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136 – Mais où est passée Nathalie Dorion?

(Nathalie Dorion 6)

On a vu au chapitre 135 que, en février 1834, Nathalie Dorion et Hugh O’Neill faisaient faillite à Québec et perdaient par conséquent leur fonds de commerce. Puis Nathalie demandait la séparation légale, invoquant le fait qu’elle et son mari étaient mariés en séparation de biens et qu’il était insolvable. Ce qui lui fut refusé par la justice. Qu’advint-il d’eux? Pas facile, on peut le comprendre, de faire face à la déchéance financière dans une ville aussi petite que Québec. Comment se sent une « marchande publique » ruinée, alors qu’elle est sœur, fille, nièce, petite-fille et arrière-petite-fille de commerçants?

1834, Nathalie habite Québec. Nathalie Dorion n’était pas du genre à se laisser abattre, on l’a déjà vu! Elle reste un certain temps à Québec, car le 15 mai 1834 elle passe devant le notaire Panet pour signer le bail de location du rez-de-chaussée d’une maison appartenant à un dénommé Jacques LeBlond. Le contrat est d’une année. La maison est située aux coins de la rue Buade et de la rue du Trésor. Le coût du loyer est de soixante livres. Elle s’identifie comme « Dame Nathalie Dorion, épouse du Sieur Hugh O’Neill, absent de cette province». Thomas Cary, son ex-beau-frère, l’endosse. On en déduit qu’Hugh O’Neill, lui, a quitté Québec. Mais qu’elle, en revanche, compte y demeurer. Comment subvient -elle aux frais de sa petite famille, composée de Patrick, qui a dix ans, et de Mary-Ann, qui n’est alors qu’un poupon? Mystère.

136011835, Nathalie disparaît de Québec. Le 11 avril 1835, Nathalie Dorion fait signer à son beau-frère, Thomas Cary, et à l’associé de celui-ci, George Desbarats, toujours devant le notaire Panet, une reconnaissance de dettes d’un montant de 250 livres à son bénéfice et rédigée en anglais. Elle est identifiée dans l’acte notarié comme « Madame Marie-Nathalie Dorion of Quebec, Marchande publique, wife of Hugh O’Neill, from him duly separated ». Elle ne s’est pas fait représenter par un mandataire et c’est sa signature qui apparaît au bas de l’acte notarié, dont j’ai parcouru l’original aux Archives nationales.

À partir de cette date, on perd sa trace… Son fils, Patrick, quitte le Petit-Séminaire de Québec à la fin de l’année scolaire 1834-1835, selon l’extrait du registre des comptes du Petit-Séminaire, et n’y revient pas à l’automne suivant. Les responsables de la Procure du Petit-Séminaire de Québec tenaient un registre des inscriptions d’élèves, et des entrées d’argent qui en découlaient. Les Ursulines faisaient de même. On y apprend ainsi que le père de John Patrick Gilroy est médecin, que l’enfant a été admis le 15 avril 1834, et qu’en 1834-1835 il est « parti ». Et qu’il habite la « Haute-Ville ». Une façon discrète mais fort efficace de classer les élèves selon leur rang social.

LE PIÈGE DES APPARENCES
Le tiercé gagnant des généalogistes : BMS (baptême, mariage, sépulture).
 
Les généalogistes du Québec, quand ils veulent retracer l’itinéraire de vie d’une personne, s’intéressent d’abord à trois événements qui constituent les fondations de la vie de celle-ci : son baptême (et sa naissance, en corollaire), son mariage (ou ses mariages) et finalement sa sépulture (suivant son décès, on l’aura compris).

En ce qui touche mon arrière-arrière-grand-mère, j’avais pu retrouver, mais après de nombreux efforts, la preuve de sa naissance. Puis les traces de ses deux mariages avérés. Mais quand j’ai voulu déterminer la date et le lieu de sa mort, j’ai dû pendant longtemps déclarer forfait. Mon score au BMS était donc le suivant : 2 victoires-1défaite!

Finalement, à force de creuser, je découvris ce qui suit :

  1. Nathalie Dorion figure au Recensement de 1851. Une Nathalie Dorion, âgée de cinquante-cinq ans, habite alors à Saint-Roch, comme pensionnaire chez un commerçant et homme d’affaires, Gaspard Garneau. Le recenseur note ensuite qu’elle est « étrangère » mais née au Canada. Tant l’âge que le statut de cette personne correspondent à celui de la femme que je recherche. Trois autres chambreurs logent à la même enseigne, dont deux jeunes femmes dans la vingtaine nées en Irlande. Je m’intéresse surtout au troisième logeur, un certain « O Neill » qui déclare être né au Canada, être veuf et âgé de 53 ans. L’âge et le nom de famille correspondent! On ne peut affirmer avec certitude que son prénom commence par « H » car le document sur support magnétique est difficile à déchiffrer et manque de netteté. Le dénommé O’Neill déclare travailler comme « engagé ».
  2. Gaspard Garneau et Pierre Dorion se connaissaient probablement. Les deux hommes étaient commerçants et faisaient des affaires avec la Ville de Québec. J’avais repéré dans le Rapport annuel de la Cité de Québec, pour l’année 1854, la référence à un déboursé de 137 livres au dénommé G. Garneau pour « vieux matériaux », dans la liste des divers déboursés à des marchands et entrepreneurs de Québec. Une somme assez importante. Le nom de Dorion Frères figurait sur la même liste de factures acquittées par la Ville. 
  3. 13604Le notaire Panet, lié aux familles Garneau et Dorion. La femme de Gaspard Garneau, quant à elle, était une contemporaine de Nathalie Dorion, anglophone comme elle. Après son décès en 1853, son mari s’était remarié le 11 janvier 1854 avec une dénommée Mary-Ann Stewart, selon le rite catholique cette fois. Parmi ses témoins, le notaire Panet, depuis des années le notaire des Dorion!
  4. Patrick O’Neill tient commerce au 20, rue Buade. J’avais trouvé mention dans le Quebec Directory, pour l’année 1855-1856, de plusieurs membres de la famille Dorion, dont : P. Dorion, Hardware, St-Peter Street et Dorion et Frères, Dry Goods Merchant, de la Fabrique. Mais surtout celle relative à un certain Patrick O’Neill, Dry Goods, 20 Buade Street! Ce O’Neill travaillait dans la même « ligne d’affaires » que son oncle Peter! Et avait pignon sur rue dans la rue des Dorion et des Cary. Toute une coïncidence!
    Il figure également dans les éditions de 1856-1857, 1857-1858 et 1858-1859, et ainsi de suite jusqu’en 1863-1864 où son nom apparaît toujours avec la mention « Dry Goods ». Pour les années suivantes, il indique le 53, St-John Street, Upper Town, comme adresse professionnelle.
    Qui plus est, j’avais également repéré un Patrick O’Neill comme témoin signataire du registre de funérailles d’Isabella Charlotte Cannon, décédée à Québec le 3 septembre 1864. Cette enfant était la fille de James Cannon, frère de Lawrence Ambrose Cannon, époux de Mary-Jane Cary. Laquelle était la marraine de Mary-Ann O’Neill et fille de Mary-Ann Dorion, sœur de Nathalie.
  5. Mary O’Neil est internée à l’asile de Beauport. Le 14 août 1852, un représentant du Gouverneur général avait autorisé l’internement d’office d’une dénommée Mary O’Neil, originaire de Gaspé. Cette Mary O’Neil est restée dix-huit ans internée, jusqu’à son décès survenu le 5 décembre 1870. Il fallait donc qu’elle souffre de troubles sérieux, ce qui, je l’avoue, me semble correspondre au profil psychologique de mon arrière-arrière-grand-mère.
  6. Les archivistes de l’institution me fournissent la confirmation de son internement. Finalement, suite à un échange de correspondance avec les archivistes de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec, dans laquelle j’exposais ma filiation avec la personne en question, j’obtins une autre confirmation de l’internement et du décès de mon arrière-arrière-grand-mère à Québec «  avec la carte index, seul document de référence conservé en permanence, nous sommes en mesure de vous confirmer que votre arrière-grand-mère (sic) a été hospitalisée à une reprise à l’hôpital St-Michel-Archange, soit du 14 août 1852 au 5 décembre 1870, date à laquelle elle est décédée. ».
  7. Hugh O’Neill habite Québec. En prime j’avais même réussi à identifier deux personnes portant le nom d’Hugh O’Neill qui habitaient Québec dans les années 1855. L’un était identifié comme militaire à la retraite. L’autre était décrit comme employé de l’hôtel Ottawa, situé rue du Sault-au-Matelot.

MAIS MALGRÉ CES DÉCOUVERTES SI PROBANTES, JE M’ÉTAIS COMPLÈTEMENT FOURVOYÉE…

Consultez l’arbre généalogique des Dorion
Consultez le tableau des descendants de Pierre Dorion et de Jane Clarke
137 - Nathalie Dorion en Louisiane

 

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