Jacques Dorion, patriote de 1837 (1 de 3)
Jacques Dorion est le troisième fils du couple Dorion-Clarke. Il est aussi celui des trois fils du couple (François, Pierre et Jacques) qui se distinguera aux plans historique et social.
La date de sa naissance est demeurée jusqu’à maintenant inconnue car l’acte de sa naissance n’a pas été retrouvé par ses biographes, qui posent l’hypothèse, à tort, qu’il serait le fils de Pierre Dorion et de Jane Clarke et qu’il serait né vers 1797. On le retrouve inscrit au Petit Séminaire de Québec, de 1810 à 1816, où il semble avoir brillamment réussi. On note dans le recensement paroissial de 1818 qu’il habite chez sa tante, Marie-Anne Dorion, la dame aux latrines, rue Buade (Voir chapitre 110 Marie-Anne Dorion, un sacré caractère).
Un homme qui a réussi. La fiche qui lui est consacrée dans le Dictionnaire biographique du Canada en ligne indique qu’il « présente un bel exemple d’ascension sociale au XIXe siècle. Fils de boucher, il peut faire des études classiques et même se rendre en France apprendre la médecine». Ses biographes le décrivent comme médecin, député, fondateur de la Société Saint-Jean-Baptiste de Saint-Ours, comté de Richelieu, et un des protagonistes de la Rébellion de 1837. Ce qui est effectivement le cas. Ceux qui l’ont côtoyé saluent unanimement sa noblesse de cœur et son intégrité.
Des études en vue de devenir médecin. À l’époque, comme il n’existait pas encore de faculté de médecine au Canada français, quiconque souhaitait devenir médecin devait avoir été accepté comme stagiaire par un médecin, qui assurait sa formation théorique et pratique. Une fois ledit stage terminé, ce sont les autorités civiles qui délivraient le permis d’exercice de la médecine. De 1817 à 1821, Jacques Dorion passera cinq ans auprès du renommé docteur Charles-Norbert Perreault.
Puis il sera du premier groupe de Canadiens à effectuer un stage de médecine en France sous la direction de Guillaume Dupuytren et Marie-François-Xavier Bichat. Certains prétendent qu’il y aurait séjourné de 1816 à 1822, ce qui est inexact. Son stage n’aura duré que douze mois.
Jacques Dorion devient médecin. De retour au Canada en 1822 il adresse au gouverneur général du Bas-Canada, George Dalhousie, une requête en vue d’obtenir le droit de pratiquer la médecine. Sa requête est acceptée sur la foi des recommandations des médecins examinateurs choisis par les autorités.
Installation à Saint-Ours, dans la région du Richelieu. Devenu médecin, Jacques Dorion s’installe dans la région du Richelieu. Pourquoi là et pas ailleurs? Parce qu’il y avait de la famille. Son grand-oncle paternel, Noël Dorion, boucher de son métier et époux de Barbe Trudel, avait déménagé avec toute sa famille à St-Charles-sur-Richelieu vers 1781 puis à Saint-Antoine-sur-Richelieu, où il passa le reste de sa vie.
Comme l’indique Roland-J. Auger, dans son long article consacré aux Dorion dans un numéro spécial de la French Canadian and Acadian Genealogical Review, déjà cité précédemment, les deux branches Dorion, celle de la région du Richelieu et celle de Québec, demeurèrent en contact et ce sur plusieurs générations. Ainsi, Charles Dorion, fils de Noël et de Barbe Trudel, un prospère marchand installé à Saint-Antoine, était devenu prématurément veuf suite au décès de son épouse bien-aimée, Marguerite Panneton. Se retrouvant seul avec un fils Charles, né en 1801, et une fille, Julie, née en 1808, il avait confié cette dernière aux Dorion de Québec. Le recensement paroissial de 1818 nous indique que Julie habitait chez sa tante Marie-Anne Dorion, tout comme Jacques, son cousin.
Julie s’attacha beaucoup à sa famille adoptive, tout en conservant des liens tendres et affectueux avec son père, installé maintenant à Sainte-Anne de la Pérade, et avec son frère Charles. Dans une lettre adressée à ce dernier, en mai 1822, et que cite Roland-J. Auger, Julie mentionne que le docteur Jacques est parti étudier en France.
Un beau mariage. Jacques Dorion épouse, le 30 juin 1824, Catherine-Louise Lovell. Un très beau parti. Catherine est en effet la fille de feu Jacques- Edmont Lovell et de feue Josephte-Catherine Murray, et également la nièce du seigneur Charles-Louis-Roch-de-Saint-Ours, dont le fils, prénommé François lui aussi, deviendra un des grands amis de ce jeune médecin. Comme on le voit sur l’Acte de mariage, c’est son frère présumé, Pierre Dorion, qui agit comme témoin. Pierre épousera d’ailleurs quelques années plus tard Cordélia, la sœur de Catherine-Louise (Voir chapitre 118 Peter Dorion, des sommets jusqu’à la déchéance).
Les seigneurs de Saint-Ours. Au moment où Jacques Dorion s’y installe, Saint-Ours est un minuscule village qui ne compte que quelques centaines d’habitants, un manoir seigneurial et une seule rue « principale ». Les historiens de l’époque se plaisent à décrire la bonté des seigneurs des lieux qui avaient veillé au bonheur et au bien-être de la population. La nostalgie et l’enflure dans la description succombent à ce penchant de se donner une histoire « noble », à défaut d’en avoir eu réellement une, comme c’est le cas de l’abbé Azarie Couillard-Després, dans son Histoire de Saint-Ours: « … à quelques pas de l’église, l’antique manoir seigneurial, aux murs gris, aux fenêtres larges et basses, s’élève au centre d’un vaste domaine, et garde la cachet de son antiquité. Oh! Le vieux manoir, que de souvenirs il évoque! Il est assurément pour notre paroisse l’un des rares monuments qui renferment toute notre histoire locale. Il rappelle à la génération présente les noms glorieux des de Saint-Ours, nobles et fiers chevaliers, qui ont rendu tant de services à la cause du roi Très chrétien, à l’Église, et dans une époque plus rapprochée de nous, à la race canadienne-française. Ils sont loin ces jours où les appartements si hospitaliers du vieux manoir, les vastes salons princièrement meublés, recevaient une société brillante et distinguée. Les nobles canadiens, alors au faîte des honneurs, aimaient à visiter les châtelains de Saint-Ours, dont l’hospitalité fut toujours, même en ces derniers temps, bienveillante et cordiale. » ( Azarie Couillard-Després, Histoire de Saint-Ours, sans mention d’éditeur, Montréal, 1917, 473 pages, p. 19).
Un village prospère grâce au transit fluvial. Ce beau village « endormi », comme l’écriront certains, brille alors d’un éclat qu’on ne lui connaît plus aujourd’hui. Érigé sur la rivière Richelieu, à douze milles de Sorel, la nature y est agréable et le sol extrêmement fertile. On y a longtemps vécu du trafic du blé, du foin et d’autres denrées. Le transit fluvial était le mode de transport commercial de l’époque. Les navires et plus de cinquante goélettes en grand nombre y accostaient pour embarquer les marchandises qui étaient acheminées vers Montréal. Le village comptait plusieurs pilotes de goélettes qui travaillaient à leur compte. Les habitants de la région venaient à Saint-Ours vendre leurs produits. Il s’agissait d’un village prospère, avec son marché public et un palais de justice qui accueillait la Cour itinérante et ses notables, dont le docteur Dorion.
Au début du vingtième siècle, une ligne de bateaux assurait encore le service deux fois par semaine, durant la belle saison, entre Montréal et les paroisses du Richelieu.
Le développement du chemin de fer change la donne. Avec la construction du chemin de fer dit du Grand Tronc, qui allait relier Montréal à Richmond, le développement des Cantons-de-l’Est explosera, au détriment de la vallée richeloise. L’auteur Couillard-Després narre, avec une pointe de dépit fort légitime, les tergiversations des habitants des paroisses de la vallée du Richelieu, qui s’étaient vus offrir la possibilité d’investir dans la construction d’un chemin de fer qui aurait été établi entre Chambly et Sorel. On exigeait de la municipalité de Saint-Ours une contribution de 10 000 piastres. La contribution totale pour les agglomérations avoisinantes s’élevait à 125 000 piastres. Un autre projet, destiné à relier Saint-Jean et Sorel, et qui aurait transité le long du Richelieu, fut également rejeté par les municipalités concernées.
Saint-Ours était destiné à demeurer un village dont l’aura diminuerait comme une peau de chagrin. Beau, champêtre, calme. Les événements de 1837 allaient cependant colorer de façon déterminante les contours qui le définissaient. Et Jacques Dorion allait y jouer un rôle prédominant.
Consultez l’arbre généalogique des Dorion
Consultez le tableau des descendants de Pierre Dorion et de Jane Clarke