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34 – Les Ursulines, bien évidemment

3401_V2Mon école primaire. 1954-1958. Mon entrée à l’école primaire ouvrit un nouveau chapitre de ma jeune existence et constitua un moment important pour moi. J’avais six ans et demi, c’est tard pour commencer le primaire. Mais j’avais soif d’apprendre. Ma mère, dont les ambitions à mon égard étaient élevées, avait décidé de m’inscrire au petit pensionnat des religieuses Ursulines, situé à dix minutes du bureau de mon père, à Loretteville. On y accueillait les élèves de la première à la quatrième année du primaire. Puis, pour la suite, il faudrait poursuivre mais au grand pensionnat, situé à Québec même, pas très loin du Château Frontenac, en plein dans la vieille Ville. Elle-même y avait étudié de même que mon aïeule paternelle, Mary-Ann O’Neil, pour laquelle elle nourrissait une admiration non dissimulée.

Un legs de Francis Mc Lennan. Ce pensionnat et demi-pensionnat n’accueillait qu’une soixantaine d’enfants. Il était situé à la sortie du Village Huron, à deux minutes de Loretteville. Le manoir et les terres qui composent le domaine du Monastère des Ursulines de Loretteville avaient été légués à cette congrégation par un avocat réputé de Montréal, Francis Mc Lennan (9 août 1857-décembre 1940) peu de temps avant son décès, le 25 décembre 1940. Francis Mc Lennan avait fait construire le manoir en 1913 à partir des plans réalisés par le renommé architecte montréalais, James Cecil Mc Dougall. Francis Mc Lennan était veuf puisque sa femme, née Alma Stuart, était décédée en 1926 à Loretteville.

Le couple, qui s’était marié selon le rite presbytérien (Chalmer’s Church) à Québec en 1896, n’avait pas eu d’enfant.Tant Emma Stuart que son mari étaient issus de la haute bourgeoisie : elle, de Québec. Lui, de Montréal. À leur décès, chacun d’eux choisira des funérailles conformes à leur religion d’appartenance : pour lui, des funérailles presbytériennes à la Saint-Andrew’s Church de Québec et pour elle, des funérailles catholiques en l’église catholique St-Patrick’s de Québec.

Le grand-père de Francis Mc Lennan, John, était arrivé d’Écosse en 1802. Le fils de John et futur père de Francis, Hugh Mc Lennan (1825-1899), fera fortune à Montréal dans le commerce du grain. Membre de l’establisment montréalais, Hugh Mc Lennan s’impliquera auprès d’organisations caritatives et culturelles protestantes et siégera comme gouverneur de l’Université Mc Gill. Francis suivra les traces de son père. En plus d’exercer le métier d’avocat il siégera comme gouverneur de l’Université Mc Gill de 1917 à 1931. Les habitants de la Jeune Lorette décriront un homme généreux et philanthrope, toujours prompt à aider les autres.

Alma (20 avril 1848-19 juillet 1926), l’épouse de Francis Mc Lennan, était elle aussi issue d’une famille de la haute bourgeoisie, mais de Québec. Le grand-père paternel d’Alma s’appelait Andrew Stuart (25 novembre 1785-21 février 1840). Il était né à Kingston, en Ontario, fils d’un pasteur protestant. Andrew Stuart, installé à Québec, y exercera le métier d’avocat et mènera une brillante carrière de juriste et de député à la chambre d’Assemblée du Bas-Canada, avant d’accéder à la fonction de solliciteur général du Bas-Canada en 1838.

Il aura un fils, prénommé lui aussi Andrew (16 juin 1812-9 juin 1891), né de son union avec Marguerite Dumoulin. Les généalogistes pensent qu’il se serait agi d’une union de fait puisqu’aucune preuve de leur mariage n’a jamais été trouvée. De plus Andrew fut baptisé le 28 juillet 1814, en l’église Notre-Dame de Québec, donc à l’âge de deux ans. Cela n’empêcha Andrew fils de suivre les traces de son père et de mener une brillante carrière d’avocat et d’entrepreneur. Il sera nommé juge de la Cour supérieure du Québec en 1859 et sera fait chevalier par la reine Victoria, en 1887, d’où son titre de « Sir ». Le 8 juin 1842 il avait épousé Charlotte-Elmire Aubert de Gaspé, fille de l’écrivain Philippe Aubert de Gaspé. Le mariage avait été célébré selon le rite anglican à la cathédrale Holy Trinity de Québec.

Les mariages mixtes, entre catholiques et protestants, n’étaient pas rares à l’époque au sein de la bourgeoisie de Québec. Notons que le père d’Alma, Andrew Stuart, se convertira au catholicisme en 1890, quelques mois avant de mourir.

Mentionnons finalement que les terres du domaine sur lequel Francis Mc Lennan fera construire le manoir provenaient de l’héritage légué à Alma, et à ses frères et sœurs, par ses parents. Suite à un conseil de famille, tenu en 1899, les frères et sœurs d’Alma avaient convenu de lui céder lesdites terres de la Jeune Lorette, contre une contribution symbolique.

… Bien caché dans un décor invitant. On accédait à la propriété en empruntant un chemin sinueux qui serpentait à travers ce qui me semblait une interminable forêt et longeait une chute d’eau escarpée. La maison, qui tenait vaguement du manoir, était littéralement nichée au milieu des arbres. Le tout premier jour, mes deux parents m’accompagnèrent. La religieuse, mère Marie-Claire, qui fut mon professeur en première année et qui est encore de ce monde, se souvient très bien de mes parents et de la relation que j’entretenais plus particulièrement avec mon père :

«  Vous admiriez manifestement beaucoup votre père qui vous le rendait bien. Vous n’arrêtiez pas d’échanger l’un avec l’autre».

Lait non pasteurisé? Papa n’aime pas! L’établissement était tenu par les religieuses. Elles s’acquittaient de tout : l’enseignement, l’entretien, la cuisine. Sur le plan alimentaire, mon père se préoccupait du lait qu’on nous servait. Venait-il des vaches qui paissaient dans le pré? Il avait sensibilisé les religieuses à l’importance de pasteuriser le lait, suivant en cela les consignes du ministère de la Santé.

3402_V2Comportement réglementé…  Nous, les élèves,  portions un uniforme, bleu marine. Même le modèle de chemise sous l’uniforme était réglementé. L’intention derrière ce code vestimentaire : nous mettre toutes sur un même pied, délaisser le superficiel. Valoriser la croissance de l’esprit et du cœur. Lors des grandes cérémonies, quand par exemple un évêque ou le gouverneur général venait visiter le pensionnat, nous endossions un uniforme blanc. Souvent trop long ou trop court, jauni, car nos parents se résignaient à nous en acheter un, puisque le règlement le stipulait, mais s’arrangeaient pour qu’il dure longtemps!

Un professeur enseigne à deux niveaux simultanément. Au primaire, chez les Ursulines de Loretteville, les classes comptaient peu d’élèves et étaient doubles : un même professeur dispensait son enseignement à deux groupes de niveau différent et ce dans la même classe. Ainsi, en première année, je côtoyais non seulement des fillettes de mon niveau, mais également celles de deuxième dont la plupart étaient à peine plus âgées que moi.

Un programme chargé. Nous suivions en général un calendrier très strict, sauf le  vendredi après-midi qui était consacré au dessin et au bricolage. Un des livres scolaires que nous utilisions me fascinait particulièrement : il s’agissait d’un manuel d’enseignement religieux, puisqu’on nous préparait pour notre première communion. La page couverture représentait des anges, bleus ou roses, qui se dirigeaient en procession vers une chapelle. J’y étais particulièrement attachée. Et je le rangeais toujours avec soin dans mon cartable.

Respect absolu de l’autre. Au-delà des rites et des codes de conduite stricts, il régnait néanmoins une atmosphère chaleureuse et égalitaire. On nous enseignait à respecter les autres. À pratiquer l’introspection. En corollaire, les religieuses nous respectaient. Je dirais qu’il s’agissait de la version « soft » du code de conduite et de discipline des Ursulines.  Rien de guindé. L’une des religieuses, qui m’enseigna en première année, est encore active chez les Ursulines de Québec. Je l’ai revue il y a quelques années, lors d’une rencontre de l’Amicale des anciennes. C’est dire qu’elle devait être très jeune quand elle s’est occupée de moi. Leur rôle tenait autant de la « grande sœur » que de la « tante » ou, comme on le dirait aujourd’hui, du « coach ». Sans aucun contact physique, précisons-le. 

Rien n’a changé. Je me suis rendue au Petit Monastère récemment. On m’a accueillie chaleureusement… L’émotion est remontée en moi. Tout me semblait identique à ce que j’avais connu enfant.

35 - Le « vieux » Monastère

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