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192 – La vraie histoire de la maison ancestrale

19201J’ai été amenée à m’intéresser aux origines véritables de la maison ancestrale des Bédard à la suite d’une question que m’avait adressée un passionné de l’histoire des vieilles maisons de Charlesbourg, Michel Bédard, responsable des relevés d’arpentage à la Ville de Sherbrooke. Monsieur Bédard avait pris connaissance du chapitre 59 de mon blogue, consacré à Joseph-Urbain Bédard et Olivette, sa femme, mes arrières grands-parents paternels (voir chapitre 59, mis en ligne le 15 novembre 2013). J’y parlais des origines de la maison ancestrale, dont j’affirmais, sur la base de ce qu’en écrivait Ferdinand Verret dans son Journal, qu’elle avait été construite vers 1845.

Michel Bédard formule plusieurs hypothèses. La question formulée par monsieur Bédard était la suivante : pourquoi la maison ancestrale comporte-t-elle deux portes principales sur sa façade sud? Deux portes de dimension égale, qui donnent à penser que la maison comportait à un moment donné deux unités d’habitation? Monsieur Bédard se demandait également à quand remontait la date de construction de la maison.

Monsieur Bédard m’a interrogée sur de possibles explications sur l’origine des deux portes, dont j’aurais pu entendre parler dans mon enfance et dans ma jeunesse. Eh bien non, rien ne surgissait dans ma mémoire, si ce n’est le fait que de façon générale, et au quotidien, on utilisait la porte la plus à l’est, celle qui donnait dans la cuisine. La deuxième porte, qui donnait sur les parties plus « nobles » de la maison, soit la salle à manger et le salon, servait quand on recevait le curé de la paroisse. On l’utilisait également lors des fêtes du Nouvel An où ma grand-mère et ses deux filles, tantes Élizabeth et Thérèse, régalaient la famille de leurs mets si savoureux. Voilà ce dont je me souvenais surtout!

19204Selon Ferdinand Verret, la maison avait été construite en 1845. Ferdinand Verret, qui avait épousé Lucie, sœur de mon grand-père, Joseph-Arthur Bédard, ne tarissait pas d’éloges dans son Journal sur la beauté et la solidité de la maison ancestrale, qu’il qualifiait de « manoir ». Il y avait d’ailleurs passé sa nuit de noces. Le genre de commentaires qui n’était pas pour déplaire aux Bédard, qui aimaient « bien paraître ».

Ferdinand Verret expliquait également que la maison avait été construite dans les années 1845 et que c’est Marguerite Cloutier, veuve de Jean-Baptiste Bédard, qui en avait passé la commande à deux charpentiers de Charlesbourg (Journal de Ferdinand Verret, 22 novembre 1942). Marguerite, qui était veuve de Jean-Baptiste Bédard depuis 1840 et qui était bien pourvue au plan financier, avait alors invité sa fille, Olivette, et le mari de celle-ci, Joseph-Urbain Bédard, à venir s’y installer avec elle. Ce qu’ils firent effectivement.

Marguerite décéda le 6 mai 1874. Sa fille, Olivette, décéda le 31 août 1884. Son mari, Joseph-Urbain Bédard, mon arrière-grand-père et père de Joseph-Arthur, y habita jusqu’à sa mort, le 18 avril 1899, même si c’est à ses fils dont, Joseph-Arthur, qu’elle avait légué la maison avec promesse, cependant, d’y laisser Joseph-Urbain y habiter jusqu’à son décès.

Donc, selon ce qu’avançait Ferdinand Verret, la maison avait été construite vers 1845. Or, tel n’est pas le cas.

Michel Bédard creuse le sujet. Michel Bédard a décidé de creuser le dossier, afin de trouver l’explication à l’existence de deux portes principales et de déterminer avec exactitude la date de construction de la maison. Il a consulté les chaînes de titres, les recensements terriers et les relevés cadastraux de Charlesbourg, remontant jusqu’aux premières concessions concédées par les Jésuites en 1666. Il a également consulté divers actes notariés (notamment les testaments et dons entre vifs) touchant le lot 281, sur lequel est située la propriété. Et il a trouvé la réponse à ses questions! Il a également pu avoir accès à des esquisses que lui a fournies l’actuel propriétaire de la maison, Jean-Hughes Bédard.

Les résultats de sa recherche, extrêmement fouillée et remarquable de rigueur, feront l’objet d’une publication dans le Bulletin de la Société d’histoire de Charlesbourg en septembre 2016. Avec doigté et rigueur, Michel Bédard détruit quelques mythes relativement à l’histoire de la maison. Sans révéler en totalité le fruit de ses recherches mais plutôt afin de piquer la curiosité de ceux que le sujet intéresse, en voici quelques éléments.

La date de construction de la maison : plutôt 1790 que 1845. La date de construction de la maison remonte non pas à 1845 mais à 1790, donc un demi-siècle plus tôt, suite à une donation entre vifs de Charles Bédard, époux de Marie-Josephte Jobin, à ses deux fils, Thomas et Jean-Baptiste. Chacun d’eux fera construire une maison, pas très éloignées l’une de l’autre. Celle qu’on qualifiera de « maison ancestrale des Bédard » sera la propriété de Jean-Baptiste Bédard, époux de Marie-Josephte-Delage dit Lavigueur. Ce Jean-Baptiste sera député à l’Assemblée provinciale, de 1810 à 1814, et représentera le comté de Québec (voir Tableau généalogique de Charles Bédard et de ses descendants).

Pourquoi deux portes à la maison? La maison comporte deux portes parce que, à partir de 1800 et sans doute pendant au moins vingt ans, il y eut deux familles occupantes dans cette maison. Et deux familles non reliées par le sang. Chacune disposait à toutes fins pratiques de la moitié de ce qui est aujourd’hui le périmètre habitable. Comment Michel Bédard en a-t-il acquis la certitude? Il a pu examiner des croquis d’origine de la maison fournis par le propriétaire actuel. Et il a de plus fait la découverte d’une servitude, qui avait fait l’objet d’une entente signée devant notaire entre Jean-Baptiste Bédard et un dénommé Nicolas Charles Daunay, en 1800. Qui était ce dernier? Un militaire de carrière, né et formé en France, mais en poste en Nouvelle-France, et qui, après la conquête de 1759 par les Britanniques, ressentira plus d’affinités à l’égard des rebelles américains qu’avec les Anglais. Je n’en révèle pas plus!

Pourquoi 1845, alors? On peut émettre l’hypothèse que la référence à 1845, comme date probable de construction de la maison, que Ferdinand Verret mentionne dans son Journal, référerait à la période où la maison ancestrale fut transformée en maison « unifamiliale » par Marguerite Cloutier. Toujours selon Ferdinand Verret, Marguerite invita sa fille Olivette et le mari de celle-ci, Joseph-Urbain Bédard, mon arrière-grand-père, à s’installer avec elle dans la maison. Mais il ne s’agit là que d’une hypothèse.

Ultime regard. La maison ancestrale des Bédard a heureusement regagné le giron des Bédard et semble fort bien entretenue. Mais, entourée désormais de nombreuses habitations modernes, ayant perdu les larges étendues de terrain qui la bordaient autrefois, elle apparaît un peu perdue et recroquevillée sur elle-même. Il faut chercher pour la trouver. Cette maison était une « fille de la campagne », elle ne l’est plus.

Alors fermons les yeux et imaginons le décor vaste et épuré qui fut le sien pendant plus de deux cents ans, avec cette longue allée bordée d’arbres centenaires qui menait de la Première Avenue à la maison et que des générations et des générations de Bédard ont empruntée. Et laissons le rideau retomber ultimement sur le passé.

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Fin

 

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