EdithBedard.ca Mon arbre

EdithBedard.ca

24 – Des enfants bien habillés

2403a

Trousseaux bien garnis. Ma mère avait été frappée de constater quand les enfants arrivèrent avec leur maigre trousseau combien ils étaient vêtus sommairement et pauvrement et entreprit rapidement de leur monter une garde-robe acceptable. Ce sont eux qui, des années plus tard, me raconteront combien elle les avait habillés de neuf, de pied en cap. Comme elle démontrait un goût sûr, cela fit le meilleur effet.

On aurait dit qu’elle s’était donnée comme mission de mettre tout à sa main, et de rejoindre le plus possible un certain idéal d’organisation, de savoir-être et de savoir-vivre auquel elle tenait. On peut imaginer que mon père vit les comptes et factures arriver à un rythme assez soutenu! Où avait-elle puisé pour former ces idées qu’elle comptait mettre en application? Je n’en ai aucune idée. Le paraître était important pour elle.

Elle voulait être l’amie des enfants, comme une sœur. Mais leur mère? Pas si sûre.

Inscription à l’école privée. Les enfants furent ainsi entraînés dans un tourbillon d’achats, de constitution de trousseaux car elle avait décidé de les inscrire à l’école privée. Or, ces institutions imposaient des codes vestimentaires stricts. AInsi mes soeurs ne fréquenteraient plus l’école publique, nommément le couvent de Charlesbourg dont elles diront tout le mal possible. Les filles prirent le chemin des Ursulines de Québec pour y terminer leurs études secondaires.

Survie 101. On inscrivit mon frère au pensionnat pour garçons. Je pourrais décliner toute la nomenclature disponible des pensionnats d’alors, de Lévis à Sainte-Anne de la Pocatière, car il les ferait tous : Il finissait toujours par se faire renvoyer. Il acceptait mal l’autorité et cette nouvelle existence. C’était sa façon à lui de survivre. En fait, au cours des années qui suivirent, nous allions le voir très peu : il passait presque tout son temps comme pensionnaire. L’été, il fréquentait les patros jeunesse. Il avait très rapidement pris une tangente : celle de se tenir loin le plus possible de notre maison.

Sortir, nouer des amitiés. Chez ma grand-mère paternelle, selon ce qu’ils en dirent, les enfants quittaient peu la propriété familiale. Les activités extérieures étaient assez limitées. Avec ma mère, tout changea. Elle les encouragea à entrer chez les guides et les scouts, à se faire des amis, à profiter pleinement de leur jeunesse, calquant ainsi sa propre jeunesse à elle, où on s’amusait ferme, sans que personne ne s’en offusque. Et sans qu’on ait à compter les sous ce qui, avouons-le, devait être aidant. Seule Andrée s’engagea avec enthousiasme dans le mouvement Guide. 

Holt Renfrew pour Édith, rien de moins! Et moi, qu’en était-il de moi, du haut de mes trois ans? Mes sœurs et mon frère avaient eu droit à leur trousseau. Moi, j’eus droit à une garde-robe de petite bourgeoise. Tout comme elle m’avait appris comment plier les serviettes, elle m’instruisit sur l’art de sélectionner les vêtements. Très tôt dans ma vie j’ai voué un culte, futile, aux vêtements de qualité, achetés à fort prix chez Holt Renfrew et que ma mère revendait ensuite à ses sœurs, pour leurs fillettes plus jeunes que moi. J’eus droit à des manteaux anglais, avec col de velours piqué, exactement comme ceux que la princesse Anne d’Angleterre, enfant, portera quelques années plus tard.

2401a2402bJambières de cuir, manteaux anglais et laine qui « pique ». J’ai conservé des photos sur lesquelles j’apparais dans un ensemble de laine, à double boutonnière, avec chapeau de même tissu. On reconnait derrière moi, la maison des Pouliot (voir chapitre 67).

J’ai ainsi porté, sur une période d’une dizaine d’années, une demi-douzaine de manteaux anglais, qui ont tous servi par la suite à mes cousines du côté maternel. Il y en eut un rose soutenu, le premier de tous, puis un deuxième d’un rose plus terne, mais avec col de velours piqué bourgogne. Et un marine, avec un fin liséré jaune et rouge, col marine piqué, que j’aimais particulièrement parce qu’on m’avait acheté des gants de laine et une tuque jaune pâle assortis.

Ce goût des beaux vêtements, je l’ai hérité directement de ma mère, et il me fait encore souffrir parce qu’il m’assujettit à des codes d’élégance et de conformité qui sont souvent sans fondements.

Le fait que j’aie conservé une mémoire aussi vive de vêtements achetés il y a cinquante ans confirme sans doute l’influence de ma mère sur mon affect. J’ai en corollaire conservé une antipathie épidermique à l’égard de la laine, qui protège certes du froid et qui se défroisse aisément, mais qui pique et irrite la peau sèche, surtout en hiver!

25 – Une maman occupée, une fillette préoccupée

Recherche
Merci de faire connaître ce site