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181 – L’arbre de Natchez, destination ultime de ma quête

Grâce aux révélations de tante Élizabeth (voir chapitre 180 Tout s’éclaire grâce à tante Élizabeth), ma quête de mes ancêtres venait de prendre une dimension nouvelle et, à bien des égards, douloureuse à accepter.

Le fil conducteur : Mary-Ann. Mais je réalise maintenant, au terme de ma démarche, que le réel fil conducteur de cette aventure aura été la quête de Mary-Ann O’Neill, mon arrière-grand-mère paternelle. Cette icône dont ce qu’on me racontait à son sujet quand j’étais enfant m’avait tant remuée. Née à Québec mais devenue orpheline à Natchez, au Mississippi, suite au décès de son père puis de sa mère. Rapatriée à Québec par la famille Dorion et inscrite comme interne chez les Ursulines pendant de nombreuses années… tout comme moi. Son mariage à Chicoutimi avec François-Régis Gosselin, un avocat prometteur. Puis leur déchéance, à un point tel qu’ils en avaient été réduits à accepter d’être hébergés pendant des années par l’autoritaire curé David Gosselin. Et sa mort, finalement, à Charlesbourg, dans le dénuement.

Tout a découlé de la fascination que Mary-Ann exercait sur moi. Il me semblait que si je la retrouvais, je me trouverais moi-même. Je me suis mise en mouvement. Le reste a suivi.

Willie Gosselin mort à l’asile de Beauport. Je me suis d’abord mise à la recherche de Willie, un des fils de Mary-Ann et frère de Lizzie, ma grand-mère paternelle. Il ne fut pas difficile à trouver. Il était là, devant mes yeux, mais je ne l’avais jamais remarqué! Quand j’étais enfant mon père nous emmenait fréquemment en ballade automobile à Cap-Santé les dimanches après-midi d’été. Nous nous stationnions devant l’église. Mon père nous rappelait alors que son oncle, David Gosselin, avait été curé de cette paroisse avant de devenir curé de Charlesbourg. Nous nous promenions dans le cimetière et passions devant les tombes de la famille de Saint-Georges, dont Arthémise-Éva, sœur de Mathilde, avait épousé un des membres. Puis devant celle de François-Régis et de sa femme Mary-Ann, les grands-parents de papa.

Glissez mortels, n’appuyez pas… Willie était là, sous notre nez : impossible de ne pas le voir. Son nom était gravé sur la même stèle funéraire que ses parents : «  À la mémoire de François-Régis Gosselin (1839-1912) / Protonotaire de Chicoutimi / Son épouse Mary-Ann O’Neill (1833-1909) / Leur fils Guillaume (1867-1918) »

Pourtant, jamais mon père ne mentionna quoi que ce soit sur Willie, mort interné à l’asile de Beauport. Non plus que sur le destin funeste de François-Régis, père de Lizzie, donc son grand-père à lui. François-Régis et Willie étaient transparents. Ils existaient, mais au titre d’ancêtres éloignés et sans grand relief. Nous glissions devant les tombes, avec détachement. Mais que se passait-il alors dans l’esprit et dans le cœur de mon père? Les émotions remontaient-elles à la surface? En grattant un peu, découvrirais-je quelque chose?

Les Dorion, bouchers de la rue Buade. Après avoir trouvé Willie, dont la maladie mentale apparaît comme le miroir de la condition de Michelle, les révélations de tante Élizabeth m’ont menée à m’intéresser aux Dorion, ces bouchers de Québec, dont j’ai retracé les origines en remontant jusqu’à l’ancêtre Pierre Dorionne. J’y ai découvert mon aïeule, l’instable et aventureuse Nathalie, mère de Mary-Ann, qui poursuivit son premier mari Patrick Gilroy jusqu’à Washington. Je découvrirai que le propre père de Nathalie, Pierre, mourut interné dans les loges de l’Hôpital général de Québec. Que d’heures passées à parcourir des registres d’état civil, des données du recensement, des actes notariés, des journaux d’époque! L’oncle David Gosselin m’eût sûrement guidée, lui qui savait tout!

La lignée des Bédard… Puis, de fil en aiguille, je m’intéresserai à l’origine des Bédard, dont Isaac, l’ancêtre originaire de La Rochelle, s’était établi à Charlesbourg dans les années 1663. L’exploration des nombreux descendants d’Isaac a suivi, sans trop de difficultés, je dois le reconnaître : les registres des baptêmes, mariages et sépultures d’ici ont tous été préservés, à quelques exceptions près. Puis grâce au Journal de Ferdinand Verret, qui fait plus de 4 000 pages, j’ai pu découvrir la personnalité et le destin de chacun des membres du clan Bédard, qui évoluaient autour de Joseph-Arthur, mon grand-père paternel. Car Ferdinand avait épousé Lucie, sœur de Joseph-Arthur.

… jusqu’à Urbain, mon père. L’exploration de la vie de mon père, Urbain, fils de Joseph-Arthur, allait de soi. La plongée dans la correspondance familiale m’a fourni un éclairage précieux sur la relation de mon père et de sa première femme, Louisette Desjardins, décédée trop tôt d’un cancer et qui allait laisser quatre enfants endeuillés, dont Michelle, qui ne se remettront jamais de cette perte. Suivra le remariage de mon père avec Marcelle Côté, ma mère. Une union malheureuse, dont je serai le fruit.

Pèlerinage à Natchez, au Mississippi. Ma quête m’aura au cours des années menée en France, en particulier à La Rochelle d’où les Bédard, des huguenots, étaient originaires. En Irlande du Nord, à Magherafelt, à la recherche des origines d’Hugh O’Neill, une recherche qui s’est révélée infructueuse. Mais il demeurait un vide. Je voulais retrouver la petite orpheline, Mary-Ann. Je n’avais d’autre choix que de me rendre au Mississippi.

J’ai déambulé dans Natchez, la ville dans laquelle Nathalie Dorion et Hugh O’Neill s’étaient établis et où ils décéderont à quelques mois d’intervalle. J’ai vu de mes yeux ce qui restait de la propriété dont ils avaient fait l’acquisition. J’ai mis la main sur les documents juridiques qui confirment que le demi-frère de Mary-Ann, Patrick Gilroy, refusa de la prendre en charge la fillette qu’était alors Mary-Ann. Ce qui incitera la famille Dorion de Québec à la rapatrier à Québec.

Ce pèlerinage à Natchez comportera sa dose de charge émotive. J’en ressentirai une énorme lassitude. Intérieurement, au terme de ma quête, j’adressai une prière à Mary-Ann : « Tu vois, je suis venue honorer les lieux où, me disait-on dans mon enfance, tu as tant souffert. Petite orpheline, je te ramène avec moi. »

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Un ancrage affectif grâce à mes grands-parents maternels. Au terme de mon périple pour retrouver mon arrière-grand-mère paternelle, et pour me trouver moi-même, je mesure la chance que j’ai eue, moi, de pouvoir compter sur Alfred et Julia Côté, mes grands-parents maternels. Ils surent me rassurer à l’aube de ma vie. J’aurais tant aimé « prêter » à Mary-Ann les bras aimants d’Alfred qui surent m’entourer de leur amour inconditionnel.

182 - Mes ancêtres existent-ils encore?
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