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123 – Julie Dorion épouse Bernard Murray… A curious story…

 Julie, Marie-Anne et Nathalie Dorion, of course… (2 de 4) 

Julie, la benjamine des filles du couple Dorion-Clarke. Elle naît le premier décembre 1801 et est baptisée le jour même. On indique sur l’acte de son baptême que son parrain est Joseph Mathon, dont je n’ai pu retracer la filiation avec les Dorion. Sa marraine est Marie-Angélique-Julie Dorion, tante paternelle de l’enfant, mariée à Étienne Gauvin, et propriétaire d’un commerce Côte de la Fabrique. Le couple n’a pas d’enfants.

On indique également que le père de l’enfant a signé l’acte de baptême. On se rappellera que deux ans plus tard, le jour même de la naissance de son fils Joseph, soit le 30 juin 1804, Pierre Dorion sera interné dans les loges de l’Hôpital-général de Québec et y décédera en 1810.

Julie Dorion ne gardera sans doute aucun souvenir de ce père trop tôt disparu. Par qui fut-elle élevée? Par sa tante Marie-Angélique ou par sa tante Marie-Anne Dorion? Dans le recensement paroissial de 1818 il est indiqué que Julie habite chez cette dernière, ainsi que Jacques (voir chapitres 120 à 122 inclusivement) dont on sait maintenant qu’il était non pas son frère mais son cousin.

12303Un beau mariage, le 5 août 1828. Julie Dorion épouse à Québec, le 5 août 1828, selon le rite catholique, un médecin-chirurgien originaire du comté de Londonderry, Irlande, le docteur Bernard Murray. Lui-même fils d’Edward Murray et de Bridget Townhill. Bernard est donc irlandais comme Jane Clarke, sa belle-mère. Un beau parti, assurément. Selon l’acte de mariage, c’est le coadjuteur de l’archevêché de Québec qui procède à la cérémonie en présence de plusieurs membres de la famille : Étienne Gauvin, mari de la marraine de Julie; Peter Dorion et François Dorion, frères de Julie; et Thomas Cary, son beau-frère puisque celui-ci a épousé la sœur de Julie, Marie-Anne, dont nous parlerons aux chapitres 124 et 125.

Un contrat de mariage en anglais… mais selon la coutume de ParisLes astres semblent bien alignés pour cette femme qui, selon les critères de l’époque, n’était plus une jeune femme puisqu’elle approchait de la trentaine.

Le 2 août, le notaire Panet s’était rendu au domicile de Thomas Cary, époux de Marie-Anne, sœur de Julie, pour procéder à la signature du contrat de mariage des deux futurs époux. Le contrat était rédigé en anglais. Mais les deux signataires convenaient de s’unir selon la coutume de Paris, et sous le régime de la communauté de biens.

Qu’était la coutume de Paris? Le Code civil de la Nouvelle-France, la transposition exacte d’un cadre juridique importé de France et qui remontait au XVe siècle. La coutume de Paris était appliquée depuis les débuts de la colonie et encadrait des domaines aussi importants que l’organisation des familles, la transmission des biens, les recours en cas de dettes et la tenure des terres. Des règles extrêmement codifiées et balisées qui protégeaient essentiellement les intérêts des femmes et des enfants. Les Britanniques d’ici, en particulier les marchands, choisissaient en général se soustraire à la coutume de Paris, y préférant la common law britannique.

Qu’un Irlandais accepte de se marier sous le régime de la coutume de Paris semblait donc indiquer une attitude bienveillante à l’égard de sa future épouse et un souci de se conformer aux règles de la société d’ici.

Des balises pour protéger une femme manifestement aveuglée par l’amour? Le texte du contrat de mariage mérite qu’on le parcoure.  L’article 5 contient en effet des balises qui, en cas de dissolution du mariage, permettront à Julie Dorion de sauver la mise.  Il lui sera alors loisible, et parfaitement légal, de reprendre tous les biens qu’elle a versés à la communauté de biens, incluant un montant considérable de 1 000 livres, ainsi que tous les biens dont elle aurait pu hériter depuis son mariage, ainsi que le douaire et le preciput versés par son mari, Bernard Murray. 

Précaution prémonitoire? Une mention à caractère prémonitoire termine ledit article 5 : il y est précisé que la mariée ne sera en aucun cas solidairement imputable des dettes que pourrait contracter son futur mari. Une question surgit : quel homme était donc ce Bernard Murray? Un homme réellement épris de sa future épouse? Un gigolo qui avait flairé la bonne affaire? Un escroc? Les enchères sont ouvertes!

12305La mariée, quant à elle, était peut-être aveuglée par l’amour. Ses proches de la famille Dorion l’étaient sans doute moins et avaient probablement flairé l’arnaque. Ce qui pourrait expliquer les termes de l’article 5 du contrat de mariage, qui semblaient inclus expressément dans le texte du contrat de mariage pour la protéger en cas de désastre financier. D’ailleurs le contrat de mariage avait été conclu et signé dans la demeure de Thomas Cary, beau-frère de Julie Dorion, un imprimeur connu et homme d’affaires avisé, qui agissait comme témoin, de même que sa jeune épouse à lui et sœur de Julie.

Coup de théâtre le 3 février 1829. Changement complet de registre : le 3 février 1829 Julie Dorion, qui se fait maintenant appeler indistinctement Julie ou Julia Dorion, s’adresse à la Cour du banc du Roi afin d’obtenir la séparation de biens d’avec son mari, Bernard Murray. Elle n’est mariée que depuis six mois!

Dans sa requête, rédigée par le notaire Panet, Julia Dorion fait valoir que depuis leur mariage Bernard Murray « n’a cessé de contracter des dettes, de s’immiscer dans de mauvaises affaires, qu’il est « constamment assigné judiciairement », « qu’il est dans un état d’insolvabilité » et que finalement les « reprises et conventions matrimoniales de la dite Julia Dorion sont en péril ».

Elle produit comme preuves à l’appui de sa démarche les affidavits signés par les nombreux créanciers de son mari : John Miller, Michael Nash, James McClure, John Mellen, Thomas Bethel ainsi que Thomas Conrad Lee, dont Bernard Murray était le locataire. Ils affirment tous que Bernard Murray leur doit de l’argent. Bernard Murray lui-même est assigné à comparaître et reçoit un avis des hussiers, le 3 février, mais il fait défaut de comparaître à deux reprises.

Le notaire Panet en rajoute en déposant, le 14 février, un affidavit dans lequel il affirme croire, au sujet de Bernard Murray, « sincèrement qu’il est dans un état de déconfiture ».

12306Le dossier, dont j’ai pu consulter l’original, comporte une quinzaine de documents, dont la plupart sont des affidavits signés par les témoins appelés par la plaignante à témoigner de la non-solvabilité de son nouvel époux. Un huissier, du nom de Joseph Moulin, dépose même un affidavit dans lequel il affirme avoir été chargé par le shérif de Québec de procéder à la saisie de biens chez l’intimé, ce qui ne devrait rapporter que vingt ou trente livres selon l’estimé qu’il en fait.

Julie Dorion obtient finalement gain de cause, le 4 avril 1829 et obtient la séparation de biens d’avec son mari. Espérons qu’elle put ultimement récupérer ce qui restait des 1 000 livres qu’elle avait mises dans cette aventure matrimoniale!.

Ah! L’amour toujours l’amour. Le docteur Murray avait quitté Québec, à une date que je n’ai pu déterminer. Mais le lundi 25 juin 1832, il faisait paraître dans le Northern Whig, un journal irlandais de Belfast, une annonce où il se présentait comme chirurgien et faisait la promotion d’une concoction d’eau minérale, de son cru, et qu’il vendait à ses bureaux, situés au 21 High Street. Il devait décéder dans son pays natal, quelques années plus tard, le 21 mai 1834, à l’âge de trente-cinq ans. On ignore de quoi il mourut.

Un avis nécrologique parut dans le Belfast Chronicle du 28 mai de la même année, et que cite le généalogiste Roland-J. Auger, demeure muet sur les causes de son décès mais ne tarit pas d’éloges au sujet du jeune médecin. Ce texte semble en contradiction flagrante avec l’impression, fort négative, que l’on avait gardée de son séjour à Québec. On le décrit comme particulièrement humain et dédié à ses patients.

Un élément m’a interpellée et m’a laissée songeuse : On précise que sa veuve est inconsolable! Où vivait-elle ce deuil : à des milliers de kilomètres, à Québec? Ou plutôt en Irlande? Je pencherais vers cette dernière hypothèse :  All ranks in the neighbourhood lament the loss of this gentleman, distinguished for humanity to the poor and for love to his profession… He has left a disconsolate widow.” ( cité dans French Canadian and Acadian Genealogical Review, « Genealogy and Family History, the Dorion Family in Canada”, éditions Quentin, Roland-J. Auger éditeur, 1971, vol. III, no 3, p. 171, note 10 de bas de page).

12307aOn ne trouve plus trace de Julie Dorion à Québec ou au Québec à partir de 1829. Nulle mention d’elle comme marraine dans les registres de baptême de ses neveux et nièces. Aucune preuve de son décès, malgré les nombreuses vérifications que j’ai effectuées dans les registres d’état civil. Elle est complètement disparue des radars. Du moins ici.

Je pose l’hypothèse que Julie Dorion avait suivi, ou rejoint, Bernard Murray en Irlande où elle avait elle-même pris racine et où elle serait décédée.

Non sans avoir récupéré ce qui restait de la dot qu’elle avait mise dans la cagnotte matrimoniale! Hypothèse improbable ou diabolique? Elle n’aura pas été la seule dans la famille à recourir au même stratagème : Nathalie, sœur de Julie et mon arrière-arrière-grand-mère, dont nous parlerons plus loin, poursuivra elle aussi en justice Hugh O’Neill, son deuxième mari, afin d’obtenir la séparation de biens. On la retrouvera quelques années plus tard installée avec lui à Natchez, au Mississippi! Elle ne reviendra jamais à Québec.

J’ai suivi Nathalie jusqu’à Natchez, parce que je voulais savoir ce qu’il était advenu de sa fille, Mary-Ann, mon arrière-grand-mère. Pour Julie, j’ai déclaré forfait.

Une chose semble assurée : les femmes Dorion avaient du caractère! Leur passion les menait-elle trop loin?

Consultez l’arbre généalogique des Dorion
Consultez le tableau des descendants de Pierre Dorion et de Jane Clarke
124 - THOMAS CARY, beau-père de Marie-Anne Dorion

 

 

 

 

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