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191 – Édith en Irlande

N’étant pas parvenue à lever le voile sur les origines irlandaises de mon arrière-arrière-grand-père, Hugh O’Neill, après de multiples incursions dans les archives disponibles en ligne, je n’ai eu d’autre choix que celui-ci : me rendre en Irlande. À défaut de trouver des preuves probantes de ses origines, je voulais à tout le moins voir le coin de pays où il avait grandi. Je suis partie pour l’Irlande du Nord, tout en sachant que je ne devais pas m’attendre à y faire de découvertes déterminantes sur mon aïeul. Il n’empêche, j’aurais bien aimé y trouver ce que je cherchais sans trop vouloir me l’avouer à moi-même!

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Une histoire qui remonte à la nuit des temps. L’histoire de l’Irlande remonte à la nuit des temps Elle constitue pour les archéologues et les ethnologues une source inestimable de trésors tant les artefacts y sont nombreux. L’histoire de l’Irlande est non seulement riche, elle est également complexe. 

Magherafelt, Moneymore et Ardtrea (ou Artrea) sont situés en Irlande du Nord. Et si, comme je le pense, les O’Neill dont je descends étaient catholiques, ils auraient connu les persécutions et les affrontements, la pauvreté. Plusieurs d’entre eux choisiront d’émigrer vers l’Amérique, à la recherche d’une vie meilleure. Ils s’embarquaient sur des bateaux, qu’on qualifiait de « coffin boats », tellement les conditions y étaient épouvantables et le taux de mortalité élevé. Ce fut le choix de mon arrière-arrière-grand-père, qui survécut à la traversée, manifestement.

La question à ne jamais poser. Contrairement à ce que j’avais observé en Louisiane, où la réalité poignante de l’esclavage a été minutieusement occultée, en Irlande la mémoire collective est encore imprégnée des affrontements passés. Les tensions sociales entre protestants et catholiques sont encore palpables, à fleur de peau, dirait-on. Si nos interlocuteurs n’abordent pas le sujet, mieux vaut s’abstenir d’en parler. Demander à un Irlandais à quelle religion il appartient constitue un faux pas, qui risque à la limite d’être interprété comme un manque de respect. Le sujet n’est pas anodin, loin de là.

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Mais où sont passés les O’Neill? En compagnie des amis avec qui j’ai fait le voyage, nous avons déambulé dans Magherafelt, un lieu aujourd’hui assez morne et tristounet qui a perdu sa splendeur passée. On est loin du bourg prospère des années 1830 que décrivait W.H. Maitland (voir chapitre 190 Sur les traces d’Hugh O’Neill). Nous cherchions un pub, un lieu de rassemblement, une place centrale, comme on en avait déniché à Dublin et même à Londonderry. Nous rêvions d’y faire la connaissance de gens originaires de là ou des environs et de déballer nos questions généalogiques! Nous avons dû déclarer forfait. Rien de cela ici. Quelques maisons de pierre, vestiges d’un autre temps. Des commerces, du genre « superettes françaises ou belges », fort anonymes. Dès qu’on sort du bourg, la campagne est là, à quelques centaines de mètres. Nous dénichons finalement un magasin de sport, « O’Neill », qui semble assez prospère. Plein d’espoir, nous y pénétrons, espérant y faire connaissance, qui sait, avec un digne descendant de ma famille. Peine perdue! Le vendeur, fort gentil, ne connaît rien à l’histoire des O’Neill. Nous en sommes quittes pour une photo. Mes amis m’offrent un T-shirt portant le logo « O’Neill » en guise de consolation!

Des O’Neill à profusion dans les cimetières. Nous nous rabattons sur le cimetière catholique de Magherafelt, espérant y trouver la mention des O’Neill. Nous sommes comblés. Ces lieux fourmillent de pierres tombales sur lesquelles le nom O’Neill apparaît. Mais comme les noms des parents des personnes décédées ne sont jamais, sinon rarement, indiqués, il est impossible d’y trouver un fil conducteur et de les décrypter, d’autant que les relevés généalogiques et les registres catholiques antérieurs à 1830 ont tous été détruits.

En route vers Ardtrea. Nous nous dirigeons ensuite vers Ardtrea, situé à environ 4 kilomètres au sud de Magherafelt. Pourquoi Ardtrea? C’est dans cette municipalité que, dans les années 1830, l’occurrence du nom de famille O’Neill, était la plus fréquente et de loin (Source : Ardtrea Genealogy Resources & Parish Registers/Tyrone, en ligne). On indique dans les ouvrages historiques que ce village fut le lieu d’affrontements sanglants sous le règne d’Élizabeth I avec les troupes dirigées par Hugh O’Neill, comte de Tyrone. Le village était stratégiquement situé à l’intersection de la rivière Ballinderry et de nombreuses routes qui mènent à Armagh, Coleraine et Moneymore. Suis-je enfin au cœur du fief des O’Neill?

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Nous sillonnons le coin à la recherche du village d’Ardtrea. Nous nous retrouvons en rase campagne, sans jamais croiser un seul être humain. Après de nombreux aller-retours, nous découvrons un panneau indiquant la direction pour atteindre Ardtrea. Nous nous y engageons. Quelques kilomètres plus loin, un autre panneau nous indique que nous avons quitté Ardtrea! L’esprit des O’Neill emplit sûrement ces lieux, mais très subtilement. Le village d’Ardtrea existe-t-il encore?

Il semble ne subsister de ce village que son cimetière, impressionnant. Je fais le deuil de ma quête… et décide de me rendre aux Archives d’Irlande du Nord, The Public Record of Northern Ireland (PRONI).

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Détour obligé par les Archives publiques d’Irlande du Nord. Les PRONI sont extrêmement bien organisées, dans des locaux vastes et modernes situés à Belfast. Le personnel est en nombre important et serviable. Les postes de consultation pour microfilms ne manquent pas. Le matériel pédagogique et informatif est abondant. J’y passe de nombreuses heures à consulter des registres d’état civil, des annuaires municipaux, des relevés topographiques, des listes d’émigration. Une manne incroyable!

Des O’Neill partout! Les O’Neill, et même des Hugh O’Neill, surgissent de partout : dans les annuaires municipaux de l’époque 1830, dans les registres catholiques de naissance pour des localités comme Antrim, Draperstown, Moneymore et autres, dans les listes d’émigration pour l’Amérique, dans les recensements des propriétaires terriens et de leurs locataires-cultivateurs. Une chatte n’y retrouverait pas ses petits!

Le généalogiste qui avait creusé le sujet à ma demande avait bien raison : il est impossible de dresser une filiation entre un père, Michael O’Neill, et un fils, prénommé Hugh. D’une part parce que les registres catholiques pour Magherafelt et Ardtrea antérieurs à 1830 ont été détruits. D’autre part parce que, dans les registres disponibles, les descriptifs sont concis et réduits à leur plus simple expression, quand ils ne sont pas carrément illisibles. Ce qui fait défaut, ce n’est pas l’absence d’ O’Neill, c’est l’impossibilité de les ordonnancer et d’en dégager des lignes directrices!

Quelques exemples des documents consultés aux PRONI

  • Dans l’Annuaire Pigot et Co. de 1824 pour Antrim, je relève le nom d’un épicier, Hugh O’Neill. Puis, dans le registre catholique des inhumations d’Antrim, le nom d’un Hugh O’Neill, décédé en 1829 à l’âge de soixante-deux ans. Aurait-il pu être le grand-père ou l’oncle de « mon »  Hugh O’Neill?
  • Dans le Griffith Valuation Register, un relevé des propriétaires et locataires terriens du comté de Tyrone pour la période 1847-1864, on dénombre dix-sept personnes qui portent le nom : Hugh O’Neill!
  • Dans le Passenger and Immigration Lists Index, qui comporte des milliers de pages, je relève des centaines et des centaines d’O’Neill, des Hugh, William, Michael qui ont quitté l’Irlande à destination de l’Amérique.

Je ne savais pas trop comment traiter cette masse d’informations qui ne menaient nulle part. Mais je n’étais pas la seule. Les visiteurs en provenance du Canada et des États-Unis étaient nombreux lorsque j’ai procédé à mes recherches aux PRONI. J’ai discuté avec quelques-uns d’entre eux, qui se disaient fort déçus d’avoir trouvé si peu de données sur leurs ancêtres irlandais. Sans doute parce que nos attentes étaient irréalistes.

Une application intéressante. De retour au Québec, j’ai replongé dans le Griffith Valuation Register, que j’avais consulté aux PRONI. J’y ai découvert que, dans les années 1850, des O’Neill occupaient des terres à Ardtrea, à titre de locataires-cultivateurs, dont un dénommé Michael O’Neill, qui occupait le lot numéro 57-a. Le Griffith Valuation Register dispose d’un outil de recherche accessible en ligne, fort intéressant, quand on a compris comment il fonctionne. Cet outil permet de consulter la carte des lotissements en 1850. Il est muni d’un curseur grâce auquel on peut littéralement faire avancer le temps et déterminer l’emplacement du même lot aujourd’hui. Le lot 57-a correspond maintenant à l’intersection de Ballyronan Road et de Waterfoot RoadJe vous invite à en faire l’essai. Le résultat est assez impressionnant.

Ultime tentative. J’ai également relevé dans l’annuaire téléphonique de Magherafelt les noms de cinquante personnes portant le nom de famille O’Neill. Je leur ai écrit, à chacune. À ce jour, je n’ai reçu qu’un seul accusé de réception. Mais je ne perds pas espoir.

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Dernière image. Alors ce qui reste, ultimement, quand le passé se dérobe, c’est la beauté de l’Irlande du Nord, sauvage et bucolique. Une Irlande à laquelle Hugh O’Neill repensait sans doute avec nostalgie, en contemplant le fleuve St-Laurent, à Québec, ou le Missisippi, à Natchez. S’en ouvrit-il jamais à sa fille, Mary-Ann, la petite orpheline de Natchez? Qui sait…

192 - La vraie histoire de la maison ancestrale des Bédard

 

 

 

 

 

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