(Mary-Ann O’Neill 5)
Qu’advint-il de Mary-Ann O’Neill et de sa cousine, Joséphine Dorion, suite au décès de Peter Dorion (voir chapitre 144 Une nouvelle épreuve pour Mary-Ann O’Neill : la mort de son oncle) en novembre 1856?
Joséphine recueillie par la famille Dorion de Saint-Ours. Joséphine avait alors dix-neuf ans. On imagine ce que la faillite de son père dut avoir d’humiliant pour elle et pour la famille en général. Je pose l’hypothèse que Joséphine fut recueillie par la famille Dorion, de Saint-Ours. Le docteur Jacques Dorion, était le frère allégué de Peter (voir chapitre 121 Qui étaient les vrais parents de Jacques Dorion?). Sa femme, Catherine Lovell, était la sœur de Cordélia, l’épouse décédée de Peter Dorion, et mère de Joséphine. La jeune fille était ainsi doublement apparentée à la famille de Saint-Ours, puisqu’elle était leur nièce tant du côté maternel que paternel.
Le nom de Joséphine apparaît dans le Recensement fédéral de 1861, comme membre de la famille de Jacques Dorion. Le 10 avril de la même année, elle épousera le docteur Magloire Turcot, originaire de Saint-Hyacinthe. La cérémonie sera célébrée en l’église de Saint-Ours. C’est son oncle, Jacques Dorion, qui lui servira de père.
MAIS OÙ EST PASSÉE MARY-ANN?
Le décès de son oncle aura sans doute constitué pour Mary-Ann une perte affective de plus, puisque tant son père que sa mère étaient décédés. Au plan financier, le décès de cet oncle, ruiné de surcroît, signifie qu’elle ne pouvait plus compter dorénavant sur son bienfaiteur pour la soutenir financièrement si elle en avait besoin. Elle devrait pourvoir à ses propres besoins. À l’époque, une jeune femme célibataire devait impérativement être prise en charge par une famille. Hors de question de prendre un appartement et d’y vivre en célibataire! Mais encore? Chez qui trouva-t-elle refuge?
J’ignore ce qu’il est advenu de Mary-Ann entre 1854 et 1864. Dix ans, c’est long! Selon tante Élizabeth, elle aurait été recueillie par les Cannon, à son arrivée de Natchez, vers 1847. Puis serait devenue institutrice privée chez les Cimon de La Malbaie. Pour finalement se marier à Chicoutimi. Je me suis basée sur ces indices pour essayer de retrouver la trace de Mary-Ann, après sa sortie des Ursulines. Une chose est sûre : elle ne devint pas religieuse car, si tel était le cas, j’aurais trouvé mention d’elle dans les Archives du Monastère.
Accueillie au sein du clan Cannon? Peut-être… Si on s’appuie sur les propos de tante Élizabeth, Mary-Ann aurait été prise en charge par la famille Cannon à son arrivée à Québec, dans les années 1847. Il ne pouvait s’agir que de sa marraine, Mary-Jane (fille de Mary-Ann Dorion et de Thomas Cary), qui était mariée à l’avocat Ambrose Cannon. Selon l’annuaire Marcotte, les bureaux de celui-ci étaient situés rue du Parloir (la rue du Monastère!). Leur domicile était, lui, au 35 rue Saint-Louis. Le frère de Mary-Jane, Georges-Thomas Cary, qui administrait alors le Quebec Mercury, habitait au-dessus de l’imprimerie familiale, aux numéros 11 et 13 de la Côte-de-la-Fabrique.
Fut-elle réellement accueillie au sein du clan Cannon? Le seul fait avéré dont je dispose, c’est que Mary-Ann fut éduquée chez les Ursulines, grâce à la générosité de son oncle, Peter Dorion, et qu’elle y fut pensionnaire pendant de nombreuses années. Peut-être les membres de la famille Cannon l’invitaient-elle à l’occasion, étant donné que le Monastère était à proximité de leur domicile. Mais je n’en ai trouvé aucune preuve.
Institutrice privée pour la famille Cimon de La Malbaie? Si l’on s’appuie toujours sur les propos de tante Élizabeth, que les archivistes des Ursulines ne purent cependant me confirmer, Mary-Ann serait devenue institutrice privée à sa sortie des Ursulines chez le jeune notaire Cléophe Cimon de la Malbaie. Le terme « institutrice privée » était sans doute gonflé… Les attributions de Mary-Ann devaient être, plus prosaïquement, de prendre soin des enfants, contre le gîte et le couvert, le tout assorti, on l’espère, d’un modeste salaire.
Cléophe Cimon, né en 1823, était le fils d’un marchand à l’aise du coin, Hubert Cimon. Une de ses sœurs, Emma, avait étudié chez les Ursulines en même temps que Mary-Ann. D’ailleurs le nom d’Emma apparaît dans la même page du registre des communions solennelles et des confirmations que celui de Mary-Ann. Peut-être les deux jeunes filles nouèrent-elles des liens d’amitié durable? Quoi de plus normal pour Emma, dont la famille à La Malbaie était accueillante et aisée, que d’y inviter Mary-Ann, qui était orpheline.
J’ai consulté le Registre du recensement fédéral de 1851 et surtout celui de 1861 afin d’y trouver, qui sait, le nom de mon arrière-grand-mère à La Malbaie. S’agissant du recensement de 1851, j’y ai bien relevé les noms des membres du clan : notamment ceux d’Hubert, de Cléophe, d’Emma et également celui du jeune Ernest Cimon, fils de Cléophe. Mais pas celui de mon arrière-grand-mère. Pour le Recensement de 1861, la tâche a été plus ardue : j’ai compulsé manuellement des centaines de pages! Là encore, aucune mention de Mary-Ann. Elle habitait peut-être chez les Cimon, sans que cela ne soit officiellement déclaré lors du Recensement. Je n’ai pu le déterminer.
Aurait-elle été embauchée par le ministère de l’Instruction publique? Peut-être était-elle plutôt institutrice, dûment embauchée par le ministère de l’Instruction publique de l’époque? J’ai relevé le nom de huit institutrices, pour La Malbaie et les environs, mais sans y retrouver le nom de Mary-Ann!
Institutrice privée à Chicoutimi? Je savais, pour avoir consulté les registres de l’état civil (fonds Drouin), que mon arrière-grand-mère s’était mariée à Chicoutimi. Je me suis donc intéressée à l’histoire de cette municipalité, alors en pleine expansion. Mary-Ann y avait-elle vécu, célibataire, et pendant combien de temps?
J’ai alors découvert qu’Ernest Cimon, un des fils de Cléophe, que Mary-Ann avait sûrement connu si les dires de tante Élizabeth étaient exacts, s’était installé à Chicoutimi en 1871. Peut-être est-ce de lui dont Mary-Ann avait la charge, quand il était enfant à La Malbaie? C’était maintenant un jeune avocat promis à un bel avenir. Ernest Cimon entretiendra, après son déménagement à Chicoutimi, des relations professionnelles et d’amitié durables avec Ovide Bossé, un notaire très en vue de Chicoutimi, installé depuis quelques années dans cette ville. Sophie Fraser, la femme d’Ovide Bossé, avait une sœur, Virginie, qui était une amie de Mary-Ann! Toutes deux avaient fréquenté les Ursulines de Québec. Les liens de Mary-Ann avec les Bossé et les Cimon étaient donc, on peut le supposer, bien réels… si elle habitait Chicoutimi. À cet égard, mes recherches démontrent qu’entre les Bosé et les Cimon les liens seront continus pendant des années.
Le Recensement fédéral de 1861 pour Chicoutimi. J’ai bien évidemment trouvé mention d’Ovide Bossé et de sa femme, Sophie Fraser, dans le Recensement fédéral de 1861, que j’ai compulsé manuellement. Mais pas d’Ernest, puisqu’il n’était pas encore installé dans cette ville. Le nom d’un autre avocat très en vue, originaire lui aussi de La Malbaie, et maintenant résident de Chicoutimi, figure également au Recensement. Il s’agit de John Kane. Qui est la femme de celui-ci? Marie-Louise Cimon, fille d’André Cimon, marchand connu de La Malbaie et député au provincial.
Mais, là encore, nulle mention de Mary-Ann, ni comme institutrice ni comme membre d’une famille de Chicoutimi. Ce qui ne signifie nullement qu’elle n’habitait pas cette ville. J’aurais pourtant tant aimé pouvoir mettre, comment dire, un peu de chair autour de l’os!
Consultez l’arbre généalogique des Dorion
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