1660. Qui étaient ces Bédard, dont se réclame la moitié des gênes qui coulent en moi?
Je descends par la branche paternelle de mon père d’Isaac Bédard, charpentier originaire de La Rochelle, qui s’était établi à Charlesbourg au début de la colonie avec sa femme et ses enfants. On m’ a souvent parlé de lui quand j’étais enfant. Mon père, Urbain, était le descendant direct, par la branche cadette, de cette famille terrienne et peu encline à quitter ses terres pour explorer le vaste monde. Une fois transplantée dans le « nouveau continent », Charlesbourg sera son fief pleinement et presqu’exclusivement assumé. Urbain, mon père, était né en janvier 1904, durant la période des grands froids, à Charlesbourg, dans la maison ancestrale. Deuxième enfant mais premier garçon de ma grand-mère, Mathilde Gosselin dite Lizzie, et de mon grand-père, Joseph-Arthur Bédard. L’accouchement avait été difficile, on n’était pas sûr que l’enfant survivrait car il était né prématurément. On le mit dans le réchaud du four. Il s’en sortit. Voilà du moins comment mon père présentait son entrée dans ce bas-monde. Sauvé par la chaleur d’un poêle à deux ou trois ponts. Il faut être né à Québec, ville sibérienne et cinglante de froid en janvier, pour comprendre ce que cela signifiait à l’époque que d’essayer de chauffer une maison par grands froids. Quand en plus il s’agissait de sauver un bébé naissant, on imagine le défi!
Avec un minimum d’effort, un Bédard de Charlesbourg peut vous dérouler d’une seule venue la liste de ses ascendants. Ainsi Urbain, mon père, était le fils à Arthur, à Joseph-Urbain, à Jean-Baptiste, à Joseph, Michel-François, François, Jacques, et enfin à Isaac. Entre Urbain et Isaac, moins de trois-cents ans. Une ligne de continuité qui donne le goût de ne pas oublier. Les Québécois sont en général férus de généalogie. Chacun sait de qui il descend, quel était le nom du premier colon à poser le pied en Nouvelle-France, du moins en ce qui concerne ceux dont les ancêtres sont venus de France. Les listes des passagers débarqués des bateaux, affrétés par de riches armateurs de Bordeaux et d’ailleurs, ont été bien tenues. Puis l’église d’ici a pris le relais. C’est le clergé qui consigne dans les registres les naissances, baptêmes, mariages et sépultures. Les règles de rédaction utilisées sont les mêmes partout sur le territoire de la colonie, puis au Canada français quand le concept d’état civil voit le jour. Rien, ou à peu près rien, n’a été détruit. Sauf pour l’année 1760 où plusieurs documents d’état civil, sur Charlesbourg, ont été égarés pour cause de conquête et de grand dérangement. Avec un peu de persévérance on peut reconstituer l’arbre généalogique de chaque famille souche.
La Société d’histoire de Charlesbourg constitue un lieu privilégié où la mémoire de ce village et de ses habitants d’hier est préservée. Un détour incontournable pour qui veut comprendre le passé. Et une occasion de rencontrer des bénévoles qui connaissent à peu près tout sur la paroisse, ses habitants, ses mœurs, ses anecdotes. Sur les petits événements autant que sur les grands moments. Des personnes dédiées qui accompagnent les chercheurs en herbe comme les chercheurs chevronnés. Qui vous dénichent une photo d’un de vos grands-oncles, qui vous exhibent un extrait d’un ouvrage qui illumine une zone d’ombre de ce que vous avez essayé mais sans succès d’éclairer depuis un bon moment! Leur accompagnement m’a été précieux tout au long de ma quête des Bédard.
Nous nous attarderons un peu plus loin sur la déclinaison de la lignée de Bédard dont je suis issue.