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130 – Un mariage bien éphémère

(Nathalie Dorion 2 de 6)

13001bDevenir médecin au bon moment. La pratique de la médecine à Québec connaît un essor marqué dans les années 1815 et suivantes. L’arrivée massive d’immigrants souvent malades ou fort mal en point fait ressortir le manque flagrant de structures pour les accueillir et les soigner, et pour endiguer correctement les nombreuses épidémies qui frappent la population en général. Or justement de jeunes médecins canadiens formés en Angleterre ou en Écosse, comme les docteurs Charles-Norbert Perreault, Joseph Morrin ou Anthony Iffland, décident de changer le cours des choses. Le docteur Perreault ouvre en 1818 le Dispensaire de Québec, situé Côte de la Fabrique. Le docteur Morrin fonde quant à lui l’Hôpital des Immigrants en 1820.

Le nouveau mari de Nathalie Dorion commence ainsi à pratiquer à Québec à un moment où le nombre de médecins pratiquant dans cette ville double, puis triple et enfin quadruple. On dispose enfin de suffisamment de ressources pour répondre adéquatement à la demande, alors que pendant trop longtemps la pénurie de médecins avait cruellement desservi la population.

L’intégration du docteur Patrick Gilroy dans la communauté médicale de Québec. Comment le Dr Gilroy s’insère-t-il dans la communauté médicale de Québec? Ses relations avec ses pairs sont-elles bonnes? Connaissait-il quelques-uns des médecins qui y pratiquent avant son arrivée ici? Si tel est le cas, se peut-il qu’il ait bénéficié de leur support quand est venu le moment de le recommander auprès des autorités de la colonie? Est-il lié à Jacques Dorion, qui a obtenu en 1822 le droit de pratiquer la médecine après avoir été formé pendant cinq ans auprès de Charles-Norbert Perreault et qui est considéré par ceux qui le forment comme fort doué et promis à un bel avenir? Connaît-il personnellement le docteur Perreault, qui a par ailleurs épousé en 1819 Charlotte-Louise Desbarats, fille de l’associé de la famille Cary dans l’imprimerie? Mystère.

Le docteur Gilroy figure sur la liste des médecins pratiquant la médecine à Québec en 1821 et 1822. On trouve son nom mentionné dans le Quebec Almanac and British American Calendar des années 1821 et 1822, respectivement aux pages 70 et 75. Ce livret, qui comptait des centaines de pages mais se glissait aisément dans la poche, était publié à Québec en anglais chaque année (Québec, Neilson, environ 255 pages). Il constituait l’outil de référence de première main au Bas-Canada pour le citoyen moyennement éduqué qui désirait avoir toujours sous la main la liste des personnes autorisées à rendre la justice, à pratiquer le droit, le notariat ou la médecine et ce, dans chacun des districts judiciaires de la province. 

Un bien étrange cambriolage. Tout semble bien s’annoncer pour le jeune couple, penserait-on. Pourtant le 29 mars 1822, le docteur Gilroy s’adresse à la Cour des Sessions de la Paix de Québec relativement à un cambriolage qui serait survenu à son domicile, dans la soirée du mardi 19 mars, entre dix-neuf et vingt-heures. Dans sa déposition assermentée, il affirme que des individus ont pénétré par effraction dans son domicile. Et que quatre personnes qui habitent dans le voisinage disposeraient d’informations sur ce qui s’est passé. Qui sont ces personnes? Un dénommé Walter Otté, ainsi qu’Anne-Élizabeth Otté et une certaine Judith Delaney. Quelle est la quatrième personne qu’il identifie? Son épouse, Nathalie Dorion!

13002aNathalie contredit formellement son mari. Dans une déposition assermentée, datée du 2 avril 1822, Nathalie Dorion contredit formellement ce qu’affirme Patrick Gilroy. Elle déclare qu’elle était bel et bien dans l’appartement de son mari, lors du cambriolage avéré. Qu’il s’agit d’un petit appartement, qu’il n’y a eu aucune effraction et que rien n’a été subtilisé. Elle prend soin de signer : « Nathalie Dorion, wife of P. Gilroy »! 

Nathalie est enceinte. On peut émettre l’hypothèse que le couple ne vit plus sous le même toit ou que, si tel est encore le cas, cela ne saurait durer! Or ils ne sont mariés que depuis deux mois! Qui plus est, Nathalie est enceinte d’un fils, qui naîtra huit mois plus tard le 27 novembre 1822. Prénommé Patrick comme son géniteur, il sera baptisé selon le rite anglican. Ses parrains sont Thomas Cary (mari de Mary-Ann Dorion) ainsi qu’un dénommé Hamilton. On remarque que Patrick Gilroy, le père de l’enfant, ne signe pas l’acte de baptême. D’ailleurs dans le corps du texte, on le désigne comme formerly donc « autrefois » de Québec. Il n’était vraisemblablement pas sur place lorsque Nathalie a accouché de leur fils.

1304Mais où est passé le docteur Gilroy? Le 15 décembre 1823, Nathalie Dorion fait rédiger par le notaire Louis Panet un acte notarié, qualifié d’acte de « notoriété », relativement à l’absence prolongée de son mari, dont on est sans nouvelles depuis septembre 1822. Qu’est-ce qu’un acte de notoriété? Un document par lequel un officier public recueille des témoignages en vue d’établir une circonstance ou un fait matériel qu’une grande quantité de personnes ont pu constater ou dont elles ont pu avoir connaissance. La particularité de ce document est qu’il est rédigé à partir des affirmations de témoins dûment assermentés.

Les marchands Adolphus Sarony et William Down ainsi que John Cannon, maître-maçon, affirment sous serment devant le notaire Louis Panet que : « … dans le courant du mois de septembre de l’année dernière 1822 le dit John Patrick Gilroy est tout à coup disparu sans que l’on sache ce qu’il est devenu n’en ayant entendu aucunes nouvelles depuis. Qu’il y a tout lieu de croire, et c’est la commune renommée, que le dit John Gilroy a quitté la province sans laisser aucun procureur ni aucune personne pour administrer ses affaires. Dont et de quoi la dite Nathalie Dorion nous ayant requis acte, nous lui avons octroyé le présent pour lui servir en temps et lieu ».

Le tout donne clairement à penser que Patrick Gilroy a fui Québec et une épouse trop encombrante. On constate d’ailleurs que le nom du docteur Gilroy ne figure plus au Quebec Almanac des années 1823 non plus que dans les éditions des années subséquentes. Il a complètement disparu des radars. Il n’est plus à Québec.

Il s’est effectivement écoulé quinze mois entre la disparition avérée de Patrick Gilroy et la date où sa femme fait enregistrer cet acte de notoriété. De quoi a-t-elle vécu depuis la disparition de son mari, puis la naissance de son fils? On peut imaginer que les membres du clan Dorion, en particulier sa tante Marie-Anne, l’ont aidée financièrement. Or justement celle-ci vient de décéder, le 7 décembre 1823. Les astres ne semblent pas alignés pour la jeune femme.

Nathalie Dorion se retrouve ainsi seule pour élever leur fils, Patrick fils. Son mari ne remettra jamais les pieds à Québec, et pour cause : il a refait sa vie aux États-Unis, à Washington. Et il semble ne plus vouloir jamais entendre parler de sa femme, Nathalie. C’est bien mal connaître cette dernière!

Consultez l’arbre généalogique des Dorion
Consultez le tableau des descendants de Pierre Dorion et de Jane Clarke
131 - La saga Dorion-Gilroy

 

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