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118 – Peter Dorion, du sommet jusqu’à la déchéance

Naissance à Québec en 1796.  Le deuxième fils du couple Dorion-Clarke est Pierre, ou Peter. Il naît à Québec le 18 septembre 1796 et sera baptisé le lendemain, en la paroisse Notre-Dame-de-Québec. Sa marraine est sa grand-mère paternelle, Nathalie Trudel. Son parrain est Nicolas Trudel, le frère de cette dernière, navigateur de son métier, jamais marié, et qui décédera le 27 juillet 1802 à Québec. L’un et l’autre apposent leur signature au bas de l’acte de baptême, ce qui indique à tout le moins qu’ils savaient lire et écrire.

Élevé par qui? Le jeune Pierre ne connaîtra à peu près pas son père, Pierre Dorion, interné depuis 1804. Il semble avoir été proche de son oncle paternel, Joseph Dorion, et de l’épouse de celui-ci, Marianne Cartier. D’ailleurs selon le Recensement de 1818, mené par la paroisse Notre-Dame-de-Québec, il habite chez cet oncle, Côte de la Montagne. Étudia-t-il au Petit Séminaire? Ou plutôt chez un précepteur anglophone, ce qui n’était pas rare à l’époque dans les familles de souche britannique ou irlandaise? Nul n’en sait trop rien. Une chose est sûre : il avait une certaine éducation et anglicisera fréquemment son prénom, surtout pour mener des opérations immobilières ou financières.

Marchand comme ses oncles et sa tante paternelle. Il deviendra commerçant, spécialisé dans la vente de marchandise sèche et de quincaillerie. Ses oncles paternels, Joseph, Paul et Nicolas, étaient également marchands de même que sa tante paternelle, Marie-Angélique, épouse d’Étienne Gauvin, qui se déclarait « marchande publique ». Il fera l’acquisition de propriétés dans le quartier de la basilique, à proximité de la rue Buade. Et sera partie prenante de la bourgeoisie marchande de Québec.

Peter Dorion épouse Cordélia Louise Lovell : un très bon parti. Pierre Dorion épouse, le 20 octobre 1830, en l’église catholique de Saint-Charles-sur-Richelieu, Cordélia Louise Lovell. Il a déjà trente-quatre ans, alors que sa jeune épouse n’en a que vingt-quatre. Cordélia est la fille de feu Jacques-Edmont Lovell et de feue Josephte-Catherine Murray, et surtout la nièce de Charles-Louis-Roch de Saint-Ours, seigneur de Saint-Ours, qui lui servira de témoin.

L’épouse de Pierre Dorion provient d’un milieu plus éduqué et cossu que celui dont il est lui-même issu. Comment fit-il sa connaissance? Sans doute grâce à son frère, Jacques Dorion, dont nous parlerons au prochain chapitre. Celui-ci avait épousé en 1824 Catherine, la sœur de Cordélia. Là encore, deux frères Dorion épousaient les deux sœurs!

Le jeune couple s’installe à Québec où Pierre s’est associé depuis 1826 avec un autre marchand de Québec, Charles Bouchard. Leur commerce de « hardware » est alors situé Côte de la Montagne, au numéro 22, selon le Quebec Directory de 1826. La résidence du couple est située rue Buade, au numéro 7. Le commerce sera déménagé quelques années plus tard rue Saint-Pierre. Cette artère était devenue le centre commercial et bancaire de Québec car elle était avantageusement située à proximité des quais et pouvait ainsi répondre aux exigences grandissantes du commerce maritime. Plusieurs marchands et notaires y avaient pignon sur rue, ainsi que la maison Trinité, une corporation dédiée à la défense des intérêts des pilotes du fleuve Saint-Laurent.

Des enfants qui décèdent les uns après les autres… Je constate que tout comme pour son frère François et son épouse Magdelaine, le couple Dorion Lovell est frappé par l’épreuve et perdra quatre des cinq enfants qui naîtront de leur union en bas âge. :

  1. Cordélia, décédée le 5 mars 1834 à l’âge de deux ans et enterrée à Québec. Son parrain est Joseph Dorion, l’oncle paternel de Pierre, et sa marraine la femme de celui-ci, Marianne Cartier, dont Pierre Dorion protégera les intérêts lorsqu’elle sera devenue veuve;
  2. Joseph-Pierre Gustave, décédé le 16 mars 1840 âgé seulement de cinq mois et sept jours. Son parrain est le docteur Jean-Zéphirin Nault et sa marraine, Louise-Caroline Durette, la femme de celui-ci;
  3. Marie-Anne Celina, née le 4 décembre 1841 et décédée le 19 août 1842. Le parrain de cette dernière est René-Édouard Caron, maire de Québec et conseiller législatif de la province.
  4. Jane Elmire Corinne, décédée le 20 novembre 1843 à l’âge de seize jours ( acte de baptême introuvable).

Seule Joséphine franchit le cap de la petite enfance. La seule à survivre jusqu’à l’âge adulte sera Joséphine-Marie-Louise, née le 25 mars 1837. Sa marraine est mademoiselle Joséphine Baby. Son parrain, l’Honorable Pierre Dominique Debartzch. Celui-ci, né en 1782 à Saint-Charles-sur-Richelieu, est un avocat, homme politique, officier de milice, grand propriétaire foncier et seigneur de la seigneurie de Saint-Charles. Après avoir milité aux côtés de Louis-Joseph Papineau et s’être rallié au mouvement de protestation contre le projet d’union du Bas et du Haut-Canada, il prendra ses distances du mouvement. Il avait épousé en 1815 Josephte de Saint-Ours, fille du seigneur de Saint-Ours et de Josephte Murray, nièce de l’ancien gouverneur James Murray. Au moment de la naissance de sa filleule, Joséphine, en 1837, Pierre Dominique Derbartsch s’apprête à être nommé au Conseil exécutif de la Chambre d’assemblée et est très près du gouverneur, lord Gosford, ce qui lui vaudra d’être condamné par le journal La Minerve, organe des patriotes.

On constate que pas une fois le nom de Jane Clarke, mère de Pierre Dorion, ne figure comme marraine des enfants. Et qu’au fur et à mesure des naissances chez ce couple, les parrains choisis sont de plus en plus des notables!

Peter Dorion suit de près ses affaires. De 1830 à 1850 environ, Peter Dorion investira dans l’immobilier mais jamais à grande échelle. Plus exactement il acquerra des propriétés qu’il mettra en location. Il n’était donc pas un propriétaire foncier et immobilier important et devait sans doute suivre ses affaires consciencieusement s’il voulait que les profits soient au rendez-vous. Ce qui explique sans doute qu’il enregistrera systématiquement les transactions dans des baux dûment signés devant les notaires Panet puis Sirois. À titre d’exemple :

  • Le 7 février 1838, il fait l’acquisition d’un immeuble situé rue des Pauvres, rebaptisée Côte du Palais ou Palace Street, et passe devant le notaire Panet pour signer les papiers ainsi que le transfert des titres de propriété. La vendeuse est une dame Charlotte Bleau, veuve d’un certain Louis Harper.
  • Il procède à la location de logements, tous situés Côte du Palais: Bail signé avec une dénommée Elizabeth Daly, proche de la famille Desbarats, qui est un associé des imprimeurs Cary; plusieurs baux signés avec des dénommés Taylor, Brown, Stillman. Bail signé en 1847-1848 avec un dénommé John Moore, tailleur. Il est précisé dans ce dernier acte de location que le coût du loyer s’élèvera à 18 livres, payables en quatre versements égaux et que le locataire aura accès aux toilettes communes.
  • Comme cela était souvent le cas lorsque le locataire était une femme, une veuve par exemple, on exigeait qu’une personne solvable signe en sus de la locataire, afin qu’une garantie soit fournie. Ainsi lorsqu’il signe un bail le 9 mars 1843 avec une dénommée Helen Teet, veuve de John Teet, pour une location d’un logement au coût annuel de 25 livres, c’est un apothicaire du nom de George Gamache, qui se portera garant.
  • Dans le cas de la location au dénommé John Moore, fait inhabituel, c’est le révérend Patrick McMahon, chapelain de la « Catholic Church », qui fournit la caution, bien que John Moore soit de sexe masculin!

Les actes notariés sont rédigés soit en anglais soit en français, selon la langue avec laquelle les signataires sont les plus à l’aise. Mais il semble entendu que Peter Dorion manie l’une ou l’autre langue avec aisance.

Des transactions liées au commerce de marchandises sèches et de quincaillerie. De nombreuses quittances, signées là encore devant le notaire Panet, touchent le commerce qu’il administrait conjointement avec son associé, P. Bouchard. Ainsi, en mai 1848, Pierre Dorion signera un bail avec un certain Jacques Blanchard, mais comme locataire cette fois, d’une cave qui se trouve derrière le magasin qu’il occupe rue Saint-Pierre. Il s’engage à acquitter toutes les charges rattachées à l’immeuble, à respecter les règlements municipaux et à s’assurer de faire ramoner les cheminées.

On trouve son nom mentionné dans les Rapports annuels du Trésorier de la Cité de Québec pour les années 1841, 1843, 1847, relativement à de la marchandise que la Ville a achetée de son commerce. Entre autres un « Butter Taster » pour le clerc du marché de la Basse-Ville, en 1843, au prix de 5 chelins. L’Instrument servait sans doute à vérifier la fraîcheur de cette denrée. En 1854 on trouvera mention de l’achat par le Ville de 3 verges de toile chez Dorion et Frère, au prix de 18 chelins.

Décès de Cordélia en janvier 1843. En janvier 1843, il avait loué de sa tante, Marianne Cartier, veuve de son oncle, une portion de la maison que celle-ci habitait côte de la Montagne. Était-ce pour accommoder sa femme, déjà fort malade? Pierre Dorion se retrouvera en effet veuf, suite au décès de Cordélia, survenu le premier décembre 1843, quelques jours seulement après de décès de leur troisième fille, Jane-Elmire Corinne. Elle n’était âgée que de trente-quatre ans. Elle sera inhumée dans la crypte du Monastère des Ursulines de Québec, ce qui semble indiquer qu’on lui vouait un certain respect. À moins que, plus prosaïquement, son mari n’ait fait un don substantiel à la communauté. Les archivistes de l’institution n’ont pu me confirmer ni l’une ni l’autre de ces hypothèses. Une notice nécrologique relative à son décès et parue dans le journal Le Canadien est ainsi rédigée : « This morning after a sickness of many months, suffered with a resignation of a real angel, Dame Cordelia Lovell, native of London,England, wife of Pierre Dorion, Esq. died at the age of 37. (…) Her husband and a child survive her ».

Peter Dorion ne se remariera pas. Il élèvera seul sa fille unique, Joséphine, qui fera ses études chez les Ursulines de Québec.

On le retrouvera comme témoin au mariage de ses sœurs, Marie-Anne, Nathalie et Julie, et au baptême de ses neveux et nièces de Québec. Il sera ainsi le parrain de Mathilda Julia Cary, fille de sa sœur Mary-Anne, née le 22 février 1825.

De gros ennuis financiers. À partir de 1842, les affaires semblent aller moins bien pour Peter Dorion. Il est devenu le débiteur de son frère, François, en août 1842. S’était-il endetté pour aider ce frère, désormais installé à Trois-Rivières et qui ne le remboursa vraisemblablement jamais? Une hypothèse qui semble tenir la route.

En effet, le 29 septembre 1842, il acceptait de son beau-frère, Joseph-Frédérick Allard, un homme d’affaires très à l’aise de la région du Richelieu marié à Elisa-Sara Lovell, sœur de Cordelia, une caution pour un prêt de 1 500 livres. Le contrat passé devant le notaire Alexandre Benjamin Sirois, le 29 septembre 1842, qualifié d’ « acte d’indemnité », précise que le Sieur Pierre Dorion, solidairement avec son épouse Cordélia, donne en garantie ses propriétés situées rue des Pauvres. Mais qu’également « les présentes ne vaudront au dit Sieur Allard que dans le cas seulement qu’il serait tenu de rencontrer les billets ainsi par lui endossés et d’en payer le montant », et que « bien entendu dans les cas contraire les dites présentes seront nulles et n’auront aucun effet ».

11803aLe onze novembre 1845, soit deux ans après le décès de Cordélia, Joseph-Frédérick Allard acquittera Pierre Dorion de toutes responsabilités relativement à cette garantie de prêt, « considérant que les causes et considération pour lesquelles la soit disant indemnité lui avait été consentie n’existent plus ». Est-ce à dire que Pierre Dorion avait acquitté sa dette à son égard, ou que sa belle-famille se montrait généreuse et compréhensive? Je pencherais pour la seconde hypothèse.

Peter Dorion meurt le 22 novembre 1856… Peter Dorion décédera le 22 novembre 1856. On le décrit dans l’acte de décès comme « écuyer et marchand de la ville de Québec ». Les témoins qui signent le registre lors de son enterrement sont tous des notables, et non des moindres: l’Honorable Louis Massue, Charles Langevin, Alexandre Benjamin Sirois, Abraham Hamel, Augustin Gauthier et Jean-Baptiste Fréchette. On accompagne ainsi à son dernier repos un commerçant aisé de Québec et qu’on semble tenir en haute estime.

Ruiné et démuni. Le contrat passé avec la firme Vallière et Fils pour les arrangements funéraires du défunt reflète un souci du décorum certain. Mais les apparences sont souvent trompeuses : C’est que Pierre Dorion est mort ruiné, hébergé dans une maison de chambre tenue par un de ses anciens partenaires financiers (pension Blanchard), et en faillite technique. Le règlement de sa succession, refusée par sa fille et son tuteur, prendra des années.

Nous y reviendrons plus loin dans le blogue… une vraie saga, qui impliquera les Cary, les Cannon, et une petite orpheline abandonnée au fonds du Mississippi : Mary-Ann O’Neill, mon arrière-grand-mère.

Consultez l’arbre généalogique des Dorion
Consultez le tableau des descendants de Pierre Dorion et de Jane Clarke
119 - Jacques Dorion, de Québec à St-Ours

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