Trois génération d’imprimeurs et Marie-Anne Dorion (2 de 3)
Le fils Cary reprend le flambeau. On a décrit au chapitre 124 Thomas Cary père, être polyvalent, érudit, francophobe, imprimeur et fondateur du Quebec Mercury. Mais c’est son fils, prénommé lui aussi Thomas, qui deviendra un acteur-clé de l’expansion de l’imprimerie, beaucoup plus que son père. Et qui saura nouer de véritables partenariats avec d’autres imprimeurs de renom, Desbarats et Neilson, qui avaient les reins plus solides que lui au plan économique. Qui était ce Thomas Cary fils?
Thomas Cary fils : mère inconnue. Thomas Cary fils était né le 7 mars 1787 à Québec. On ne sait pas qui était sa mère biologique. Son père, Thomas Cary, s’était uni à Jane Oliver, le 20 avril 1795, à Québec, selon le rite anglican. Était-elle la mère biologique de Thomas fils? On l’ignore. Thomas fils épousera la plus jeune des filles du couple Dorion-Clarke, Marie-Anne, le 27 décembre 1817. Nous parlerons d’elle, du couple qu’ils formeront et de leurs enfants au chapitre 127.
Un « Tory » modéré resté fidèle à l’Angleterre. Thomas Cary fils ne fut jamais un polémiste virulent comme son père. Mais il en partageait néanmoins les mêmes valeurs et s’identifiait à la communauté britannique et protestante de Québec.
Selon la notice biographique qui lui est consacrée dans le Dictionnaire biographique du Canada en ligne, il avait participé à la guerre de 1812 qui opposa les Américains et les Britanniques (aucune référence n’est indiquée). Plusieurs affrontements entre belligérants se déroulèrent en sol canadien et même à Québec. Il se rangea à n’en pas douter du côté des Britanniques!
Libraire et imprimeur avant tout. Thomas Cary fils sera davantage intéressé, du moins dans sa jeunesse, par son métier de libraire et d’imprimeur que par les affaires. Il fera sa carrière au Quebec Mercury, fondé par son père, d’abord comme typographe puis comme responsable de l’impression, laquelle représentait des revenus appréciables parce que l’imprimerie familiale aura comme client l’administration gouvernementale qui fera à un moment affaire presqu’exclusivement avec les Cary. Thomas deviendra finalement le directeur du journal à la retraite de son père, en 1823. Il en cédera la direction à son fils, George Thomas, en 1855.
Québec, berceau de l’imprimerie au Canada. Le nom de la famille Cary est lié au développement d’une industrie qui revêtira une importance majeure dans l’essor économique du Canada : le secteur de l’imprimerie. La ville de Québec deviendra, mais après la Conquête, un haut lieu de cette industrie. L’historien Claude Galarneau, dans un article sur le sujet, n’hésite pas à qualifier Québec de « berceau de l’imprimerie et longtemps la première ville imprimante au Canada, avant qu’elle ne cède le pas à Montréal et Toronto » (Claude Galarneau, Les métiers du livre à Québec (1764-1859), Les Cahiers des dix, no 43, 1983, pp. 143-165, accessible sur http://www.erudit.org/revue/cdd/1983/v/n43/1015547ar.pdf).
Un essor remarquable. Sous le régime français, les autorités ne permettaient pas l’importation de matériel d’imprimerie, notamment l’acquisition de presses. Tout changera sous le régime britannique. Deux imprimeurs anglophones, et américains de surcroît, William Brown et Thomas Gilmore, de Philadelphie, ouvriront dès 1764 des ateliers d’imprimerie à Québec. Situés d’abord rue Saint-Louis, leurs ateliers seront déménagés Côte de la Montagne. Ils y demeureront jusqu’en 1855 et seront rapidement suivis par d’autres : Sinclair, Cowan, Fréchette, Germain, Côté, Crémazie, Brousseau et bien sûr Cary, Neilson et Desbarats.
Une activité de production intense. L’historien Claude Galarneau a répertorié pas moins de 365 personnes (incluant les imprimeurs, typographes, pressiers, relieurs, graveurs, maîtres imprimeurs et apprentis) qui, de 1764 à 1859, feront rouler cette activité.
Les ateliers seront concentrés rue Saint-Pierre, Côte de la Montagne, rue Buade, Côte de la Fabrique, puis rue Saint-Jean. Même les imprimeurs qui avaient d’abord ouvert leur entreprise dans la Basse-Ville déménagent vers la Haute-Ville. Le quartier deviendra le haut-lieu de l’imprimerie à Québec. Un véritable boum économique… en plein cœur du fief des Dorion!
Cary s’associe à John Neilson et à Pierre-Édouard Desbarats. Le métier d’imprimeur était complexe et soumis à bien des aléas. Il fallait fréquemment s’adresser à la justice pour se faire payer. Les associations économiques avec d’autres étaient porteuses. Thomas Cary fils nouera donc des liens d’affaires avec les deux leaders du domaine, John Neilson et Pierre-Édouard Desbarats. Ils seront partenaires durables ou épisodiques, implicites ou explicites, selon les circonstances.
John Neilson (1776-1848) était né en Écosse et avait immigré au Canada en 1791. Il s’avérera un homme d’affaires avisé qui fera rapidement fortune dans l’impression de textes juridiques émanant de l’État (projets de loi, textes des débats, proclamations, etc.) mais aussi dans celle de la Gazette de Québec, le plus important hebdomadaire à l’époque du Haut et du Bas Canada. Éditeur, premier imprimeur à Québec, libraire comme Cary, agriculteur, officier de milice et homme politique, il sera reconnu autant pour son implication dans la communauté, que comme homme d’affaires. Il cherchera activement à aider les autres, à trouver des compromis entre les deux communautés linguistiques. Il sera également un des acteurs marquants des événements de 1837. Ami et très proche de Papineau, il prendra ensuite ses distances du mouvement de révolte, qu’il juge menaçant pour les valeurs qui lui étaient chères.
Pierre-Édouard Desbarats (1764-1828), quant à lui, était né à Québec. Il débute sa carrière comme traducteur à la Gazette de Québec, dans l’atelier de John Neilson. C’est là qu’il apprend les rudiments du métier. Puis il démarre sa propre entreprise et en vient à occuper le deuxième rang, derrière Neilson, comme imprimeur à Québec. Il sera longtemps associé des Cary comme imprimeur du Quebec Mercury. Il fera également carrière comme marchand, fonctionnaire, propriétaire foncier, officier de milice et juge de paix. En 1798 Desbarats, et son associé Roger Lelièvre, sont nommés imprimeurs officiels des lois du Bas-Canada. Un touche-à-tout, comme Cary père. Mais essentiellement un francophile.
Un citoyen estimé et respecté. Thomas Cary fils s’impliquera à bien des égards dans la société de Québec et ce, sans soulever de passions négatives comme cela avait été le cas pour son père. Il se fera élire échevin aux élections municipales de Québec, en 1833, après avoir milité activement pour que cette ville obtienne un statut civil.
Il décédera le 16 janvier 1869. Les hommages qui lui sont alors rendus semblent témoigner de l’estime que ses concitoyens lui portaient. Le Morning Chronicle indiquait ainsi : « Journaliste plein de générosité et toujours prêt à rendre service, le défunt était en plus un bon et honnête citoyen. Grâce à ses bonnes manières, il sut se faire apprécier de toutes les classes de la société et il était un digne représentant de sa génération » .(Source : Dictionnaire biographique du Canada en ligne, aucune référence n’est fournie).
On ne dispose d’aucune illustration ou photo de Thomas Cary, fils.
En 1855, Il avait cédé à son fils, George-Thomas, les commandes du journal et de l’imprimerie. Une troisième génération d’imprimeurs chez les Cary.
Consultez l’arbre généalogique des Dorion
Consultez le tableau des descendants de Pierre Dorion et de Jane Clarke