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109 – Une ascension professionnelle à une époque trouble

10900aLe grand dérangement de 1760. Le 24 juin 1759, une armada de 250 navires britanniques chargés de 15 000 marins, de 8 500 soldats d’élite et de 2 000 canons se pointe au large de Québec. Du 26 juin au 18 septembre 1759, la ville fera l’objet de tirs de canons et de bombardements répétés de la part des troupes britanniques, avant que celles-ci n’investissent la ville. Lorsqu’ils pénétreront enfin dans la ville, les Britanniques seront surpris de l’état des lieux. La ville est presqu’entièrement détruite.

Un officier britannique, du nom de Richard Short, accompagnait Wolfe lorsque les troupes britanniques investirent Québec. Il produisit douze dessins qui furent publiés en Angleterre en 1761 sous forme de gravures. Même si de l’avis des spécialistes les angles et les perspectives utilisées reflètent une vision déformée des lieux, il s’agit néanmoins des seuls croquis disponibles de l’état de la ville à l’arrivée des Britanniques.

La mort de Montcalm. Quand j’étais enfant, le récit qu’on nous faisait de la chute de Québec tournait essentiellement autour de la mort de Wolfe et surtout de celle de Montcalm, les deux généraux qui s’affrontèrent lors de la prise de la ville. La reproduction de l’estampe de François-Louis-Joseph Watteau, où Montcalm rendait l’âme sur le champ de bataille entouré de ses officiers, circulait abondamment, et constituait la synthèse du récit qu’on nous faisait de la prise de Québec.

La réalité est toute autre : Montcalm décéda chez son chirurgien, et fut inhumé le lendemain sous la chapelle des Ursulines. Les souffrances de la population qui pâtit âprement de la lutte à finir que se livrèrent les Français et les Britanniques, furent largement occultées, au profit du récit à la limite romantique de la mort du héros terrassé, noble et Français.

La population, prise en otage. Selon Jacques Lacourcière, « le 15 septembre il ne reste plus à l’intérieur des murailles que 2 600 femmes et enfants et environ 1 200 malades ou blessés » (Jacques Lacourcière, Histoire populaire du Québec, des origines à 1791, Québec, Septentrion, 1995, 481 pages, p. 311). La ville a de plus connu la famine, en juin 1757, à un point tel que le pain y a été rationné. Les troupes britanniques ont débarqué à Kamouraska et à Montmagny et ont tout détruit sur leur passage. Elles ont appliqué la même médecine à Beaupré, Baie-Saint-Paul et à La Malbaie. Objectif : Bloquer l’approvisionnement vers Québec. La population, prise en otage entre les troupes françaises et britanniques, est affamée et épuisée.

Québec, ville occupée. La ville est en piteux état. Une fois la défaite des Français acquise, les habitants reviennent prendre possession de leurs maisons et entreprennent de les remettre en état avant l’hiver. Environ huit mille personnes habitent les ruines de Québec, contre cinq mille à Montréal. Qui dit occupation de troupes étrangères dit présence d’une garnison, avec son cortège de soldats jeunes et en quête de plaisirs. Il y en des milliers à Québec et cela durera des décennies. Avec son lot de tavernes, de maisons de passe, de syphilis à l’état endémique. Les relations entre l’occupant et la population demeureront cependant en général correctes, compte-tenu des circonstances. Les religieuses Hospitalières et les Ursulines ouvrent les portes des infirmeries aux soldats britanniques.

Les nobles partent, les colons restent. Une fois sanctionnée la cession de la Nouvelle-France à l’Angleterre, la petite noblesse française et les marchands aisés ont tous plié bagages et sont rentrés en France. Ne sont restés sur l’ensemble du territoire de la colonie que quelques seigneurs terriens, le clergé et les colons, dont le nombre est estimé à 50 000 et qui constituent la majorité de la population. 90 % d’entre eux sont analphabètes.

Liberté de culte et d’exercice du commerce. Les habitants obtiennent la liberté de religion et, ce qui est moins connu, de négoce. Francophones et catholiques, regroupés autour de leurs églises et de leurs prêtres, continueront de cultiver leur lopin de terre et ne seront pas dérangés plus qu’il ne convient par les nouveaux maîtres de la colonie. On considérait qu’ils s’étaient battus vaillamment et qu’ils avaient perdu. On pensait également pouvoir progressivement les assimiler, et les convertir au protestantisme. C’était bien mal connaître nos ancêtres…Car ceux-ci tinrent bon, se reproduisirent abondamment, et gagnèrent le droit de gérer leurs institutions à coup de révoltes, manœuvres diplomatiques, séductions, etc. Rien à leur épreuve!

Un afflux massif d’immigrants. Québec est également un port d’arrivée massive d’immigrants venus d’Europe, en particulier d’Angleterre et d’Écosse mais aussi d’Irlande. Les premiers arrivés sont protestants, en général assez bien nantis. L’Angleterre compte sur eux pour prendre les rênes du l’activité économique et tranquillement et pacifiquement assimiler les francophones d’ici.

Ceux qui les suivront sont des paysans, surtout Irlandais, affamés et pauvres, mais catholiques, que les propriétaires terriens de leur pays d’origine ont exploités pendant des générations. On les entasse sur des bateaux en partance pour l’Amérique, en leur faisant miroiter l’espoir d’une vie nouvelle. Plusieurs meurent pendant le voyage, faute de nourriture et de soins médicaux appropriés. La petite histoire de ce phénomène de l’immigration ici, de la façon dont on déversait littéralement les passagers sur les rives quand on approchait des côtes ou dans le port, autant les mourants, les morts que les biens portants, est une disgrâce. Les gens de la Ville, autant les pauvres que les riches, fermaient voire barricadaient leurs portes et refusaient de nourrir ces hordes de miséreux.

Et leur nombre continuait de croître : Pour les seules années 1831 et 1832, Québec accueillera 50 000 immigrants! La population de la ville est de 27 000, ce qui illustre bien le fardeau que représentait le déversement de ces nouveaux venus dont les autorités souhaitaient qu’ils essaiment vers les autres parties du Bas-Canada, souvent à pied, mais qui ne le pouvaient pas toujours. Et pour cause : Ils arrivaient souvent non seulement malades, mais porteurs du choléra.

Épidémies de choléra. Québec connaîtra d’ailleurs deux épidémies de choléra. Celle de 1832 touchera 4 000 personnes. On parlera de 1904 décès, mais il s’agit là uniquement du nombre des décès officiellement recensés. Une deuxième épidémie sévira en 1834. Ce n’est que sur la pression des événements, suite à cet afflux incontrôlable d’immigrants miséreux et terriblement malades, que des cliniques médicales seront créées. L’hôpital des Émigrants était un de ceux-là. On couchait les pauvres voyageurs à deux, et même à trois, dans le même lit.

La Ville aura donc connu la Conquête, l’installation massive de troupes militaires, et le déversement d’immigrants souvent affamés. Puis des épidémies, des disettes, des incendies qui détruiront une partie des habitations et des commerces, car plusieurs des maisons étaient de bois.

La prospérité économique grâce au port de Québec. Heureusement grâce au blocus continental décrété par Napoléon en 1806, l’Angleterre devra se tourner vers ses colonies, dont la Nouvelle-France qu’on appelait maintenant le Bas-Canada, pour s’approvisionner. Cette impulsion donnera le coup d’envoi à une période de prospérité économique pour le port de Québec. Le commerce du bois sera extrêmement florissant. Les francophones ne profiteront pas directement de cette prospérité, plutôt indirectement, car les Britanniques donneront priorité aux leurs. La nature humaine étant ce qu’elle est, les unions matrimoniales entre Britanniques et « Canadiens » favoriseront un rapprochement entre les deux communautés. La ville se reconstruit néanmoins petit à petit et tous ultimement y trouvent leur compte.

Les quartiers sous le cap Diamant étaient ceux des pauvres, qu’on contenait tant bien que mal. Le quartier autour de la basilique, où habitaient les Dorion, et celui en direction de Sillery, le long de la rue D’Aiguillon, accueillaient des gens plus à l’aise financièrement. Après l’implantation de chantiers navals, un nouveau quartier, celui de Saint-Roch, le long de la rivière Saint-Charles, se développera.

Une adresse à l’intention de Robert Prescott dans La Gazette de Québec. Une nouvelle élite, anglophone, protestante et marchande, avait pris racine à Québec. Les commerçants et marchands francophones comprirent rapidement qu’il valait mieux s’entendre avec les nouveaux maîtres si on voulait survivre et pouvoir continuer à faire des affaires sans être inquiété. Huit-cents citoyens de la ville, francophones autant qu’anglophones, parmi lesquels Nicholas et Paul Dorion, fils de François Dorion et de Nathalie Trudel, signent un hommage au lieutenant-gouverneur Robert Prescott, à l’occasion de son départ pour l’Angleterre. Même le clergé catholique compte parmi les signataires. L’éloge, publié dans La Gazette de Québec le 18 juillet 1799, occupe la première page du journal, et la liste des signataires, elle, fait toute la deuxième page.

Une marque de reconnaissance à l’égard d’un dirigeant dont on avait apprécié l’honnêteté et la fermeté. Mais tout autant un serment d’allégeance aux nouveaux dirigeants de la colonie. Et l’affirmation que l’on pouvait vivre en bonne intelligence les uns avec les autres. On appelle cela s’adapter pour survivre… 

On ignore jusqu’à quel point la vie des Dorion fut bouleversée par la Conquête. Une chose est sûre, ils étaient résilients et dotés d’un fort caractère.

Réf. : Pour vous y retrouver avec la famille Dorion, consultez l’arbre généalogique des Dorion
110 - Marie-Anne Dorion, un sacré caractère

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