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131 – La saga Dorion-Gilroy

(Nathalie Dorion 3 de 6)

Nathalie Dorion seule, à Québec… On se rappellera (voir chapitres 129 et 130) que le mariage de Nathalie Dorion avec le docteur Patrick Gilroy avait, très rapidement, fort mal tourné. Et que le 23 décembre 1823 Nathalie Dorion avait fait rédiger par le notaire Panet un acte de notoriété, dans lequel trois témoins dignes de foi confirmaient le fait que le docteur Gilroy avait fui Québec sans laisser d’adresse.

De 1823 à 1826, Nathalie Dorion habite vraisemblablement à Québec puisque le 21 mars 1826 elle signe le registre de baptême de la fille du couple Dorion-Cary, Claire Nathalie, dont elle est la marraine. De quoi vit-elle? Chez qui vit-elle? Mystère.

Patrick Gilroy, à Washington. Son mari, Patrick Gilroy est, quant à lui, dorénavant établi à Washington. En 1826 et 1827 il fait paraître des annonces dans The United States Telegraph et dans le Daily National Intelligencer, dans lesquelles il annonce ses services comme médecin. Il souhaite sûrement reléguer aux oubliettes son épisode québécois. C’est bien mal connaître Nathalie Dorion! Elle l’y poursuivra avec énergie et détermination! Comment avait-t-elle retrouvé sa trace? Qui défrayait ses dépenses à Washington? Là encore, mystère.

Une querelle médiatisée entre Nathalie Dorion et Patrick Gilroy. Au cours des mois de septembre et octobre 1827, Nathalie Dorion et le docteur Gilroy se payèrent une querelle publique dans le Daily National Intelligencer de Washington, qui avait ouvert ses colonnes aux deux protagonistes.

S’échelonnant sur plusieurs jours, se déploie alors une guerre de mots entre une femme et un homme. Elle dit s’appeler Nathalie Gilroy. Elle prétend être mariée à un homme, John P. Gilroy qui, quant à lui, nie formellement cela. Les deux protagonistes vont croiser le fer à coup de communiqués, mises en gardes, attaques et contre-attaques. On passera rapidement du déni à l’insulte. Tous les coups bas sont permis!

Voici donc, la retranscription en français de cette algarade fort musclée, qui parle d’elle-même! L’échange occupe les premières pages du quotidien et s’échelonne du 15 septembre 1827 au 13 octobre 1827.

National_intelligencer

131_fond_blanc2Patrick Gilroy : « J’invite par les présentes le public à s’abstenir de recevoir, ou de traiter comme étant mon épouse, NATHALIE DORION, qui prétend faussement être ma femme, et qui a voyagé sous cette prétention. Signé : JOHN PATRICK GILROY ».

Nathalie Gilroy : «  JOHN P. GILROY, que l’on nomme parfois Dr. Gilroy, qui a fui la ville de Québec il y a environ cinq ans pour ensuite s’installer à Dumfries, en Virginie, un lieu qu’il a par la suite été obligé de quitter, et qui, depuis environ un an, s’est livré à de l’escroquerie jusque dans cette ville de Washington, a fait insérer dans l’édition du 15 septembre dernier du National Intelligencer un avis me concernant. Avis dans lequel il «invite le public à s’abstenir de me recevoir ou de me traiter comme étant sa femme », étant donné que je prétends à tort être sa femme.

Je ne voudrais jamais m’attribuer « faussement » un nom qui apparaît, pour ceux qui connaissent celui-là même qui le porte, comme détestable. Je suis pour mon plus grand malheur la femme de cet homme et porte là encore malheureusement son nom. Mon désir est de me départir de l’un et de l’autre.

Je ne voudrais pas que le public ne se base que sur ce que j’avance. Je dispose de documents qui prouvent la véracité de ce que j’expose. Leur authenticité ne peut être mise en doute. Je ne doute pas que le public me pardonnera d’avoir ainsi révélé qui est cet homme, qui a détruit mon bonheur et qui voudrait maintenant détruire ma réputation. Signé : NATHALIE GILROY ».

Patrick Gilroy : «  Aux éditeurs du National Intelligencer : Ce n’était pas mon intention, pas plus que ce ne l’est maintenant, de mener un débat public d’aucune sorte avec cette femme basse et dépravée qui veut duper les lecteurs en prétendant être ma femme. L’avis que j’ai précédemment inséré à l’intention du public avait pour but de prévenir de futures impostures de sa part (étant donné la personnalité dans laquelle elle se drape), qu’elle voudrait échafauder et monter de toutes pièces. Oui, la chose est tellement grossièrement absurde qu’elle ne devrait retenir l’attention de quiconque possède la moindre connaissance du cœur humain et de ce qu’une femme infâme et éconduite est capable de faire.

Mais s’il faut nous résoudre à poursuivre dans cette voie, reconnaissons-la pour ce qu’elle est : la plus vaine des femmes, voire une véritable prostituée qui, apparaissant dans un milieu où elle n’est pas véritablement connue, n’hésitera pas le cas échéant à se prétendre la femme de tout homme respectable d’ici.

J’ai de fort sérieux motifs de me plaindre d’un tel sens du devoir démontré par les Éditeurs du National Intelligencer (alors que mon intention n’était que de mettre en garde le public contre une tromperie) qu’ils en sont allés jusqu’à publier les calomnies d’une femme sans moralité, ni sens des responsabilités. Il est évident que cette femme misérable n’est qu’un jouet aux mains des plus débauchés de ses complices. Lesquels, n’ayant eux-mêmes aucun sens moral, tentent par tous les moyens de rabaisser les autres à leur propre niveau en n’hésitant pas à s’abriter même, en déni de leurs responsabilités, sous les plis de la robe d’une femme.

Si, ultimement, être soumis aux pires calomnies est le destin de plusieurs des hommes les plus louangés et vertueux de notre pays, alors l’humble individu que je suis ne peut se plaindre de son sort. Car il a souvent été dit que les injures des mauvais constituent notre meilleur éloge. Je me garderai donc, compte-tenu du respect que je me dois à moi-même, de tout nouveau commentaire sur le sujet.  Signé : JOHN PATRICK GILROY ».

Nathalie Gilroy : « Il m’apparaît nécessaire, de nouveau, de revenir sur cet homme sans principes, John P. Gilroy. Car si je le laisse poursuivre dans son entreprise fausse et indécente visant à diffamer ma personne et ma conduite, sans effort de ma part de repousser ces calomnies, mon silence pourrait être interprété comme la reconnaissance, de ma part, de la vérité de ce qu’il avance.

Tout ce que je demande au public c’est d’attendre encore quelques jours. Il disposera alors d’autres éléments, encore plus probants, si cela est même possible, du caractère injuste de son comportement ainsi que de sa turpitude.  Signé : NATHALIE GILROY ».

Nathalie Gilroy : « À L’ATTENTION DU PUBLIC. De manière à défendre mon intégrité et à établir hors de tout doute le fait que j’ai été effectivement mariée à John P. Gilroy, malgré les dénégations publiques les plus fermes de celui-ci, et ce en des termes offensants, je demande la permission de faire savoir ceci aux lecteurs : étant donné que je suis actuellement à Washington, mon conseiller juridique d’ici a écrit à Québec. Il dispose maintenant, outre un témoignage dont je lui avais déjà remis copie, d’un affidavit produit par un gentleman qui était présent à notre mariage et qui en a attesté sous serment la véracité. Ledit acte de mariage porte la signature et le sceau du gouverneur général de la province du Bas-Canada. On trouve également dans l’édition de la Gazette de Québec du 14 janvier 1822 ainsi que dans le supplément du Quebec Mercury du 11 janvier 1822, le faire-part de mariage ci-joint : « Ont été unis par les liens du mariage, par le révérend Dr Harkness : John P. Gilroy, gentilhomme et chirurgien, et demoiselle Nathalie, fille de monsieur Pierre Dorion, décédé, tous deux de cette ville. »

Dans l’intérêt du public, j’ai déposé ces documents à l’hôtel Gadsby, où toute personne intéressée peut en prendre connaissance. Signé : NATHALIE GILROY ».

DE LA PART DES ÉDITEURS À LEURS LECTEURS 
« Nous avons décidé de refuser la publication d’un avis que le docteur J.P. GILROY nous a soumis. Cet avis se voulait une réplique à celui, portant la signature de NATHALIE GILROY, que nous avons publié mercredi. Nous avons refusé d’acquiescer à la demande du docteur GILROY de publier son texte. Et nous ne tolérerons plus aucune publication additionnelle dans nos colonnes par l’une et l’autre des parties impliquées dans cette polémique pour le moins singulière.

Ceci étant dit, il nous semble cependant de notre devoir, étant donné que nous déclinons la requête du docteur GILROY, d’indiquer que celui-ci dément formellement les allégations de cette personne qui se désigne comme Nathalie Gilroy. Le docteur GILROY affirme qu’on lui a refusé de prendre connaissance des documents (dont copie a été déposés à l’hôtel Gadsby). Et que, de toute façon, ces documents sont non pertinents. Il a écrit à Québec et recevra sous peu des documents qui révèlent le vrai caractère de cette femme. »

Source : Textes extraits des archives du Daily National Intelligencer, retranscrits en anglais par Tom Gilroy et traduits en français par Édith Bédard.

Ce sont finalement les éditeurs du journal qui mettent un terme à l’escalade des injures et des attaques, non sans indiquer que le docteur Gilroy maintient toujours ne pas être lié légalement à Nathalie Dorion, et qu’il attend des preuves juridiques en provenance de Québec démontrant le vrai caractère de cette femme.

Un véritable échange de « tweets » près de 200 ans avant le temps!  

Consultez l’arbre généalogique des Dorion
Consultez le tableau des descendants de Pierre Dorion et de Jane Clarke
132 - Patrick Gilroy, propriétaire d'esclaves

 

 

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