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32 – Mon papa aimait lire

3203_V6Dans sa jeunesse et du temps de son mariage avec sa première femme, papa lisait beaucoup de livres. À l’époque, l’Église interdisait certaines oeuvres à ses ouailles, dont les écrits d’André Gide, jugés scandaleux.  On disait alors que ces livres étaient mis à l’index. Pour se les procurer, il fallait les commander en France, notamment. Ce que mon père fit abondamment.

32_00_V4Un des livres auxquels mon père était demeuré attaché était 30 Arpents, de Ringuet. Ce roman explore à travers l’itinéraire de vie d’Euchariste Moisan les thèmes chers aux Canadiens-Français : l’attachement à la terre et au rythme des saisons, une certaine nostalgie à l’égard de la France, la trahison et la dépossession. Et surtout la douleur de l’exil à White-Falls, en Nouvelle-Angleterre, où le héros finit sa vie comme gardien de nuit du garage municipal. 

Des livres, mais aussi beaucoup de journaux et de magazines. Mais avec les années, il délaissera les livres au profit des journaux et des magazines. Il manquait de temps et d’énergie. Il se rabattait sur des lectures moins astreignantes.

À ses pieds, sur le tapis dans le boudoir, les journaux de la veille, qu’il avait parcourus de la première à la dernière page. Il achetait L’Événement et Le Devoir entre autres choses. Progressivement, le  vendredi,  il se mettra à acheter les magazines Paris-Match, Jour de France, Elle et Point de vue qui arrivaient avec trois semaines de retard, par bateau. Essentiellement des publications pour consommation de masse, d’un niveau légèrement supérieur à Écho Vedettes, leur équivalent québécois. J’ai acquis à parcourir Point de vue depuis plus de cinquante ans une pseudo culture « française » qui parfois pourrait laisser croire que je possède une certaine érudition dans le domaine. Ce qui n’est pas le cas!  Je connaissais  assez bien les noms des membres des royautés européennes et pouvais assez facilement décliner les filiations entre les uns et les autres. D’un côté, le bloc catholique, formé notamment des maisons royales de France, de Belgique, d’Italie et d’Espagne. De l’autre, le bloc protestant,  luthérien et autres, formé des maisons allemande, suédoise, danoise et anglaise. Mon érudition était relative, mais elle dépassait sans doute  sur ce chapitre celle de l’homo quebecus moyen!

Mon père appréciait particulièrement les chroniques de Raymond Cartier, dans Paris-Match. Il disait qu’au moins grâce à lui on savait ce qui se passait ailleurs dans le monde.  Il lisait également les journaux anglophones, de Montréal et de Toronto, mais de façon moins assidue. 

Les lettres deviennent des mots… C’est surtout de mon père que me vient mon goût pour la lecture. C’est lui qui me montrant un jour les lettres A, B, C, qui se détachaient des titres des rubriques m’expliqua que chacune correspondait à un son donné et me fit découvrir la magie de ces signes. La combinaison des parties d’un système qui nous donne accès à la connaissance. Bien avant de commencer l’école je savais que l’apprentissage de la lecture et de l’écriture serait un exercice fastidieux, mais fascinant.

L’empreinte de mon grand-père Alfred, peu scolarisé,  s’estompait petit à petit. D’autant qu’il ne venait pas souvent nous rendre visite. Sa santé déclinait. Il avait subi au moins deux infarctus et devait épargner ses forces. 

33 - Ma soeur Andrée

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