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112 – Une Irlandaise investit le clan Dorion : Geneviève (Jane) Clarke

Une première brèche dans l’unicité religieuse et linguistique des Dorion. « Mes » Dorion sont ainsi francophones, bouchers ou commerçants, urbains, catholiques mais sans produire de prêtres, même s’ils fréquentent le Petit-Séminaire.

Le cours des choses va changer lorsque le 19 mai 1794 Pierre Dorion épouse selon le rite catholique, dans la paroisse Notre-Dame-de-Québec, Genevieve Clarke ou Clerke. Il est le fils de François Dorion et de Nathalie Trudel, donc l’arrière-petit-fils de l’ancêtre Pierre Dorionne. Pierre Dorion et Geneviève Clarke sont ainsi mes arrière-arrière-arrière grands parents.

11200Pierre Dorion épouse une Irlandaise. On ignore à peu près tout de Genevieve Clarke, qui se fera appeler Jane. Elle déclare avoir vingt-sept ans, et serait née en 1767 si on s’appuie sur l’âge qu’elle déclarera avoir lors du recensement de 1818. Dans l’acte de mariage, elle déclare être la fille de Michel (ou Michael) Clarke et de Marie Macowen, et être originaire du comté de Tyrone, en Ulster. L’orthographe n’est pas d’elle, mais du scribe qui a consigné les informations au registre. Aucun témoin en provenance de la famille de la mariée ne signe le registre, ce qui laisse à penser qu’elle a immigré seule ici à Québec.

J’ai retrouvé dans le Catalogue des immigrants catholiques des Îles Britanniques avant 1825, (Normand Robert et Michel Thibault, Montréal, Société de recherche historique Archive-Histo, 1988, 122 p., pp. 99 et 104) confirmation que Genevieve Clarke, fille de Michel Clarke et de Marie McCowen, a bien émigré d’Irlande vers le Canada. On indique même la date de son mariage avec Pierre Dorion. Mais la date de son arrivée n’est pas fournie. Il semble que le nombre d’immigrants était tel qu’il est à peu près impossible de mettre la main sur la liste des passagers, sauf s’il s’agissait de nobles, d’officiers ou de grands bourgeois.

Jane Clarke était-elle protestante? Dans le recensement de 1795, mené par les autorités ecclésiastiques de la paroisse, Pierre Dorion est inscrit comme habitant rue Saint-Geneviève. Il est indiqué que 8 personnes vivent dans sa demeure, dont une personne de confession protestante. Était-ce Jane Clarke? Arrivée comme catholique mais recensée comme protestante, peut-être à cause de sa langue d’origine…

Un mariage assorti de quatre enfants! En général, lors d’une cérémonie religieuse, une fois les vœux des futurs époux acceptés, le prêtre qui officie déclare les nouveaux époux mari et femme. On procède aux signatures d’usage et la cérémonie est close. Dans ce cas-ci, la cérémonie ne se limita pas à l’énoncé des engagements par les futurs époux et à la bénédiction par l’officiant. Il s’y ajouta une autre forme de bénédiction : C’est que les époux, en plus de se marier, présentèrent à l’église quatre enfants, nés de leur union commune! On lit ainsi, dans le corps même de l’acte de mariage : «  Les époux nous ayant à l’instant présenté quatre filles, à savoir Mavis, âgée de cinq ans et cinq mois, Barbe, âgée de quatre ans et cinq mois, Geneviève, âgée de trois ans et quelques jours, et Nathalie, âgée de quatorze mois, les ont reconnus pour leurs enfants communs ».

Des interrogations surgissent. Ainsi, Pierre Dorion et sa femme avaient, avant mariage, conçu quatre enfants! Assez probant, comme nombre! On ne parle pas d’une seule entorse à la norme. Mais de quatre! De plus, la nouvelle épouse était, au moment du mariage, enceinte d’un cinquième enfant. Mais ces enfants étaient-ils réellement les enfants du couple, ou seulement ceux de Genevieve Clarke, que son nouvel époux acceptait de reconnaître en même temps qu’il s’unissait à elle? Cette femme, née à l’étranger, avait-elle été déjà mariée? Était-elle veuve? Si tel était le cas, pourquoi le fait n’était-il pas explicitement mentionné? Si Pierre Dorion était réellement le père, pourquoi avoir attendu si longtemps avant de l’épouser, alors qu’il était célibataire?

Il y avait de quoi être sceptique, sinon dubitatif, et le texte consigné au registre des mariages par le prêtre officiant le reflète bien : « Ladite Genevieve Clarke nous ayant donné des preuves de sa liberté à l’effet de se marier dans ce pays, comme il appert dans le procès-verbal le dix du précédent mois annexé à l’un des deux registres (…) et ne s’étant découvert aucun autre empêchement au mariage, nous soussigné prêtre de cette paroisse avons reçu leur mutuel consentement et leur avons donné la bénédiction nuptiale dans la forme prescrite par notre mère la Sainte Église ».

Une mystérieuse annexe… introuvable! J’ai voulu trouver réponse aux interrogations que cette découverte soulevait chez moi, pour y voir un peu plus clair. Ma curiosité était piquée à vif. Or il était fait mention dans le texte de l’acte de mariage d’une annexe scellée, jointe à l’acte de mariage, et contenant le procès-verbal d’une déclaration que l’épousée avait faite aux autorités ecclésiastiques de la paroisse Notre-Dame-de-Québec, préalablement à son mariage. J’ai donc voulu consulter l’original, qui est généralement disponible en deux copies, dudit acte de mariage, afin de pouvoir prendre connaissance de l’annexe. Il me semblait que j’y trouverais réponse à mes questionnements. J’ai d’abord consulté le premier original, celui qui est classé aux Archives nationales du Québec : l’annexe ne s’y trouvait pas. J’ai alors contacté l’archevêché de la paroisse Notre-Dame-de-Québec, qui détenait sûrement le deuxième original, en expliquant ce que je cherchais et pourquoi, et demandant qu’on vérifie la présence de la fameuse annexe. On a aimablement acquiescé à ma demande et examiné le deuxième original. Mon interlocuteur de l’évêché m’a expliqué qu’on y voit effectivement la trace d’une annexe, plus exactement du ruban qui la reliait à l’original. Mais que l’annexe comme telle demeure introuvable. Retour à la case zéro.

Mais j’ai pu trouver trace de ces quatre enfants dans les registres d’état civil de la paroisse Notre-Dame-de-Québec. Heureusement pour moi, car Nathalie, la plus jeune d’entre elles, est mon ancêtre… À suivre…

Réf. : Pour vous y retrouver avec la famille Dorion, consultez l’arbre généalogique des Dorion
113 - Quatre enfants nés avant mariage qui n'existent pas

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