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124 – THOMAS CARY, beau-père de Marie-Anne Dorion

Trois génération d’imprimeurs et Marie-Anne Dorion (1 de 3)
UNE PREMIÈRE GÉNÉRATION D’IMPRIMEURS…

Un Tory pur et dur ainsi qu’un être fascinant. Marie-Anne, la cadette des filles du couple Dorion-Clarke, épousera un imprimeur réputé de Québec : Thomas Cary, fils de Thomas Cary, LE PÈRE! Un être complexe, partie prenante de l’establishment britannique et protestant, francophobe et fermement convaincu dans toutes ses fibres qu’il n’y a d’autre destin plus souhaitable pour les francophones d’ici que de s’intégrer au groupe anglophone. Un être qui ne craint pas la polémique et semble parfois même la rechercher! Un être détesté par les francophones d’ici, non sans raison.

Un homme original et érudit. Le moins qu’on puisse dire est que Thomas Cary est polyvalent et a une personnalité assez relevée. Né à Bristol, en Angleterre, vers 1751, arrivé en Amérique à une date au sujet de laquelle les historiens ne s’entendent pas, c’est un homme très cultivé, un érudit, qui tâtera un peu de tout : commerce, littérature, journalisme, fonctionnariat, politique et même le droit. Un être inclassable, à bien des égards.

Une bibliothèque de prêt et une librairie. Ses débuts à Québec sont difficiles. Il se lance en affaires mais fait faillite. Puis il se trouve un emploi de commis de bureau dans une officine gouvernementale pour un salaire modeste. Voilà qu’en septembre 1797 il ouvre une bibliothèque de prêt, qui a pignon sur rue dans la rue Saint-Louis. Il y vend des livres en anglais, qu’il fait venir directement d’Angleterre. Les affaires vont bien. En 1798, il ajoute une salle de lecture au deuxième étage de son commerce. Les abonnés peuvent y consulter des périodiques européens, américains ou canadiens. Comme il éprouve des problèmes d’approvisionnement en livres français, il place des annonces dans la Gazette de Québec afin de racheter des livres de particuliers. Mais il doit se rendre à Paris, durant l’été 1799, pour y acquérir des publications en langue française, ce qui reflète bien son intérêt pour la littérature et les écrits divers, qu’ils soient ou non anglais d’origine. Il ajoute bientôt une petite librairie à sa bibliothèque de prêt. Il y offre des articles de bureau et de la papeterie.

12401Passionné de théâtre… Thomas Cary père adore le théâtre. Il sera de la distribution des pièces que présente le théâtre Patagon, situé dans une maison de la côte de la Canoterie, dans le Vieux-Québec. Ce théâtre verra le jour en 1804 mais fermera ses portes quelques mois plus tard. Pierre-Georges Roy indique que Thomas Cary: «  …était un acteur amateur de grands talents (sic). Il fut, pendant toute l’existence du Théâtre Patagon, le principal et peut-être le plus populaire des acteurs. (…) Son but était de faire aimer le théâtre. » (P.G. Roy, Bulletin de recherches historiques, volume 42, Lévis 1936, 768 pages, p. 300).

Un poète investi d’une mission. Cary publie à Québec, chez les imprimeurs Gilmore et Brown et à compte d’auteur, en mars 1789, un poème fleuve, comportant 587 vers rimés, et intitulé Abram’s Plains : a poem. Ce long texte suscita beaucoup d’agacement chez les francophones érudits lors de sa parution et fut vite rangé aux oubliettes. Il en alla autrement chez les anglophones. Première oeuvre jamais publiée è Québec, le poème, encore aujourd’hui, fait l’objet d’analyses poussées par les historiographes, qui considèrent que sa publication constitue une première dans l’histoire de la littérature anglophone d’ici.

12402Thomas Cary devient secrétaire-particulier du gouverneur du Bas-Canada. En 1798, tout en continuant d’exploiter son commerce, Cary est devenu secrétaire particulier du gouverneur du Bas-Canada, Robert Prescott, l’homme le plus puissant de l’appareil exécutif qui gère le Bas-Canada. Celui même à qui près de huit-cents citoyens, parmi lesquels Nicolas et Paul Dorion (ce dernier, père biologique de Jacques Dorion, voir chapitre 121 Qui étaient les vrais parents de Jacques Dorion?) adresseront une adresse de reconnaissance lorsqu’il quittera Québec (Voir chapitre 109 Une ascension professionnelle à une époque trouble).

La présence de Cary auprès de Prescott n’ira pas sans controverses. Il faut savoir qu’à l’époque les relations entre le Conseil législatif, dominé par des Britanniques, et la Chambre d’assemblée, où siègent les députés élus et majoritairement francophones, sont très tendues. Une polémique éclate au sujet des doutes que ses adversaires expriment quant aux capacités de Cary à occuper cette fonction. Par malchance pour lui, le gouverneur est rappelé en Angleterre en avril 1799. Cary se retrouve sans emploi fixe.

Robert Prescott
Robert Prescott était un officier de carrière qui avait défendu avec succès les intérêts et les possessions de l’Angleterre, lors de la rébellion des colonies américaines contre la métropole. Il avait ensuite été aux commandes de diverses opérations d’assujettissement des colonies de la Martinique, de la Barbade, de Sainte-Lucie et de la Guadeloupe, où il fera sa marque. Le gouverneur Prescott avait roulé sa bosse et démontré une loyauté indéfectible à sa mère patrie. On lui reconnaissait une vaste expérience militaire, un sens élevé du devoir, beaucoup d’honnêteté malgré ses prises de position tranchées. Et un très mauvais caractère. Source : Wikimedia Commons, dans le Dictionnaire biographique du Canada en ligne.

Conseilleur juridique ou avocat? Thomas Cary se cherche du travail et tâte alors du droit, en devenant plus ou moins conseiller juridique. Mais avec un succès mitigé. Il fait paraître dans la Gazette de Québec du 29 août 1799 un avis en anglais et en français dans lequel il fait état et ce, de façon explicite, de ses difficultés à se faire accepter par ses pairs tout en sollicitant des clients. Le message est pour le moins confondant, d’autant que, comme l’explique Pierre-Georges Roy, Cary ne fut jamais réellement admis au barreau: « Le soussigné rencontrant, pour le présent, quelques obstacles à être admis régulièrement comme Avocat à Québec, offre, en attendant, ses services au public, comme agent pour gérer les affaires de loi, et autres, et donner ses avis tant en Cour et Hors Cour. Les personnes disposées à lui confier leurs affaires, peuvent être assurées qu’il fera tous les efforts pour amener leur cause à une issue prompte et heureuse, et compter sur la fidélité et la diligence dans toute autre transaction . Thomas Cary, Procureur et Conseil en Loi. » (Pierre-Georges Roy, les avocats de la région de Québec, Lévis 1936, 487 pages, p. 77 ).

12403Candidat aux élections de la Chambre d’assemblée. Thomas Cary s’essayera à la politique en 1800 en se portant candidat aux élections de la Chambre d’assemblée, dans le district de Québec. Il fait paraître dans La Gazette de Québec une annonce à l’intention des électeurs, sollicitant leur appui, le 5 juin 1800. Il est battu.

Cary devient encanteur et courtier. Dans les années 1800, il devient encanteur et courtier et fait imprimer 150 exemplaires d’un prospectus bilingue dans lequel il fait la promotion de ses activités. Il fait insérer régulièrement dans la Gazette de Québec de la publicité. Il vend essentiellement de l’ameublement de maison mais également des marchandises sèches et même des propriétés! Le commerce est situé rue Saint-Louis, puis il le déménage rue Sainte-Anne, qui est une rue parallèle à Buade.

Cary devient imprimeur et fonde le Quebec Mercury. Mais Thomas Cary père est surtout connu pour avoir fondé le Quebec Mercury, un journal hebdomadaire dont le premier numéro paraît le 5 janvier 1805, et qui paraîtra jusqu’en 1863. On y aborde des questions de nature économique et politique, mais avec un biais avoué à l’égard de l’establishment britannique et protestant, et une francophobie non dissimulée qui sera à l’origine de la création du journal Le Canadien (1806-1893).

12405Le journal, qui paraît ensuite deux fois la semaine, puis trois fois, est un amalgame d’articles à saveur polémique et éditoriale, d’analyses de nature économique, d’annonces de toutes sortes, tant mondaines qu’économiques. C’est grâce à la publication de ces annonces que le journal fait ses frais. Mais c’est surtout un organe de défense du torysme dans sa forme la plus intransigeante. Au fond, pour les francophones, ce journal représente l’ennemi. Et Cary est celui qui défend l’ennemi et, souvent, l’indéfendable. Le Québec Mercury sera publié jusqu’en 1863, le fils et le petit-fils de Thomas Cary ayant pris les commandes du journal lors de la retraite de Thomas père.

Un imprimeur introuvable! Cary se lance dans l’imprimerie, à un moment que je n’ai pu déterminer, à l’instar de John Neilson et de Pierre-Édouard Desbarats. Mais c’est surtout son fils, Thomas, dont nous parlerons au chapitre 125, qui fera croître et prospérer leur commerce.

Cary père se retrouvera au cœur d’un litige particulièrement acrimonieux qui l’opposera à la Chambre des députés du Bas-Canada. Il est en effet sommé par cette dernière, en janvier et février 1813, de comparaître devant elle, pour répondre de certains propos insidieux qu’il aurait fait paraître dans le Quebec Mercury. Il se défile et il demeure introuvable pendant plusieurs jours. Or l’impression de certains projets de loi est sous la responsabilité de son entreprise.

La tension monte. Où est-il? Pourquoi se cache-t-il? Il réapparait soudain et fait paraître un article, dans son journal, se disant de retour d’un voyage d’affaires à l’extérieur. Il y exprime son regret d’être arrivé trop tard « pour avoir l’honneur de comparaître devant la Chambre » et qu’ « il est plutôt embarrassé de voir que sa présence aurait pu être utile aux députés pour les aider à préparer les lois ».

Personne n’est dupe.

Une session prorogée. Il en résulte que la session est prorogée brusquement et que des projets de loi jugés importants par et pour les Canadiens français, dont un qui portait sur des amendements à la loi de la milice pour que les miliciens de langue française puissent recevoir leurs ordres en français, ne peuvent être adoptés.

Le beau-père de Marie-Anne Dorion. Voilà donc le chef de la famille dans laquelle Marie-Anne Dorion s’insère. On ignore tout de lui comme père de famille, mari et beau-père. Mais on comprend aisément que Cary, l’homme public, était loin d’être populaire surtout auprès des francophones, qu’il avait un don pour mettre le feu aux poudres et qu’il pouvait se défiler quand cela le servait! Le personnage était antipathique à bien des égards. Il desservait par ses attitudes et ses prises de position la recherche honnête et objective d’une paix négociée entre francophones et anglophones. Et exacerbait les passions négatives. Était-ce par fourberie? Il semblerait que non.

Consultez l’arbre généalogique des Dorion
Consultez le tableau des descendants de Pierre Dorion et de Jane Clarke
125 - THOMAS CARY fils, une deuxième génération d'imprimeurs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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