habitaient le Trait-Carré, on comptait déjà six familles Bédard. Deux-cents ans plus tard, soit en 1900, 61 des 386 familles habitant Charlesbourg étaient des Bédard (p. 16). Ses recherches dans les registres de mariage révèlent qu’entre 1675 et 1975 on dénombra 778 mariages de Bédard à Charlesbourg, dont 45 entre un Bédard et une Bédard ( Id. p. 16) ! On peut poser l’hypothèse qu’il dut y avoir un nombre significatif d’enfants nés avec des difformités ou des handicaps physiques et mentaux, mais comme les registres demeurent cois sur le sujet, impossible de l’affirmer de façon certaine.

56 – Redécouvrir le Charlesbourg d’antan

 

 

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