Les incontournables portraits professionnels… Le détour obligé par le studio d’un photographe professionnel, afin d’immortaliser les photos des enfants, était un incontournable à l’époque du premier mariage de mon père. Il est vrai que la qualité technique surpassait, et de loin, celle des photos prises par des amateurs. Toutes les familles possèdent, entassées dans des placards, des dizaines voire des centaines de photographies dont elles ignorent souvent l’identité des personnes qui y figurent.
Louisette se conforma à la tradition et posa pour le photographe professionnel de Québec, Montminy. Celui-ci, comme les Livernois, se spécialisait dans les années trente et quarante dans ce qu’on appelait alors « les portraits de famille ». Combien de photos prit-il de la jeune maman et de ses enfants? Je l’ignore. Mais deux ont survécu au passage du temps.
D’abord une fort belle photo de Charlotte, encore pouponne. Puis, environ trois ans plus tard, Louisette en compagnie des deux aînées de ses enfants, Charlotte et Michelle.
… et les photos prises par celui qui deviendra mon père. Urbain, mon futur père, aimait beaucoup prendre des photos (voir chapitre 21 Urbain et la photographie). Il s’y était mis dans sa jeunesse et se servait d’un Brownie No 2, produit par Eastman Kodak, qui coûtait à l’époque 2.50 $ ! J’ai conservé le vénérable et rudimentaire appareil. Urbain prendra de nombreuses photos de Louisette avant leur mariage (voir chapitre 162 La rencontre d’Urbain et de Louisette) et fera de même des années plus tard avec sa deuxième femme, Marcelle, ma mère (voir chapitre 22 Marcelle qui s’y frotte s’y pique).
La passion d’Urbain pour la photographie semblait être directement proportionnelle au bonheur qu’il ressentait à un moment ou à un autre de sa vie. Quand le bonheur n’était pas au rendez-vous, il fermait boutique. Ainsi, il prit de nombreuses photos de la petite Édith au début de son enfance. Mais avec l’échec de plus en plus évident de son mariage avec ma mère, quand j’aurai environ quatre ans, il rangera l’appareil dans un placard et n’y touchera plus jamais.
Urbain, heureux avec Louisette. Avec Louisette, dans les années qui suivirent leur mariage en 1931, le bonheur était au rendez-vous. Alors Urbain, le photographe heureux, se laissera aller avec enthousiasme à son penchant.
Il croquera au cours des années des photos de Charlotte, Michelle, Andrée et Jean-Hugues, ce qui nous permettra ainsi de les voir grandir et de constater combien les trois fillettes se suivent de près. Jean-Hughes, lui, est carrément le bébé de la famille. Des photos prises en hiver, qui nous confirment combien les hivers québécois sont rudes et froids. Et des photos estivales où, au contraire, il fait chaud! Les enfants sourient, ont l’air détendus et heureux.
De fréquents séjours à Charlesbourg chez Lizzie et Joseph-Arthur. De nombreuses photos, prises à Charlesbourg au cours des années qui suivront le mariage d’Urbain et de Louisette, nous confirment que le couple y séjournait fréquemmen. Urbain consigne dans le Livre de bébé de Charlotte les dates de leurs déplacements à Charlesbourg. Ferdinand Verret, qui aime tendrement Louisette, Urbain et les enfants, fait de même. Il note dans son Journal que « le docteur Bédard et ses trois fillettes sont arrivées pour une semaine » (4 octobre 1936). Il offre « des poupées pour les fillettes d’Urbain, Charlotte, Michelle et Andrée » (22 mai 1936). Il ne cache pas son admiration devant la précocité de Charlotte. Et note le caractère plus indocile de Michelle : «Visite des petites nièces Charlotte et Michelle Bédard : elles partent demain. Michelle a continué avec moi la scène de dimanche. Elle est bien gentille, agaçante, espiègle et fort agitée » (Journal, 3 août 1936).
Et puis soudain le drame… Le bonheur de la jeune famille sera de courte durée. En 1940 on diagnostique à Louisette un cancer qui évoluera à une vitesse fulgurante. Elle avait à peine quarante ans. La catastrophe.