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47 – Titanic affectif chez les Bédard

Quelque chose ne tourne pas rond dans cette famille, pense la petite Édith. Un enfant ne décode pas l’expression des sentiments ou la narration de certains événements comme un adulte le ferait. J’avais compris que la vie de ma grand-mère et de mes deux tantes n’avait pas été facile et que ce qu’elles affichaient c’était le voile d’un deuil intérieur dont elles s’étaient entièrement drapées. Je ne pense pas que mes parents m’aient expliqué quoi que ce soit à cet égard. Mais je le sentais, inconsciemment. 

Ceux qui possèdent des animaux domestiques savent que ces derniers démontrent une compréhension des événements, des dangers et des conflits, extrêmement développée mais qui passe par d’autres canaux que ceux auxquels recourent les humains. On pourrait comparer un enfant à un chien ou à un chat.

Un Titanic affectif. Le problème, selon la compréhension que j’en ai aujourd’hui, tenait au fait que trop de décès et de drames avaient frappé la famille en peu de temps, des deuils dont les adultes se remettaient mal, en particulier ma grand-mère. Comme des tremblements de terre en cascades qui avaient fragilisé, sinon anéanti, les édifices affectifs des personnes.

Il y eut le décès de mon grand-père, Joseph-Arthur, le 27 octobre 1941. Le pivot de la famille et grand amour de ma grand-mère. Celui de la propre sœur de ma grand-mère, Éva de Saint-Georges, mère de la cousine Vava, décédée quelques jours plus tard, le premier décembre. Celui de la première épouse de mon père, Louisette Desjardins, décédée le 19 septembre 1943, une femme estimée de tous et qui faisait l’unanimité pour sa générosité. Celui de Lucie Bédard, la sœur de mon grand-père, en octobre 1943 et enfin, celui de son époux, Ferdinand Verret, en juillet 1946. Deux personnes vénérées dans la famille et dans le village. En arrière-plan, le drame qu’avaient vécu des années auparavant les parents de Mathilde, François-Régis Gosselin et Mary-Ann O’Neill. J’y reviendrai. Et c’est sans compter les démêlés judiciaires d’un membre de la famille immédiate qui ajoutèrent, on peut se l’imaginer, beaucoup de pression sur le quotidien de ces trois femmes.

Tous des êtres avec lesquels ma grand-mère Mathilde avait entretenu des liens privilégiés au cours de son existence. Ces événements exercèrent une énorme pression sur la famille. Il en résulta une sorte de naufrage affectif qui fit sombrer plusieurs membres de la famille dans une grande déprime.

Enfant, je n’étais pas à même de comprendre ce qui en était. C’est, devenue adulte,  en compulsant des documents d’archives, notamment les testaments, extraits du Plumitif et autres, en lisant les récits de certains membres de la famille, dont le curé David Gosselin, Félix-Antoine Savard et Roger Lemoine, que j’ai pu prendre la pleine mesure de ce qui s’était passé. Enfant, on ne m’avait rien expliqué.

48 - La fin d'une époque

 

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